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— Actualités —

Enquête publique : avis défavorable pour le barrage de Poutès.

L'avis négatif de la FRAPNA Région pour les 5 variantes du projet de réaménagement.

Décembre 2018

Chute de Poutès Monistrol

Objet : Réponse de la FRAPNA Région à l’enquête publique relative au réaménagement du barrage de Poutès dit «Nouveau Poutès Optimisé ».

Monsieur le commissaire enquêteur,

La FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature), dont la vocation première est la préservation et la sauvegarde des espèces et des milieux naturels dans les huit départements de l’ancienne région Rhône-Alpes, tient à vous apporter sa contribution à l’enquête publique concernant le projet d’avenant au cahier des charges de la concession du barrage hydroélectrique de Poutès Monistrol sur l’Allier, situé dans le département de la Haute Loire.

Les départements du Rhône, de la Loire et de l’Ardèche englobent une partie restreinte mais significative du bassin versant de la Loire et même, pour le département de l’Ardèche, une partie du bassin versant de l’Allier lui-même. De plus, la préservation de la souche ligérienne du Saumon Atlantique est un enjeu au moins national sinon européen puisque cette espèce est d’intérêt communautaire européen, la France ayant la responsabilité d’organiser une gestion durable de sa population et de son habitat. Notre Fédération se trouve ainsi doublement fondée à déposer son avis sur le registre d’enquête.

Le maintien de tout aménagement à Poutès aura des incidences directes sur l’état de conservation du grand Saumon de la Loire, ce qui veut dire que tout aménagement sur ce site devra proposer un compromis qui préserve en toute hypothèse l’avenir de cette espèce.

Tout d’abord, le pétitionnaire met en avant une prétendue concertation avec toutes les parties concernées : nous récusons complètement cette interprétation des faits. Les représentants de FNE, Fédération dont la FRAPNA est membre, au Comité de Bassin Loire Bretagne n’ont jamais été entendus et encore moins écoutés.

Sur le fond de ce dossier, remarquons et cela saute au yeux d’un observateur impartial, que les enjeux de biodiversité et d’énergie se situent, chacun dans leur domaine, à des niveaux très différents :

Du coté énergétique, l’enjeu de la production électrique paraît tout à fait dérisoire, la production de la Chute Allier étant inférieure à 40GWh2 soit 0,05% de la production hydroélectrique nationale et moins de 0,006% de la production électrique nationale. En outre, l’exploitation au fil de l’eau à laquelle serait confinée le nouvel ouvrage projeté, limiterait encore son intérêt en le rendant inadapté à la transition énergétique qui prévoit l’injection massive d’électricité issue de sources renouvelables de puissances variables. En dehors de l’aspect énergétique, mais toujours sur le plan économique seul l’enjeu attaché à la fiscalité territoriale pourrait retenir l’attention. Or, il nous semble qu’elle pourrait être facilement compensée dans le cadre des solidarités nationale et régionale, sans même parler de l’atout extraordinaire que constituerait un environnement naturel restauré. Dans son avis, l’Autorité Environnementale s’étonne de l’absence paradoxale de toute analyse énergétique (qui ne peut se limiter à une simple confrontation des productibles prévisionnels sauf à prendre les lecteurs pour des imbéciles) comparant les diverses versions qui nous ont été proposées depuis 5 ans. L’utilisation en toute opacité du calcul économique auquel s’est livré le concessionnaire ne donne aucune idée objective des intérêts à faire prévaloir dans l’arbitrage entièrement ficelé présenté dans ce dossier. Pourquoi 91 jours et pas 92 ou 120 ? Combien coûterait au concessionnaire l’effort de passer de 91 à 92 jours ? Quel en serait l’effet sur les chances de survie du Saumon sur l’axe Allier ? Voilà les questions que nous nous posons et sur lesquelles le dossier reste muet. En réalité, dans ce dossier on assiste au dévoiement de la notion même d’étude d’impact qui impose la notion de variantes : dans le cas présent les variantes sont faciles à identifier. Pourquoi ne propose-t-on pas une analyse comparative des 5 variantes qui ont le mérite d’avoir été étudiées par le concessionnaire sans que celui-ci en partage les résultats ? Voici les 5 variantes en question :

– Poutès dans l’état actuel
– Effacement total de Poutès
– Nouveau Poutès pompage
– Nouveau Poutès Siphon
– Nouveau Poutès « Optimisé »

Du côté biodiversité, le saumon sauvage de la Loire est la dernière forme survivante en Europe occidentale d’un grand saumon capable d’effectuer une migration de reproduction en rivière sur une distance de près de 1000 Km. Les autres formes similaires de saumon ont disparu des grands fleuves européens en raison des activités humaines. Le site de Poutès est situé au tiers inférieur de la zone sanctuaire réservée à la reproduction naturelle du saumon et près de 50% du potentiel de production de saumoneaux de l’Allier se trouve en amont du barrage.

En résumé nous avons, du coté énergétique et économique, un niveau d’enjeu très limité d’intérêt local et, du coté biodiversité, un enjeu de niveau européen.

Le présent dossier est le dernier avatar d’une succession de projets depuis une version initiale (Nouveau Poutès avec Pompage), aujourd’hui abandonnée, pour laquelle le concessionnaire a été choisi par l’Etat. Quelle devrait être sa décision aujourd’hui sur un projet substantiellement différent ? On ne peut que constater qu’au fil des versions ( Nouveau Poutès avec siphon et maintenant Nouveau Poutès « Optimisé ») la hauteur du barrage s’élève, la longueur de la retenue et son volume augmentent, le débit d’équipement s’accroît et chacune de ces variations évolue dans un sens objectivement défavorable au Saumon.
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Face à cette dérive négative, le concessionnaire présente soit des raisonnements théoriques (tels que ceux portant sur le temps de résidence des smolts dans la retenue) ou des paliatifs plus ou moins crédibles comme un engagement à effacer le barrage pendant 91 jours ou la mise en place d’un dispositif de franchissement très proche de ceux qu’il s’est montré incapable de faire fonctionner correctement depuis 1986 : passe à ralentisseurs et ascenseur. Pourquoi n’a-t-il pas mis en œuvre plus tôt les mesures qu’il préconise aujourd’hui?

On comprend que le chiffre de 91 jours est limité aux mois de Mai, Septembre, Octobre (qui comportent déjà 92 jours ce qui traduit bien la marge de manœuvre donnée à la protection du Saumon !) et, éventuellement, jusqu’au 10 novembre. En fait et très opportunément, le « seul » souci de sauvegarde des frayères en aval impose cette date limite fatidique juste au moment où, comme par hasard, on rentre dans la période où le prix de l’électricité augmente fortement avec la saison froide !

Comme l’indique l’étude d’impact et le souligne l’Autorité environnementale, les montées importantes de reproducteurs peuvent être tardives et se situer au delà du 10 novembre, novembre restant un mois important en terme de recrutement de reproducteurs.

Nous ne pouvons accepter cet arbitrage entre les « saumons d’en bas » et les « saumons du haut » sans pouvoir juger des termes de cet arbitrage et surtout de comprendre quelles garanties il offre pour la restauration des capacités de reproduction du Saumon.

Lorsque l’on examine attentivement le projet de cahier des charges on ne peut que constater que :

1) Des caractéristiques importantes du futur fonctionnement de l’ouvrage, cruciales pour la pérenité du saumon atlantique, sont renvoyées au règlement d’eau dont le processus d’établissement n’est pas détaillé et n’offre aucune garantie aux intérêts que nous défendons.
2) La référence récurrente de l’article 5 du cahier des charges sur la quasi totalité des articles qui visent à donner ces garanties dans ce même cahier des charges, les vident en totalité de leur portée réglementaire et juridique.

Un autre point a attiré notre attention, point qui ne figure pas ou que nous n’avons pas su trouver dans le dossier : il s’agit du soutien, par ailleurs non encore acquis (il reste le vote de la commission des aides du Conseil d’administration) de l’Agence de l’eau Loire Bretagne dans le montage financier conditionnant la réalisation de ce projet.

Nous trouverions particulièrement mal venue cette aide au moment où les Agences connaissent des baisses de ressources importantes. Par ailleurs, il nous semble incohérent de ne pas avoir fait figurer dans les conditions d’octroi de la concession, donnée si légèrement en 20157, le fait que le pétitionnaire doive acquitter de toutes les charges de modernisation et d’adaptation de l’ouvrage et le fait ponctionner l’Agence pour pallier cette lacune le moment venu !

Lorsque l’Agence Rhône Méditerranée Corse est intervenue dans le financement des investissements réalisés par la CNR pour accompagner le relèvement de débit réservé sur le Rhône, elle le faisait dans le cadre d’une concession en cours d’exécution pour participer au support de charges non prévues dans son cahier des charges et auxquelles le concessionnaire était confronté, ce qui est un tout autre problème.

Lorsque l’Agence Seine Normandie intervient dans l’arasement des ouvrages de la Selune, elle le fait dans le cadre d’un ouvrage sans concessionnaire dont l’Etat seul à la charge. Le fait que la concession de Vezins ne mette pas à la charge du concessionnaire sortant les frais de remise en état des lieux (ce qui est une lacune malheureuse, propre à l’hydroélectricité, dont nous demandons la suppression dans toutes les concessions futures à commencer par celle de Poutès Monistrol si par malheur l’Etat choississait de donner suite au présent projet) peut justifier l’intervention de l’Agence.

Une fois de plus cette aide constitue une nouvelle charge que devront supporter les usagers des réseaux publics d’eau et d’assainissement (qui sont à l’origine de 85% des ressources des agences) en même temps qu’un dangereux précédent : à chaque renouvellement de concession les agences de l’eau vont-elles devoir « passer à la caisse » pour obtenir une protection minimale de l’environnement ?

En conclusion le projet d’avenant conduit à un projet coûteux (24 M€ et sans doute bien davantage), à l’intérêt énergétique limité (fil de l’eau, 91 jours d’arrêt) et dénué de toute contrainte réglementaire d’obligation de résultat en ce qui concerne la pérennité de la population de Saumon (Voir le projet de Cahier des charges). Les errements auxquels ce projet a donné lieu, depuis maintenant presque dix ans, démontrent jusqu’à l’évidence l’impossibilité d’un compromis. Les pouvoirs publics, qui n’ont visiblement aucune prise sur leur
concessionnaire doivent se ressaisir et en prendre acte, arrêter tout acharnement à Poutès et réfléchir à la restauration d’un site qui n’aurait jamais dû être équipé et qui ne l’a été que dans des circonstances historiques tragiques pour notre pays. Bien des ouvrages hydroélectriques concédés attendent une modernisation qui n’a que trop tardé et les fonds économisés à Poutès trouveraient de meilleures utilisations sur d’autres ouvrages existants situés dans des sites beaucoup moins sensibles sur le plan environnemental.
Une autre conséquence de cette pénible séquence est de renforcer la nécessaire mise en concurrence des concessions afin de permettre un minimum de rééquilibrage des forces en présence en faveur de la puissance publique. Cette dernière ne dispose visiblement plus des moyens techniques et intellectuels pour faire face à un industriel parfaitement outillé et disposant de toutes les informations nécessaires pour rester en position de force dans une négociation dont la biodiversité constitue pourtant l’enjeu majeur.

Eric Féraille, Président

Contact : Jacques Pulou – 06 72 03 95 35
jacques.pulou@wanadoo.fr

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

https://www.fne-aura.org/actualites/region/enquete-publique-avis-defavorable-pour-le-barrage-de-poutes/

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