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Autorisation de tir létal du loup : symptôme du rejet de l’espèce dans l’Ain ?

Deux victimes en un mois sur un troupeau de plusieurs centaines d'animaux seraient suffisantes, selon les services de l’État, pour autoriser le tir d'une espèce protégée.

Mercredi 11 octobre 2023 Grands prédateurs

Alors que le loup est présent depuis 30 ans dans certains départements du sud-est de la France, suite à son retour naturel depuis l’Italie, c’est seulement depuis quelques années que des individus sont régulièrement observés dans notre département. Jusqu’à maintenant, il s’agissait toujours d’individus isolés, contactés essentiellement via des systèmes photographiques automatiques.

Enfin, cette année, pour la première fois depuis plus d’un siècle, une reproduction a eu lieu dans l’Ain, au sein de la Réserve Naturelle de la Haute-Chaine du Jura ! C’est l’équipe de la Réserve qui a eu le privilège de découvrir la présence de deux louveteaux dans le cadre de leur suivi photographique. (voir le CP de la préfecture daté du 7 septembre dernier, concernant cette reproduction)

Nous ne pouvons que nous féliciter de cette nouvelle qui montre l’intérêt de préserver des espaces naturels où les activités humaines sont réglementées, grâce à la collaboration des différents acteurs d’un territoire.

C’est sur ce même territoire de la Haute-Chaine qu’ont eu lieu deux attaques vraisemblablement attribuables au loup, le 23 août et le 20 septembre. Les loups ayant une maitrise très approximative des limites de la Réserve Naturelle, c’est juste hors de ses frontières que ces attaques ont eu lieu. Bien que seules deux brebis aient été tuées à un mois d’intervalle (et indirectement, des suites de l’attaque, pour la première), cela a suffi à la Préfète de l’Ain pour signer un arrêté autorisant un tir de défense simple du loup à proximité du troupeau concerné, deux jours après la seconde attaque (Voir l’arrêté).

Cela signifie qu’une dérogation est accordée à l’éleveur qui en a fait la demande et qui est donc autorisé à tuer un loup, dans les conditions définies par l’arrêté. En particulier, le tir est limité aux cas d’attaque du troupeau. Notons que cet éleveur a subi des attaques malgré la mise en place de tous les moyens de protection possibles pour son troupeau. Toutefois, nous considérons que cette décision des services de l’État est disproportionnée compte-tenu du faible nombre d’animaux tués.

Rappelons que le loup est protégé au niveau européen. Cette protection prévoit la possibilité de dérogations mais en cas de dommages jugés importants. Deux victimes en un mois sur un troupeau de plusieurs centaines d’animaux semblent donc être des « dommages importants » pour les services de l’État dans l’Ain.

Qui plus est, nous ne pouvons que nous interroger en lisant dans l’arrêté que la demande de l’éleveur « d’effectuer des tirs de défense simple en vue de la défense de son troupeau » est datée du 2 août 2023 soit… 3 semaines avant la première attaque dudit troupeau ! Bien que l’arrêté ait été pris suite à une seconde demande de l’éleveur, pourquoi cette date a-t-elle été maintenue ?

L’éleveur est, suite à cet arrêté, autorisé à tirer un loup à proximité de son troupeau jusqu’au 31 octobre. Une telle décision revient à refuser toute présence permanente de loups dans l’Ain et ouvre la porte à leur destruction dès la moindre attaque, même si le nombre de victimes est très faible, au lieu de réserver les tirs aux foyers de prédation où les animaux tués sont réellement nombreux et où toutes les alternatives se sont montrées inefficaces. Il nous faut maintenant être encore plus vigilant.es pour défendre les intérêts de la cohabitation entre élevage et faune sauvage tout en poursuivant la sensibilisation du grand public car nous sommes tou.tes concerné.es.

C’est dans cet objectif, par exemple, que nous avons réalisé la campagne Alpatous initiée par FNE PACA il y a 3 ans déjà. Grâce à FNE PACA, l’OFB et l’APACEFS, pour cette première année dans l’Ain, six bénévoles ont été formé.es aux enjeux de la présence de chiens de protection auprès des troupeaux et aux bons gestes à adopter face à ces chiens. Cet été, ces ambassadeurs et ambassadrices Alpatous sont allé.es à la rencontre de plus de 80 personnes, randonneur.ses et VTTistes notamment, pour leur apprendre les bonnes attitudes permettant un partage apaisé de la montagne.

Le chemin est encore long car les idées fausses contre le loup sont tenaces…

Pourtant, la déprédation par les loups et les lynx concerne moins d’1 % des ovins et caprins de l’Ain, contre 5 % à 12 % de mortalité par d’autres causes (ex. maladies, accidents). Il faut donc relativiser l’impact des déprédations. Bien entendu, nous sommes conscient.es de l’épreuve que constitue chaque attaque, pour un éleveur ou une éleveuse, dans un contexte déjà pesant pour la profession. Mais le loup ne doit pas servir d’exutoire pour éviter d’affronter les principales causes des difficultés, bien réelles, rencontrées par les éleveurs et éleveuses et qui sont dues… à l’homme ! De plus, ces difficultés ne sauraient justifier des décisions de l’Etat inappropriées.

De plus, comme tout grand prédateur, le loup a un rôle bénéfique sur les écosystèmes forestiers. En particulier, sa présence évite une surpopulation de grands herbivores et limite donc la pression de ces ongulés sur la végétation. Ceci est bénéfique à la fois pour le fonctionnement naturel des forêts et pour nos activités sylvicoles. (plus d’infos sur le site de Ferus)

Ajoutons qu’un loup tué, ce n’est pas seulement un individu de moins sur l’effectif total car le loup est une espèce à la vie sociale complexe : les membres d’une meute dépendent les uns des autres. La mort d’un individu peut provoquer l’éclatement de sa meute. Se retrouvant seuls ou en petit groupe, les loups n’ont plus la possibilité de chasser leurs proies naturelles de grande taille (ex. cerfs), ce qui augmente le risque d’attaques sur les animaux domestiques. Les tirs peuvent donc se révéler contre-productifs. Au contraire, assurer l’installation pérenne d’une meute peut être une manière de garantir la sécurité des troupeaux.

Après plusieurs décennies sans loup en France et en raison des évolutions économiques globales, nos méthodes d’élevage ont changé. Contrairement à des pays voisins, nous avons perdu la culture de la proximité avec les grands prédateurs. Il nous faut donc, collectivement, réapprendre à vivre avec le loup tout en étant solidaires des éleveurs et éleveuses.

A FNE, nous sommes convaincu.es que cela est possible et nous continuerons à agir en ce sens ! Affirmer notre opposition à cette autorisation de tir s’inscrit dans un objectif plus global d’acceptation du sauvage et de partage de nos territoires avec l’ensemble du vivant, afin de redonner à nos forêts aindinoises un équilibre bénéfique pour tou.tes.

Publié par FNE Ain

Le Mercredi 11 octobre 2023

https://www.fne-aura.org/actualites/ain/autorisation-de-tir-letal-du-loup-symptome-du-rejet-de-lespece-dans-lain-2/

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