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— Communiqués —

Note de FNE 43 concernant la création de retenues d’eau à usage agricole

Cette note a pour objet de faire connaître à la presse et au grand public les remarques que notre association agréée, FNE 43, souhaite porter dans le cadre de sa participation à la réflexion générale sur les problématiques liées aux conséquences du réchauffement climatique sur la disponibilité de la ressource en eau.

Jeudi 11 mai 2023 Agriculture Eau

Le constat initial

Le réchauffement climatique et les périodes de sécheresse de plus en plus longues qu’il génère influent considérablement sur la ressource en eau. Au delà de la baisse générale des débits des cours d’eau en période d’été, nous constatons une baisse croissante de la pluviométrie en automne et au printemps. La reconstitution des stocks d’eau dans les nappes phréatiques n’est plus assurée. Des communes de nos territoires sont encore ravitaillées en eau de manière artificielle, même en Auvergne (depuis l’été dernier, Le Bouchet St Nicolas est toujours ravitaillé en eau par camion citerne). Durant l’été 2022, la presse nationale s’est largement faite l’écho des difficultés d’approvisionnement en eau en région PACA (une cinquantaine de commues touchées par la pénurie d’eau et des restrictions imposées aux usagers), et plus récemment à Volvic. Les données récentes sur l’état des nappes phréatiques sont très préoccupantes sur une bonne moitié du territoire national.

Or, l’eau est un bien commun, auquel tout citoyen doit avoir également accès. Sa rareté est donc l’affaire de tous. Dans une démocratie qui se veut moderne, il paraît insensé de penser que nous vivions une « guerre de l’eau ».

 

Notre point de vue

En ce sens, la décision de l’Etat de favoriser, par des aides financières très importantes, la constitution de réserves d’eau à des fins privatives, sans concertation, sur l’initiative privée de quelques uns, notamment pour l’agriculture mais il en serait de même pour tout autre domaine, interroge quelque peu.

En effet, cette initiative soulève des interrogations légitimes auxquelles tous les citoyens devraient pouvoir apporter leur part de réponse, comme par exemple, si l’eau devient plus rare:

  • tous les territoires ne sont pas concernés de la même façon. Quid de la notion d’équilibre des approvisionnement en eau des territoires dans un pays qui affiche fièrement le slogan d’égalité ?
  • qui décidera des priorités d’usage de l’eau, entre celles de l’eau potable de consommation, celles de l’industrie, de l’agriculture, etc..?
  • au delà, quelles sont les motivations de ces priorités : l’alimentation humaine ? Pour quelle alimentation ? L’industrie textile, très grosse consommatrice d’eau, pour quelles fournitures textiles, etc..?

Depuis le printemps 2021, alors qu’elle avait été conviée aux discussions départementales sur l’avenir de l’eau et la rédaction d’un protocole sur les retenues d’eau à usage agricole, protocole qui fut ensuite signé par le Ministre de l’agriculture et les organes représentatifs de l’agriculture en haute-loire, et dans toutes les régions, mais dont FNE43 avait été écarté, l’association avait mis en avant plusieurs aspects primordiaux, notamment :

  • prioritairement, veiller à la mise aux normes des ouvrages existants, privilégier la réutilisation des ouvrages inutilisés ou pouvant être optimisés,
  • arrêter la destruction des zones humides, qui sont un levier essentiel pour la préservation des milieux aquatiques,
  • privilégier les approches collectives,
  • ne pas déconnecter les projets de retenues du réseau hydrographique au regard de la cartographie des cours d’eau finalisé sur l’ensemble d’un territoire,
  • la nécessité de privilégier les économies collectives d’eau (réduire les pertes réseau, sobriété, etc…)
  • respecter la biodiversité

Mais rien n’en fut retenu, le protocole définitif préférant suggérer de « veiller…ou , éviter… » là où l’intérêt général aurait nécessité plus de fermeté. Il avait validé le principe de déroger aux règles de périodicité des prélèvements pour remplissage des retenues autorisées habituellement par le SDAGE « …à compter du 1er novembre et jusqu’au 31 mars » pour permettre la possibilité de prélèvements dérogatoires « …en cas d’étiage exceptionnel automnal du 1er avril au 31 mai. »

Fidèle à ce que prévoit très clairement le code de l’environnement, FNE43 avait marqué fermement son désaccord sur ce protocole. Il nous apparaissait également qu’il n’était pas interdit de penser que puisse à l’avenir correspondre à une nouvelle donne climatique, d’éventuelles modifications de ces dispositions, décisions que seules les autorités juridiquement compétentes pourraient alors prendre.

De façon générale, nous affirmions :

  • que la formulation de l’article L.211-1 du code de l’environnement prévoyant « une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau » et ses alinéas suivants, relatifs notamment à la protections de la biodiversité et à l’égalité des usagers, devaient garder leur valeur de principe garanti par l’État.
  • que, qu’elle que soit la nécessité de prendre en compte l’usage économique ainsi que les besoins de l’agriculture, ce que prévoit d’ailleurs le code de l’environnement, nous regrettions les pressions exercées, de facto, par les engagements financiers de l’Etat sur les discussions menées dans le cadre de la rédaction du protocole. Elles enferment les quelques agriculteurs qui en bénéficient dans un système de production d’agriculture industrielle principalement axé sur l’exportation, qui voudrait continuer à polluer, à mépriser notre santé, à broyer le monde paysan,
  • qu’aucune réflexion globale sur les pratiques agricoles de demain n’est engagée,
  • que techniquement les méga-bassines, sont une très mauvaise solution, qui favorise l’évaporation et le développement de cyanobactéries dangereuses,
  • que d’autres options agricoles sont possibles, moins destructrices du vivant : préserver les zones humides, maintenir et planter des haies, adapter des cultures moins gourmandes en eau comme le sorgho, le millet ou les lentilles, produire moins de maïs qui sert surtout à alimenter le bétail et les méthaniseurs, mais aussi consommer moins et mieux de viande, installer plus de paysans et paysannes en agroécologie, adapter les semences de ferme et se passer enfin des biotechnologies !

Or, deux années plus tard, ce n’est toujours pas l’approche qui est faite par le pouvoir : on continue de privilégier l’initiative privée, on ne se soucie que des motivations économiques individuelles sans chercher à connaître l’impact sociétal des projets, on y consacre beaucoup d’argent public et on oublie l’intérêt général.

FNE43 préférerait que ces débats soient menés de manière démocratique et solidaire, au sein des instances habilitées et légalement constituées et au regard des nombreuses données scientifiques dont nous disposons, dans une perspective de respect de l’intérêt collectif et du vivant.

Il est, particulièrement, essentiel que la concertation sur l’avenir de l’agriculture et de l’alimentation restent, compte tenu des enjeux actuels, ouverte à la réflexion collective.

Dans ce contexte, et afin d’éviter toute sur-utilisation de la ressource en eau dont la biodiversité serait la première victime, le stockage et l’irrigation devraient être régulés collectivement de telle manière que l’existant des ouvrages soit pris en compte, ainsi que l’analyse par territoires et par cultures des besoins liés à l’évolution du climat et des besoins alimentaires.

Ce point de vue écologique ‒ largement partagé désormais‒ a toute sa place dans le cadre d’une évolution climatique certaine. Les citoyens qui prennent part à ce débat, qui leur est confisqué, ne font qu’agir en respect la démocratie. Les qualifier de « terroristes de la pensée » et tenter de les faire taire, par la violence institutionnelle ou la menace de procédures judiciaires, relève d’une profond mépris pour le débat démocratique et d’une perte dommageable du sens des réalités collectives.

 

Pour aller plus loin

Article du CNRS du 13/09/2023 : « Les mégabassines ne résoudront pas la crise de l’eau »

Publié par FNE Haute-Loire

Le Jeudi 11 mai 2023

https://www.fne-aura.org/communiques/haute-loire/note-de-fne-43-concernant-la-creation-de-retenues-deau-a-usage-agricole/

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