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Le Préfet de l’Ain est formel : il y a trop de blaireaux dans l’Ain !

FNE Ain vient de déposer un recours gracieux auprès du préfet pour lui demander de retirer son arrêté prolongeant la vénerie sous terre du blaireau jusqu'au 31 août.

Pauvre blaireau… nous lui avons choisi un nom, et il est devenu une insulte. Il semblerait que cela vienne du jargon militaire où un « blaireau » désignait un « bleu », une nouvelle recrue sans expérience et donc pas forcément très habile. Peut-être pourrait-on revenir au terme ancien « tasson » ou « tesson », qui existe encore dans de nombreux noms de lieux ou de personnes…
Ça ferait un souci de réglé pour la bestiole. Et ça lui ferait sûrement une belle jambe (quoi que courte), puisque des soucis bien plus sérieux se profilent à l’horizon.

En effet le mercredi 13 mai 2020 a vu la signature de l’arrêté instituant une période complémentaire de la vénerie du blaireau du 15 mai 2020 au 31 août 2020.

Il s’agit de la déclinaison idanienne (d’aucuns diraient aindinoise) d’une décision qui concerne la grande majorité des départements français.

Illustration Alice Somhusbands

Pour résumer à grands traits, la représentation de l’Etat dans l’Ain prolonge pour 3 mois et demi l’autorisation de chasser de manière particulièrement violente un animal accusé de dégâts non quantifiés, déjà chassable la moitié de l’année, à l’époque où les jeunes ne sont pas émancipés, et ce dans une optique de régulation d’une population que l’on ne connaît pas, au mépris des observations des citoyens ayant participé à la « consultation du public » – dont les remarques sont écartées sans aucune justification, ainsi que de textes de loi européens et français. Tout ceci avec des modalités rendant tout contrôle difficile, et alors que des alternatives existent pour éviter les éventuels dégâts.

L’ensemble de ces éléments est d’autant plus regrettable que les problèmes pointés du doigt ne sont nouveaux ni dans l’Ain, ni même en France, et qu’il y a eu au préalable des échanges entre FNE Ain et la DDT pour l’alerter sur ces soucis.

Une fois de plus, notre association se réserve le droit d’entamer les recours adaptés pour aboutir à un examen de cette décision par la justice.

Nous tenons à rappeler que le contentieux n’est pas un plaisir, puisqu’il est coûteux en énergie, en temps et en argent, toutes choses qui trouveraient à bien mieux s’employer dans le cadre de la crise sanitaire, écologique et sociale actuelle.

Le recours – contraint – à l’arbitrage de la justice est hélas rendu nécessaire par certains choix contestables de l’administration française, qui demeurent inchangés malgré les propositions des citoyens et associations.

 

Un mode de chasse particulièrement barbare

– Rappelons que cette noble appellation désigne une action de chasse consistant à introduire des chiens dans des terriers pour acculer les blaireaux – voire les tuer, notamment les petits – tandis que des chasseurs creusent  jusqu’à les trouver, les attraper à l’aide de pinces et les exécuter – ce qui peut prendre plusieurs heures. Si vous avez le cœur bien accroché, vous trouverez des vidéos en ligne…

– Rappelons qu’à cette période, il est possible/probable que les femelles s’occupent encore des jeunes.

– Rappelons que les terriers des blaireaux sont susceptibles d’abriter d’autres animaux, dont certaines espèces protégées (chat forestier, chauves-souris) que les chiens, distraits ou mal éduqués, sont donc susceptibles de déranger, blesser ou tuer sans possibilité de les en empêcher.
De même d’ailleurs que les blaireaux, depuis un arrêté de février 2019 qui stipule qu’il est interdit d’exposer l’animal « aux abois ou à la morsure des chiens avant sa mise à mort ».
Sans préciser qui contrôle ça, étant entendu que les chiens sont dans les galeries et les chasseurs en surface. Vous avez dit inapplicable ?

 

 

Une espèce déjà chassée

– Rappelons aussi qu’il a déjà été possible de déterrer des blaireaux dans l’Ain du dimanche 8 septembre 2019 à 8 heures au mercredi 15 janvier 2020.

– Rappelons qu’il a été possible de tirer des blaireaux dans l’Ain du  dimanche 8 septembre 2019 à 8 heures au samedi 29 février 2020 au soir.

 

– Rappelons que si tout se passe comme à l’habitude (les années précédentes), un nouvel arrêté sera pris pour permettre des tirs de régulation dans la partie est du département, où les sous-sols rocheux rendent difficile la vénerie sous terre.

– Rappelons enfin que peu de personnes mangent du blaireau.

 

Cette pratique est en effet justifiée par « les dégâts causés par les blaireaux aux cultures agricoles ou vinicoles: piétinement des récoltes, affaissement des galeries sous le poids d’engins agricoles, terriers gênants, déblais, pertes de récoltes » ainsi que « les dégâts causés par les blaireaux aux infrastructures routières ou ferroviaires » et le fait que « la période complémentaire de la vénerie du blaireau du 15 mai au 31 août permet une meilleure régulation de populations résiduelles de l’espèce ».

  • Rappelons que le blaireau est protégé dans de nombreux pays européens (Belgique, Irlande, Pays-Bas, Danemark, Portugal, Espagne, Italie…), dont la plupart possèdent aussi, selon des renseignements sûrs, des « infrastructures routières ou ferroviaires» ainsi que des « cultures agricoles ou vinicoles ».

Faut-il en déduire que les blaireaux français sont particulièrement vindicatifs ? Ou prennent un malin plaisir à saccager champs, prés, routes et voies ferrées ?

 

  • Rappelons que de nombreux dégâts imputés au blaireau s’avèrent, après enquête de terrain, être le fait d’autres espèces – sanglier notamment. C’était par exemple le cas à Contrevoz en septembre 2019 : la Direction Départementale des Territoires avait alors renvoyé la personne qui les appelait vers FNE Ain pour une expertise de terrain, finalement réalisée par un administrateur (= bénévole !!!) de l’association. Sans l’implication de l’association, salariés et bénévoles, le blaireau aurait été accusé à tort pour ces dégâts – et peut-être supprimé. On appréciera au passage le fait que des bénévoles effectuent une mission qui aurait pu (dû ?) logiquement échoir aux employés de l’administration…

 

  • Rappelons qu’il n’existe à notre connaissance aucun bilan, ni des dégâts, ni des populations de blaireaux dans l’Ain, ce qui semble un préalable logique à ce type d’autorisation basé sur des dégâts dont on ne sait rien, et impactant une espèce dont on ignore l’état de santé – mais qui paie déjà un lourd tribut à la circulation sur les routes, comme chacun peut hélas le constater au quotidien.

 

  • Rappelons que des mesures de protection efficaces existent, notamment des clôtures électriques qui sont déjà largement utilisées contre les sangliers… mais celles-ci ont un coût (matériel, entretien, débroussaillage…) !

 

  • Rappelons que, dans le cas où des dégâts de blaireaux avérés seraient problématiques et que les mesures alternatives seraient – réellement – impossibles à mettre en œuvre, il est possible d’autoriser les lieutenants de louveterie à effectuer des tirs de nuit, limitant les nuisances sur l’environnement. Comme pour la régulation du sanglier, autre espèce causant des dégâts aux cultures, ou la partie est de l’Ain en fin d’été (voir l’arrêté complémentaire 2019) : pourquoi ne pas, le cas échéant, recourir à cette technique ? (Pour mémoire, de nombreux photographes animaliers réalisent des affûts au blaireau et font de superbes clichés…)

 

  • Rappelons que la DDT semble parfois maîtriser ce genre d’argumentaire comme le montre la page dédiée au projet d’arrêté allongeant la période de tir du sanglier :

http://www.ain.gouv.fr/projet-d-arrete-modifiant-la-date-de-fermeture-de-a5954.html

 

La procédure illustre les faiblesses de la consultation du public.

  • Rappelons que le site Internet de la DDT de l’Ain stipule que « [l]’article 7 de la Charte de l’environnement garantit le droit d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration de telles décisions ayant une incidence sur l’environnement. La participation du public aux décisions des autorités publiques peut leur permettre de prendre de meilleures décisions et de les appliquer plus efficacement, sensibiliser le public aux problèmes environnementaux, lui donner la possibilité d’exprimer ses préoccupations et aider les autorités publiques à tenir dûment compte de celles-ci. » 
  • Rappelons que la Commission Nationale du Débat Public, saisie par la Ligue pour la Protection des Oiseaux, a mis en lumière de nombreux problèmes dans la procédure de consultation du public actuelle (avis du 19 décembre 2019).

 

  • Rappelons que la consultation du public a eu lieu du 04 au 25 juin 2019, et que le bilan est daté du 13 mai 2020 – soit le jour de signature de l’arrêté – tandis que sa mise en ligne date du 14 mai 2020.

 

  • Rappelons que « [c]e projet d’arrêté a fait l’objet de 44 observations, toutes adressées par courriel. Toutes ces contributions sont unanimes et demandent, pour divers motifs plus ou moins argumentés, la non-signature du projet d’arrêté soumis à consultation du public. »

 

  • Rappelons que l’arrêté a été signé, et sans aucune modification!

 

  • Rappelons qu’en termes d’argumentation, la « Réponse aux observations reçues» se situe dans la fourchette basse, puisqu’elle ne fait que paraphraser le projet d’arrêté, n’apporte aucun élément de réponse aux questions du public et les écarte purement et simplement, notamment sous prétexte qu’elles « présentent de grandes similitudes » et « contiennent des idées […] identiques ».  Où est-il spécifié qu’il est défendu d’avoir le même avis qu’un autre contributeur ? Est-il si aberrant d’avoir à l’échelle d’un département 44 personnes avec le même avis sur un sujet?

 

  • Rappelons aussi que les arrêtés de la DDT de l’Ain « présentent de grandes similitudes» quand il s’agit de ne pas prendre en compte les observations du public

« Toutes ces observations sont de portée générale et ne visent pas à proposer d’amendements au corps du projet d’arrêté. » (bilan de la consultation pour le présent arrêté)

« Les 13 contributions reçues ne visent pas à proposer d’amendements au corps du projet d’arrêté. En effet, elles sont, soit de portée générale, soit relatives à des dispositions ne relevant pas de ce projet de décision préfectorale. » (bilan de la consultation pour l’arrêté rallongeant la durée de tir du sanglier)

  • Rappelons que le déterrage est massivement rejeté par les Français puisque selon un sondage sur la chasse réalisé par IPSOS pour One Voice à l’automne 2018 auprès d’un échantillon de Français, 83 % d’entre eux sont favorables à l’interdiction du déterrage.

 

Les modalités pratiques de l’arrêté sont insuffisantes pour permettre des contrôles et bilans valables.

  • Une des justifications de l’administration aux remarques du public est le fait que « les opérations peuvent être refusées si elles ne sont pas jugées opportunes. » En effet l’article 2 de l’arrêté indique que le DDT « peut s’opposer» aux opérations « en cas d’avis contraire de l’office français de la biodiversité ou de la fédération départementale des chasseurs de l’Ain ». Il peut donc très bien ne pas s’y opposer même en cas d’avis défavorable de l’OFB, non contraignant, sans aucun détail sur les éventuelles justifications à fournir.
  • Le formulaire à envoyer à la DDT ne précise pas l’heure ni le lieu exact de l’intervention (ce qui ne facilite pas un contrôle éventuel), encore moins l’ampleur des dégâts imputés au blaireau, ni même la preuve qu’il s’agit de blaireau ! Etant donné le flou entourant les informations sur les populations de l’espèce et les dégâts qui lui sont imputés, il semble cohérent de demander au moins un document avec localisation exacte des dégâts, leur nature, la surface impactée, et des clichés permettant déjà aux services (au moins à l’OFB) de se faire un premier avis, ainsi que la localisation des terriers où le déterrage est envisagé afin de permettre un contrôle éventuel.

 

  • Par ailleurs l’article 2 indique qu’« [a]près chaque intervention, un compte rendu est adressé à la direction départementale des territoires de l’Ain».
    Que se passe-t-il si le rapport n’est pas envoyé dans les 8 jours après l’action de chasse?

Y a-t-il un bilan de fait après chaque saison? Qui le rédige, est-il public?

Autant de questions liées à la transparence et à l’évaluation du dispositif qui restent floues à ce jour.

 

  • Enfin à l’heure où les chasseurs font grand usage des nouvelles technologies (les coûteux colliers GPS pour les chiens en sont un bon exemple) ne pourrait-on pas afin de limiter les risques d’atteinte au Code de l’Environnement et de carnage des blaireautins demander un suivi par piège-photo sur le terrier pour déceler la présence éventuelle de jeunes ?

Publié par FNE Ain

Le Lundi 06 juillet 2020

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