— Nos avis —

Cahier d’acteur au CNDP de FNE 63 sur la future PAC

Participation de FNE63 sur la prochaine PAC

CAHIER D’ACTEUR de FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT du PUY DE DOME

Les terres agricoles sont une ressource clé pour l’agriculture européenne : ils constituent le support de l’alimentation des citoyens et du revenu des agriculteurs. Mais un sol est un écosystème complexe qui nécessite des milliers d’années pour se former et peut être détruit en à peine quelques heures. Le foncier agricole est donc d’un patrimoine à préserver pour assurer l’autonomie alimentaire de l’Union européenne. De plus, il est nécessaire de contrôler l’accès à ces ressources foncières pour assurer la mise en place de systèmes agricoles durables et l’installation des jeunes agriculteurs.

Nous constatons que ces problématiques ont bien été identifiées à l’échelle de l’Europe, notamment à travers l’objectif « No net land take », établi lors du 7ème programme d’action pour l’environnement, qui prévoit une artificialisation nulle d’ici 2050. De plus, ces questions recoupent plusieurs objectifs du futur Plan Stratégique National (gérer durablement les ressources naturelles ; protéger la biodiversité, les paysages et les écosystèmes ; attirer les jeunes agriculteurs) et font donc partie des enjeux de la nouvelle PAC.

Cependant, malgré ces bonnes volontés, l’artificialisation et l’agrandissement des grandes exploitations intensives se sont poursuivis ces dernières années. A travers ce cahier d’acteur, nous souhaitons suggérer des améliorations pour atteindre ces objectifs.

Ces améliorations passent par une nécessaire redistribution des aides du premier et du second pilier de la PAC, mais ce n’est pas suffisant. Nous avons pu constater que les outils de régulation du foncier à l’échelle locale manquent d’efficacité. Les objectifs de la PAC ne pourront donc pas être réalisés sans réformer les modes de gouvernance du foncier rural.

DES MOYENS EXISTENT DEPUIS LONGTEMPS POUR MAINTENIR ET REDISTRIBUER LES TERRES AGRICOLES

Les SAFER régionales (Société Aménagement Foncier et Etablissement Rural) ont le potentiel de jouer un rôle clé dans la régulation du foncier rural, notamment grâce à leur bonne connaissance des situations foncières locales, leur droit de préemption et la sélection qu’elles exercent sur les candidats à l’installation. Créées dans les années 1960, elles ont contribué à diminuer le morcellement des exploitations pourles rendre plus rentables. Actuellement elles veillent à préserver le foncier agricole et à favoriser les installations. Elles sont des organismes à part, financés majoritairement par l’Etat jusqu’en 2016, réunissant des actionnaires, des partenaires privés comme banques et mutuelles et des syndicats agricoles, ainsi que des élus. Les collectivités territoriales ont une place importante dans la gestion du foncier agricole. Par exemple, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunal rédigent les PLU et les Schémas de cohérence territoriale. Les changements d’affectation des sols, par exemple des zones agricoles (ZA)ou naturelles (ZN)vers des terrains constructibles ou artificialisés (ZU), sont gérés au niveau des Plans Locaux d’Urbanisme (PLU)et Plans Locaux d’Urbanisme intercommunaux (PLUi)et toute modification de ces derniers est soumise à une validation par une Commission Départementale de Préservation des Espaces Naturels Agricoles et Forestiers (CDPENAF)mensuelle. Ceci depuis une quinzaine d’années. Des outils permettent de sanctuariser certaines zones : ce sont les ZAP (Zone Agricoles Protégées) et les PAEN (Protection des Espaces Agricoles et Naturels Peri-urbains). Cependant, ils sont encore trop méconnus et peu mis en œuvre par les collectivités locales. En 2018, on compte 57 ZAP pour une superficie de 40 000 ha et 23 PAEN pour une superficie de 95 000 ha. (Source : CGAAER).La redistribution des terres agricoles (installation, agrandissement etc..) est à la fois contrôlée par les SAFER (grâce à son droit de préemption) et la « politique des structures » portée par l’administration et les syndicats agricoles, mise en pratique part une Commission Départementale d’Orientation Agricole (CDOA)mensuelle. Le Schéma Régional des Exploitations Agricoles (ex : SDREA AuRA 2018 pour 5 ans), réglemente l’autorisation d’exploiter des terres agricoles, selon des critères de surface, pondérés par le typede production et le contexte local. Il régule également la distribution des fonds de la PAC sur son territoire. Ce schéma est établi de façon régionale et validé en COREAMR (Commission régionale de l’Economie Agricole et du Monde Rural) en concertation avec différents partenaires dont les APNE. Ces instances, qui existent depuis longtemps, dans leur principe devraient être suffisantes. Mais si rien n’est fait pour améliorer leur fonctionnement, une nouvelle Politique Agricole Commune ne pourra jamais s’appliquer correctement.

LA CONSOMMATION DES TERRES AGRICOLES PERSISTE EN FRANCE

Malgré les outils de régulation, l’artificialisation des sols n’a fait qu’augmenter en France et reste problématique. Entre 2002 et 2015, la proportion de la surface du territoire français occupée par les terres agricoles passe de 53,4 % à 51,0 %. La proportion occupée par les sols artificialisés, quant à elle, passe de 8,0 % à 9,4 %, elle est supérieure à la moyenne européenne. Entre 2011 et 2016, la vitesse de consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers a diminué : on est passé de 32 167 à 21 833 ha/an. Cependant, cette vitesse a de nouveau augmenté à partir de 2016 pour atteindre 23 295 ha/an en 2018(Sources : INSEE, CEREMA).Il faut stopper l’artificialisation des terres : la consommation de celles-ci est partout supérieure à l’augmentation de la population. Il faut désartificialiser, préférer l’évitement à la compensations.

RENFORCER LES PREROGATIVES DES CDPENAF POUR MIEUX PRESERVER LE FONCIER AGRICOLE

La nomenclature des PLU prévoit comme des banalités la mise en constructibilité et l’artificialisation des zones agricoles (ZA →AU 1 et 2) et naturelles (ZN→NB, NH, NL…). Des constructions sont autorisées en ZA alors qu’elles aboutissent à de grandes surfaces artificialisées et jamais démantelées : poulaillers, porcheries avec fosses à lisier cimentées…Ce type de construction avec élevage hors sol n’est plus de notre époque (bien-être animal de son vivant, gestion des nitrates). Suite à la Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt de 2014, les CDPENAF n’émettent plus d’avis sur les révisions des PLU qui sont compris dans un Schéma de Cohérence Territoriale(SCoT). Dans la plupart des procédures examinées par les CDPENAF, elles ne donnent qu’un avis simple. L’influence des CDPENAF pourrait être renforcée en rendant l’avis conforme nécessaire pour toutes les demandes d’autorisations d’urbanisme ou les demandes de dérogation au principe d’urbanisation limitée. Il faut des CDPENAF plus décisives, il faut impliquer davantage les élus locaux, voire contribuer à leur formation sur les problématiques d’artificialisation des terres agricoles et le rôle qu’ils peuvent jouer.

REFORMER LES SAFER ET LES REDIRIGER VERS LEURS OBJECTIFS

Le PPAS AuRA, Programme Pluriannuel d’Activité des SAFER 2017-2021 décrit les objectifs de la SAFER. Elle se qualifie « d’opérateur foncier » avec des garanties de « vendeur professionnel » et met en avant son « éthique ambitieuse » et sa « transparence ». Et pourtant ses choix ne vont pas toujours dans le bon sens, par exemple du fait qu’elle n’achète que si un repreneur est identifié, qu’elle ne stocke pas les terres acquises, ce qui ne permet pas de vraie construction de projet. Revenir à une structure plus liée à l’Etat et financée par lui pourrait permettre une évolution et une meilleure transparence. En effet actuellement les opérations SAFER ne sont pas validées en CDOA, au cours de laquelle la SAFER est intervenante. Inversement il existe des failles législatives : les propriétaires ne sont pas obligés de signaler à la SAFER les transferts de parts de leurs propriétés. Cela leur permet d’éviter le droit de préemption. Ainsi, ont été possibles certaines opérations d’achat de terres par des étrangers, ce qu’il faudra également prévenir à l’avenir. Mais certaines coopératives françaises n’hésitent pas à louer pour 50 ans des terres en Ukraine pour essayer des cultures non autorisées en France. Où est l’éthique ? Ceci doit aussi être contrôlé. Il faut absolument qu’une meilleure cohérence SAFER-politiques des structures se mette en place, voire qu’un véritable « office foncier » réalise l’ensemble des opérations, permettant ainsi la mise à disposition de terres pour les porteurs de projets.

REVOIR LA COMPOSITION DES CDOA POUR PLUS DE REPRESENTATIVITE

La CDOA implique les syndicats agricoles, la SAFER, les banques, la MSA et en principe les APNE. Celles-ci sont invitées uniquement tous les 2 ans à une plénière, animée par le préfet. Un bilan global des installations « aidées » est présenté, les non-aidées étant plutôt méconnues. On a une impression d’entre-soi. Bienveillance et médiation ne sont pas de mise dans ces réunions. Il est donc urgent d’introduire dans les CDOA d’autres acteurs du monde agricole, pour faire cesser un entre-soi qui bloque toute évolution. Pour conclure, nous pensons que cette réforme de laPAC peut être un tournant vers une gestion durable du foncier agricole. Afin d’y parvenir, le Plan Stratégique National français devra prévoir une mobilisation des aides du premier et du second pilier au service de cette thématique, mais aussi une mise à jour des systèmes de gouvernance du foncier à l’échelle départementale. De plus, il est essentiel que ces problématiques soit mieux prise en compte par tous les acteurs de l’aménagement territorial, notamment les élus. Ces derniers disposent de plusieurs leviers d’action efficaces pour réguler le foncier, mais ne les utilisent pas suffisamment. La mise en place d’une campagne de sensibilisation des élus serait un bon complément aux pistes d’amélioration que nous avons déjà suggérées dans ce cahier. Par exemple : les élus pourraient suivre une journée de formation sur ces enjeux, animée par des organismes de préservation du foncier et de l’environnement.

 

Publié par FNE Puy-de-Dôme

Le Vendredi 17 juillet 2020

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