— L'essentiel —

Préservons nos sols

Préserver les sols et arrêter leur artificialisation, c'est urgent, c'est possible, dans l'intérêt de tous.

Préserver les sols pour le bien commun

Les sols sont des biens communs vitaux, partout, en secteur urbain, agricole ou naturel. Ils contribuent à l’évitement des ilots de chaleur, la sauvegarde de la biodiversité, l’autonomie alimentaire, la gestion de l’eau, la lutte contre le réchauffement climatique, la production de matériaux et de fibres textiles …

L’urbanisation et le développement des infrastructures, en particulier les voies routières, consomment chaque année des milliers d’hectares en France. En Isère, en 2019, 380 hectares de terres agricoles ont disparu. Ils ont été transformés en espaces urbains ou consommés par des infrastructures. Sur les deux dernières années, il n’y a plus de baisse tendancielle de la consommation des sols dans le département.

Dans les villes, la destruction des sols s’accompagne de l’abattage d’arbres pourtant si utiles pour la fraicheur et la qualité de l’air, de la disparition de jardins et espaces de respiration qui abritent faune et flore et contribuent aux liens sociaux et à la qualité du cadre de vie. L’imperméabilisation des terrains modifie la circulation des eaux pluviales, favorisant les crues soudaines et leurs dégâts.

Les sols sont gaspillés

Or, chacun peut le constater en circulant dans le département, l’existant bâti ou artificialisé est sous-utilisé. Il existe des logements et des entrepôts vacants, des friches industrielles, des parkings surdimensionnés, etc.  Aujourd’hui, les sols sont gaspillés.

L’Etat promeut l’objectif « zéro artificialisation nette ». Mais sans traduction législative ou réglementaire, sans calendrier, sans volonté affirmée des collectivités locales, cela reste un vœu pieu.

Pour préserver et restaurer notre environnement, nous avons besoin de décisions concrètes. Elles doivent conduire à l’arrêt réel et rapide de l’artificialisation des sols, y compris en secteur urbain. Il y a en particulier urgence à renforcer la préservation des arbres en ville, lancer des opérations de désimperméabilisation, réviser les règlements d’urbanisme. Tout chantier de construction qui détruit le sol doit désormais être compensé par une opération de renaturation à proximité.

Changer de doctrine

Le changement doit aussi porter sur des principes et des mots de l’urbanisme. Par exemple, le concept de densification, longtemps utile pour s’opposer à l’étalement urbain, a atteint ses limites et conduit maintenant à des quartiers dont les habitants fuiraient s’ils le pouvaient.

Les dents creuses, aujourd’hui condamnées à être comblées par des constructions, sont en fait de précieux espaces de respiration pour les vivants. Les espaces naturels ou agricoles dits « à faible enjeu environnemental ou pour la biodiversité » devraient être vus comme des espaces à restaurer.

Enfin, disons-le tout net : la compétition entre territoires, sous couvert d’attractivité, est délétère. En France, la moitié des aires urbaines de moins de 50.000 habitants perdent au moins 0,2 % de leur population par an. Si on définissait l’intérêt général à l’échelle de la région ou du pays, la consommation des sols en Isère ne serait plus légitime.

Propositions pour préserver les sols

Principe général : réviser les règlements d’urbanisme pour arrêter le gaspillage des sols et transformer un objectif flou et lointain (« zéro artificialisation nette») en un principe opérationnel:

  • Les constructions et aménagements doivent se faire sur des terrains déjà artificialisés.
  • Par dérogation, toute opération d’imperméabilisation d’un terrain doit être intégralement compensée à proximité par une opération de désimperméabilisation et renaturation.

En matière de dommages environnementaux, la compensation est une mesure palliative qui ne peut venir qu’après épuisement des mesures d’Evitement et de Réduction (séquence légale ERC). Dans le cas présent, il n’est pas envisagé d’éviter tous les chantiers destructeurs de sols. Il est donc nécessaire de mettre en place des mécanismes de compensation.

A l’attention des collectivités locales : s’organiser, à leur niveau et dès maintenant, pour stopper l’imperméabilisation nette des sols :

  • Désimperméabiliser des sols :
    • faire l’inventaire des parcelles (friches, parkings, cours d’école …) pouvant faire l’objet d’une opération de désimperméabilisation
    • affecter des budgets aux opérations de désimperméabilisation
    • lancer des opérations de désimperméabilisation et renaturation
  • Revoir les projets publics en phase de conception
    • entrer en discussion avec les aménageurs pour revoir les projets autorisés mais non avancés de manière irréversible
    • s’opposer, en particulier en CDPENAF et en CDAC, aux opérations consommatrices de foncier
  • Evaluer la consommation d’espaces qui peut résulter de l’application des documents d’urbanisme existants. Cela donnera une approche des besoins de renaturation et de correction des documents d’urbanisme
  • Réviser leurs documents d’urbanisme (PLU, SCOT) pour reclasser des secteurs dits « A urbaniser » en zone Agricole ou Naturelle, pour identifier les zones ou parcelles à desimperméabliser, pour accroitre la protection des arbres
  • Définir les modalités de compensation et les calibrer, au niveau des PLU ou PLUI. Par exemple, dans un secteur rural diffus, on peut envisager une compensation de 1 pour 1, alors que dans un secteur urbain déjà très artificialisé on imposera 2 m2 renaturés pour 1 m2 artificialisé. Pour mémoire : les zones humides ne sont pas compensables et doivent être intégralement protégées. Les arbres âgés (plus de 30 ans) ne sont pas « compensables » d’ici 2050, échéance lointaine que l’on peut se donner comme date ultime de neutralité carbone[1].
  • Contribuer au plaidoyer auprès des parlementaires pour une législation mieux protectrice des sols

[1] C’est l’échéance que se donne le PCAE de Grenoble Alpes Métropole. L’échéance 2027, certes encore lointaine au regard de l’urgence à stopper l’artificialisation des sols, permettrait de ralentir en douceur mais avec détermination la consommation des sols. Elle permettrait aussi, dans la plupart des cas, de concrétiser les réalisations annoncées dans les programmes électoraux des exécutifs municipaux récemment élus. C’est donc une échéance pleinement compatible avec le respect de la démocratie et de la parole publique.

A l’attention du Préfet de Région Auvergne Rhône-Alpes : réviser la stratégie Eau – Air – Sol pour fixer à 2027, et non plus à 2040[1], l’échéance d’atteinte de l’objectif « Zéro Artificialisation Nette ».

Dans les départements, la définition d’un calendrier permettant d’atteindre cet objectif de zéro artificialisation nette nécessite de s’appuyer sur des instances de concertation départementales avec une représentation équilibrée des différents acteurs (collectivités, associations, profession agricole, Etat) soit à créer, soit existant de type CDPENAF.

[1] Stratégie Eau-Air-Sol de l’État en Région Auvergne – Rhône-Alpes : « Atteindre l’objectif de zéro artificialisation nette à l’échelle de la région à l’horizon 2040 et réduire à l’échelle régionale la consommation fon­cière réelle d’au moins 50 % en 2027 par rapport à la moyenne de consom­mation foncière réelle annuelle entre 2013 et 2017 à l’échelle de la région (32,5 km²/an) ».

A l’attention des services de l’Etat : s’opposer fermement aux opérations consommatrices de foncier, lors des commissions CDPENAF et CDAC, et lors des approbations ou autorisations accordées par les préfets.

  • Pour ce faire, des indicateurs (rétrospectifs et prospectifs) de consommation d’espaces doivent être définis, régulièrement mis à jour et communiqués au début de chaque commission.
  • Ils doivent alimenter l’observatoire départemental permettant de suivre l’évolution du foncier (artificialisation et renaturation) et de garantir l’atteinte de l’objectif « zéro artificialisation nette d’ici 2027 au plus tard.
  • Il s’agit ainsi de passer de l’observatoire rétrospectif annuel actuel à un dispositif ouvert (open source), réactif et prospectif (incluant l’évolution des zonages d’urbanisme).

A l’attention des parlementaires : contribuer à l’élaboration d’évolutions législatives sur la protection et la valorisation des sols.

Plusieurs volets sont à envisager :

  • les règlements d’urbanisme (protection quantitative, statutaire, des sols) ;
  • les usages, changements de destination et transmissions du foncier agricole et forestier (valorisation qualitative) ;
  • les soutiens et incitations à la désimperméabilisation (accompagnement budgétaire et fiscal).

A son niveau, FNE Isère pourrait :

  • participer aux démarches de concertation sur la modification ou la révision des documents d’urbanisme et sur la protection des arbres
  • contribuer aux inventaires de sites à restaurer et désimperméabiliser
  • engager avec ses bénévoles et salariés des actions de sensibilisation du public et d’accompagnement des collectivités et professionnels pour la protection et la revitalisation des sols : publication d’articles, mise en ligne de ressources documentaires ; diffusion de bonnes pratiques en aménagement urbain, en milieu agricole, dans les stations de ski ; formation.

Enfin, à l’attention de tous les acteurs publics ou privés qui contribuent au développement des territoires et s’intéressent aux concepts qui nourrissent la réflexion :

  • porter aux arbres l’attention qu’ils méritent, à savoir des êtres précieux, utiles à la société et le plus souvent non remplaçables à l’échelle de la planification territoriale,
  • investir (études, ressources humaines, moyens techniques) dans la reperméabilisation et la renaturation,
  • mettre en question le concept de « densification» : longtemps utile pour contrebalancer  l’étalement urbain,  ce concept peut conduire à des villes peu vivables et non durables,
  • remplacer l’expression « dent creuse» (connotée négativement et suggérant implicitement que l’espace est destiné à la construction) par une expression idéologiquement neutre (par exemple : tènement non artificialisé) ou une expression connotée positivement (« espace de respiration ») cohérente avec l’objectif « zéro artificialisation »
  • ménager les territoires et refuser l’aménagement sans ménagement…

Publié par FNE Isère

Le Mercredi 06 janvier 2021

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