— Nos avis —

Observations à l’enquête publique projet de stockage de déchets amiantés Lieu-dit « le Grand étang », St Didier la Forêt

projet de stockage de déchets amiantés St Didier la Forêt

Monsieur le commissaire enquêteur,

Je fais suite à mes premières observations, déposées au registre d’enquête le 1er octobre, lors de l’une de vos permanences pour préciser l’avis de FNE 03 sur ce dossier.

En préalable, je tiens à attirer votre attention sur le désastre sanitaire consécutif au laxisme qui a prévalu quant à l’usage de l’amiante et ses différentes fibres.

Dans les années 60, les dangers de ce minéral étaient parfaitement connus, 35000 décès annoncés sur la période 1965-1995.

60 000 à 100 000 devaient suivre dans les 20 à 25 années suivantes en raison du temps de latence de 30 à 40 ans du mésothéliome (cancer de la plèvre du poumon principalement) auxquels s’ajouteraient 10% des 25000 cancers du poumon déclarés chaque année.

Pour compléter ce tableau, il faut citer l’action du comité permanent amiante, qui, sous l’impulsion des industriels, a manipulé tout le monde pour prôner un usage contrôlé de l’amiante !

Ces questions sont très bien décrites dans le volumineux rapport d’information du Sénat (rapporteur Gérard DERIOT) du 20 octobre 2005.ICI

Encore plus insensé, les risques liés à l’amiante étaient connus il ya plus de 2000 ans chez les Grecs ; Pline l’Ancien, au premier siècle, expliquait déjà les dommages aux poumons dont souffraient les esclaves chargés de tisser les fibres d’amiante !

En France, l’usage de l’amiante a fini par être interdit en 1997; il reste un énorme cadeau empoisonné à gérer pendant encore de nombreuses années.

C’est de cet héritage dont il est question aujourd’hui à Saint Didier la Forêt. La société CMSE, gestionnaire de la carrière de granulats veut renouveler l’exploitation de celle-ci pour 30 ans et installer un stockage de déchets amiantés à proximité conduisant à artificialiser 22,9 ha de terres agricoles (reconnues de bonne qualité agronomique).

L’emprise totale du site serait ainsi portée à 49,7ha.

L’impact sur l’environnement et ses habitants seraient important :

  • présence d’une ZNIEFF de type 1 en bordure Est du site avec la forêt St Gilbert,
  • la nappe d’eau se situe à 10 m de profondeur et ne serait protégée que par 40 cm d’argile la séparant d’une couche de matériaux inertes avant le stockage des premiers sacs d’amiante à 1,60 m au-dessus : compte tenu des aléas liés au réchauffement climatique, du retrait et gonflement de l’argile en fond de casiers, le risque de pollution de la nappe est réel. La distance de sécurité de 40 cm au dessus de la nappe d’eau aquifère est reconnue faible par l’autorité environnementale,
  • il est prévu de collecter les eaux de fond de casier vers un bassin de 2200 m3 : que deviendront ces eaux polluées ?
  • 40 rotations de camions par jour sur des petites routes et chemin avec pour conséquences des nuages de poussière : les particules fines PM10 et PM2,5 émises par le trafic routier représenteraient 52% de l’ensemble des émissions. Emportées par le vent, ces particules constituent un risque sanitaire certain sans compter celles émises directement par le stockage et la manipulation de matériaux inertes du BTP,
  • Ces derniers posent problème : en pratique, il est rare de trouver des déchets inertes matériellement séparés de résidus organiques ou non inertes, (source « Guide des bonnes pratiques relatif aux installations de stockage de matériaux inertes du BPT, juin 2004 »).

La priorité devrait être à la déconstruction sélective et au tri préalable de ces matériaux mais la faible valeur des granulats naturels rend prohibitif l’utilisation de matériaux recyclés.

Dans le cas présent, 62800 à 10000 tonnes de déchets inertes seraient enterrés inutilement !

  • Quelle image de la commune renverrait ce stockage de déchets amiantés et « inertes » en pleine nature ?

Les quantités de matériaux amiantés seraient considérables : 35 à 50 000 T/an pendant 30 ans (pourquoi une telle imprécision) et diverses :

  • Mélanges bitumineux (si absence de goudron) : quel contrôle ?
  • Ballast de voies contenant de l’amiante,
  • Matériaux d’isolation contenant de l’amiante (fibrociment, canalisations, dalles…),
  • Enrobés amiantés, utilisés de 1970 à 1995 à hauteur de 30 à 40 millions de tonnes/an en France (Rhône Alpes totalisant 10% de ces quantités).

Précision, jusqu’en 2013, ces enrobés ont été recyclés sur le domaine public : accotements, chemins communaux !!!

Une partie de ces déchets devraient être traités selon le procédé de vitrification par torche à plasma à 1500°, utilisé par la société INERTAM en Gironde depuis 1992.

D’une capacité envisagée de 6000T/an, cette usine étant la seule en France, ne permettra pas de tout gérer ; si cette technologie est au point pourquoi ne pas l’étendre plutôt que d’enterrer de l’amiante pour l’éternité ?

Une alternative à ce lieu de stockage est envisageable 

Les industriels qui ont attendu que l’interdiction de l’amiante soit officielle n’ont pas à faire supporter à la commune de St Didier la Forêt un tel préjudice.

Dans le département une zone logistique a été créée il y a une dizaine d’années, le Logiparc à Montbeugny dont on nous avait dit qu’il pourrait tout accueillir sauf du nucléaire !

Cette zone est artificialisée (200 ha de terres agricoles et espaces naturels), à notre grand regret, possède des surfaces importantes et accès adaptés (sauf voie ferrée abandonnée).

Si le stockage de certains des matériaux amiantés est indispensables aujourd’hui, alors le Logiparc est tout a fait indiqué en gardant le côté réversible de ce stockage, dans la mesure où la technologie évolue afin de les transformer plus tard.

Aujourd’hui, l’impact du réchauffement climatique nous impose la plus grande vigilance et donc de stopper toute artificialisation inutile de sols comme les 22,9 ha de terres agricoles à Saint Didier la Forêt.

Compte-du périmètre de collecte des matériaux pollués par l’amiante, au nord Orléans- Tours, au sud La Lozère, à l’ouest Limoges, à l’Est Lyon, le déplacement du projet ne présenterait pas d’inconvénients.

En résumé, Monsieur le commissaire enquêteur, FNE 03 vous demande de rendre un avis très défavorable à ce projet : il relève d’une fuite en avant inacceptable à l’aube de l’avènement d’un nouveau modèle de développement, écologique et social, soucieux de la préservation des ressources de la planète et des impacts environnementaux.

Veuillez agréer, Monsieur le commissaire enquêteur, l’expression de mes respectueuses salutations.

 

Dompierre/Besbre le 8 octobre 2021

Pour FNE 03 :

Gérard MATICHARD, Président

Publié par FNE Allier

Le Mercredi 13 octobre 2021

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