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Inversion thermique et pollution atmosphérique : une liaison dangereuse !

Régulièrement en hiver, nous observons en montagne une inversion thermique, pendant que la vallée de Grenoble subit un pic de pollution. Quel lien existe-t-il entre ces phénomènes d’inversions de température, bien connus des météorologistes, et la pollution atmosphérique, voire le changement climatique ?

Qu’est-ce qu’une inversion thermique et comment se forme-t-elle ?

La température de l’air diminue avec l’altitude de 6,5°C tous les 1 000 m en moyenne dans l’atmosphère où nous vivons. Ce profil vertical s’écarte régulièrement de cette moyenne et il arrive qu’il fasse plus froid en surface qu’en altitude, ce phénomène s’appelle l’inversion thermique.

Plusieurs processus favorisent la mise en place d’une inversion de température : 

  • Des conditions anticycloniques : un ciel dégagé permet de laisser la surface se refroidir avec le rayonnement qu’elle émet dans les grandes longueurs d’ondes. Durant la nuit, lorsque la surface n’est pas chauffée par le soleil, elle peut alors devenir plus froide que l’atmosphère et refroidir ainsi ses basses couches en contact avec le sol. La présence de nuages limite ce processus, car les nuages bloquent en partie le rayonnement émis par la surface en réchauffant finalement et la surface et les basses couches de l’atmosphère. 
  • Des conditions hivernales : le rayonnement solaire est plus faible en hiver qu’en été, car il est incliné, et les jours sont plus courts, deux aspects qui expliquent que la surface est plus froide en hiver. Cela est plus marqué dans les vallées où le soleil est caché par les montagnes. 

Avec ces processus, la masse d’air dans les vallées peut devenir plus froide qu’en altitude, alors une inversion thermique apparaît.

Un autre principe physique assez connu accentue cette différence de température : l’air froid est plus lourd que l’air chaud. Alors, la masse d’air refroidie en altitude glisse le long des pans et vient s’accumuler en contrebas. 

Schéma d’une situation propice à une inversion de température - Crédits : meteovergne.com/inversions

Une fois qu’une inversion de température se produit, ce phénomène peut s’installer pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines. Tant qu’il n’y a pas de perturbations atmosphériques et que l’anticyclone persiste, l’air froid est piégé sous la couche d’inversion.

Souvent, des nuages se forment et stagnent à cette altitude, cela crée alors la fameuse « mer de nuages ».

Mer de nuages depuis Saint Hilaire du Touvet

En décembre 2021, nous avons pu observer une longue période anticyclonique marquée par de fortes inversions thermiques. 

Avec pour conséquence, du soleil et des températures élevées en montagne et du froid accompagné d’une couche de brouillard en vallée. Le jeudi 23 décembre matin alors qu’il faisait – 4°C à Grenoble, la température était de + 3,6°C en Belledonne à 1800 m.

Simultanément, il y avait une forte pollution atmosphérique. En effet, le 22 décembre, l’organisme de surveillance de la qualité de l’air en Auvergne-Rhône-Alpes (Atmo AURA) avait placé le bassin grenoblois en alerte jaune pour pollution aux particules. 

Pourquoi la qualité de l’air est-elle dégradée lors d’inversions de température ?

Habituellement, quand il n’y a pas d’inversion, les masses d’air sont brassées verticalement. Les polluants émis en surface sont incorporés dans la masse d’air proche du sol. Lorsqu’elle est chauffée par le soleil, elle devient plus légère et peut ainsi s’élever et se disperser dans l’atmosphère.

Au contraire, lors d’une inversion thermique, l’atmosphère est stable et l’air circule très peu, la couche d’inversion joue le rôle d’un couvercle, comme sur le schéma ci-dessous. Les polluants, émis tout au long de l’inversion, se retrouvent bloqués sous cette couche et s’accumulent. La qualité de l’air se dégrade alors rapidement et l’apparition de pics de pollution devient inévitable.

Source : AFP, S. Ramis / A. Bommenel

Ces inversions thermiques évoluent-elles avec les changements climatiques ?

Cette question est étudiée par la communauté scientifique. Pour l’heure, il n’y a pas de réponse claire.

Pour détecter les tendances climatiques, il faut des observations sur de longues périodes. En l’occurrence, il faudrait, avec les réseaux d’observation de Météo France, des stations situées à plusieurs altitudes qui enregistrent les données pendant plusieurs décennies. Mais à l’heure actuelle, il n’y a pas de réseau assez dense et disponible sur des périodes assez longues pour répondre à la question à partir d’observations.

Une autre approche pourrait être de faire de la modélisation, en utilisant des modèles d’atmosphère. Mais ceux appliqués sur de longues périodes pour étudier les tendances climatiques ont des résolutions trop grossières pour simuler finement de possibles changements des inversions thermiques sur des périodes suffisamment longues pour permettre la mise en évidence de changements.

En conclusion, si la compréhension de ces phénomènes météorologiques et les mesures de la qualité de l’air sont essentielles, il n’en demeure pas moins que la diminution des émissions de polluants reste une priorité !

Pour aller plus loin :

Sources :

Interviews :
Remy Grand, ancien météorologiste à Météo France
Martin Menegoz, Climate researcher, au CNRS (http://martinmenegoz.neowordpress.fr)
Un grand merci à eux pour leurs explications !

Publié par FNE Isère

Le Mercredi 26 janvier 2022

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