— Nos avis —

Plaidoyer « Projet de SDAGE 2022-2027 »

Dans le cadre de la consultation institutionnelle sur le projet de SDAGE 2022-2027 à laquelle FNE AURA a contribué, nous adressons des compléments de réponse au Préfet coordonnateur de bassin Rhône Méditerranée.

Le 16 juillet 2021

Objet : Avis FNE AuRA – projet de SDAGE 2022-2027

Monsieur le Préfet coordonnateur de bassin Rhône Méditerranée,

Notre Fédération a mobilisé l’ensemble de ses ressources pour répondre à la consultation institutionnelle à laquelle vous nous avez invités, ce dont nous vous remercions. Cette réponse a été rédigée dans la forme choisie par le secrétariat de bassin, forme que nous avons interprétée comme une garantie de voir nos propositions et suggestions recevoir une réponse circonstanciée.

Sans vouloir tirer ici la synthèse de notre contribution, nous nous permettons d’accompagner cette contribution de remarques d’ordre général concernant le projet de SDAGE 2022-2027.

1) La forme du SDAGE

L’ensemble du SDAGE constitue une masse importante de documents qu’il est bien difficile de s’approprier en totalité et dont l’organisation même échappe à la compréhension d’un lecteur occasionnel.

Pour en rester au seul volume consacré au SDAGE proprement dit : si l’organisation des Orientations Fondamentales (OF) avec la répartition des dispositions entre Orientations Fondamentales « génériques » (0,1,2,3,4) et Orientations Fondamentales « spécialisées » (5A,B,C,D,E), (6A,B,C), 7 et 8
apparaît cohérente, cette répartition n’est pas suffisamment exploitée dans le texte. Des références croisées permettraient, soit d’alléger le texte des OF « spécialisées », soit de donner des exemples pour des OF « génériques ». La rédaction actuelle n’est pas allée jusqu’au bout de cette logique, ce qui nuit au texte en amenant des redites. Cela limite son appropriation en n’explicitant pas suffisamment les liens entre les OF dans le texte même des différentes dispositions.

Le contenu des dispositions gagnerait à une typographie explicitant son organisation interne (voir par exemple la rédaction des textes législatifs et réglementaires). Cette absence est d’autant plus problématique que les dispositions dont la rédaction court sur plusieurs pages, sont fréquentes.

2) Sur le fond du SDAGE

Sur le fond, nous souhaitons faire quelques remarques globales qui nous semblent dépasser le simple amendement à un texte déjà très fourni.
Le projet de SDAGE ne nous semble pas répondre à la baisse continue du niveau des études d’impacts et autres documents d’incidence environnementale qui deviennent de plus en plus des figures imposées de plusieurs centaines de pages mises bout à bout, sans que les enjeux essentiels soient réellement et
sérieusement étudiés.
Les services instructeurs se trouvent bien souvent coincés entre les exigences minimales auxquelles doivent répondre ces documents, des délais sans cesse réduits, des moyens en baisse, sans compter les pressions des porteurs de projets… voire des pouvoirs publics et des élus.

Le SDAGE devrait s’attacher à encadrer de façon stricte le niveau technique de ces études au moins sur les paramètres essentiels que constituent l’hydrologie, la prise en compte des effets du changement climatique, le nombre et le protocole des inventaires sur le terrain, les méthodes d’estimation
prévisionnelle des impacts, etc.
Pour cela une synthèse des avis des autorités environnementales et de la Mission Régionale de l’Autorité Environnementale, dont nous voulons saluer ici le travail remarquable avec des moyens aussi limités, pourrait être mise à profit.
Un effort a été réalisé dans le projet de SDAGE sur l’encadrement du suivi des effets des projets, des schémas, des plans et programmes sur l’environnement naturel. Il ne faudrait pas, comme on le voit de plus en plus couramment dans les autorisations au titre de la Loi sur l’eau, que les suivis suppléent aux lacunes inadmissibles des documents d’incidence en matière de prévision des impacts.

Aujourd’hui, l’incompréhension de certaines démarches entreprises vers l’atteinte du bon état et l’absence d’adhésion, voire l’opposition qu’elles suscitent, deviennent le principal obstacle à leurs mises en œuvre.
On peut prendre pour exemple la restauration de la continuité qui fait l’objet d’une contestation parfois virulente dont notre bassin est pour l’instant largement épargné. Nous craignons que les politiques les plus innovantes telles que la restauration morphologique, le rétablissement des transits sédimentaires, les politiques visant l’évolution des activités et des pratiques pour s’adapter à la ressource et au maintien de la biodiversité, fassent demain l’objet d’incompréhension de la part de nos concitoyens.
Dans cette perspective, les efforts de communication et d’information qui permettent de conjurer ces risques ne sont pas suffisamment soutenus et encouragés dans le projet de SDAGE. Plus encore, dans la période d’incertitude économique que nous abordons, nous pouvons craindre que ces efforts soient les premiers à être suspendus au motif qu’ils ne portent pas directement d’effets tangibles sur le terrain. Dès aujourd’hui, on ne peut écarter que certaines actions inscrites dans le Programme de Mesures 2022 – 2027 (PDM) rencontrent des difficultés de réalisation d’ici 2027 et nous pensons notamment aux actions de restauration de la morphologie, de la continuité voire de l’hydrologie.

3) Le Programme de Mesures 2022-2027 (PDM)

En ce qui concerne le PDM, celui-ci se focalise sur l’obtention de résultats en 2027, ce qui en soit n’est pas blâmable et que nous soutenons… Par contre, il écarte, au motif d’absence de conséquence à l’échéance 2027, le lancement d’études qui pourtant seraient nécessaires chaque fois que des actions pertinentes n’ont pu être identifiées pour être réalisées à cette échéance.
Ce projet de PDM a également écarté, en raison du risque de contentieux par absence de moyens avec les instances européennes, des mesures pertinentes dont la réalisation pour 2027 restait par trop hypothétique. Nous craignons que cette attitude « prudente » nuise à la dynamique engagée sur certains
territoires en conduisant à l’abandon de mesures pourtant envisagées.

Nous avons également soulevé l’absence de mesures destinées à conforter les fonctions des réservoirs biologiques dès lors qu’elles n’étaient pas indispensables à l’atteinte du bon état des masses d’eau auxquelles ils sont connectés. Autant l’établissement du PDM a donné lieu à une intense concertation concrétisée par des réunions et plusieurs échanges riches et constructifs avec les acteurs de chaque bassin versant, autant les principes suivis dans la finalisation du PDM nous semblent porteurs d’une « auto censure » préjudiciable au final à l’atteinte des objectifs recherchés.

4) Conclusion

Alors que l’on ne peut que constater les difficultés à atteindre les objectifs prescrits, il y a plus de 20 ans maintenant, par la DCE, cette nouvelle édition du SDAGE apparaît dans un contexte de reculs successifs en matière de politique environnementale, si tant est que l’on ne s’arrête pas aux déclarations générales sans réelle portée opérationnelle sur le terrain.

On assiste depuis plusieurs années dans le domaine de l’eau au démantèlement organisé, sous couvert de simplification, des avancées de la loi sur l’eau et des milieux aquatique de 2006. Ceci est accéléré par les arrêts successifs de la haute juridiction administrative, sans que des réponses législatives adaptées
puissent en orienter différemment la doctrine.
Ce désarmement généralisé de la réglementation s’accompagne à la fois de la baisse des moyens des services de l’État et de ses Agences, et du déséquilibre en faveur d’autres politiques publiques. Citons par exemple, la politique agricole dont le Varenne « agricole » de l’eau en fournit la dernière et malheureuse illustration, la politique énergétique ou d’aménagement du territoire.

Dans ce tableau plus que contrasté, le SDAGE reste, pour l’instant un des rares documents, entièrement tourné vers la protection de la ressource en eau et des milieux naturels aquatiques et auquel nous apportons notre soutien.

Veuillez agréer, Monsieur le Préfet de Région, Coordonnateur du Bassin Rhône Méditerranée, l’expression de notre haute considération

Eric Feraille
Président FNE AuRA

Jacques Pulou
Pilote Réseau Régional eau et milieux aquatiques

Copie :
– Monsieur le Directeur Général de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse
– Madame la Directrice adjointe de la DREAL, Cheffe de la délégation de bassin Rhône
Méditerrané

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Lundi 31 janvier 2022

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