— L'essentiel —

L’état des sols et les actions de FNE Isère

Maintenant que nous connaissons les espèces vivantes du sol et les menaces qui pèsent sur celui-ci, qu'en est-il au niveau de notre territoire ? Le président de FNE Isère, Francis Odier, répond à nos questions.

Quel est l’état des sols en Isère en 2022 ? 

Francis Odier – D’un point de vue quantitatif, tous les territoires du département sont concernés par l’artificialisation si l’on en croit les chiffres de l’Office Foncier Partenarial de l’Isère. Cela s’explique par la présence de zones urbaines denses et en croissance, aussi bien dans le Nord-Isère près de l’agglomération lyonnaise qu’à Grenoble et dans le Grésivaudan.

Pour ce qui est de la qualité, il est très difficile de dresser un bilan. En effet, contrairement à l’eau ou l’air, il n’y a aucun suivi global des sols : il s’agit du dernier bien commun vital à ne pas être pris en charge par un organisme dédié ! Ce que l’on sait en revanche, c’est que les sols de notre région sont menacés par des pratiques agricoles intensives. Dans les plaines de la Bièvre et de l’Isère, les intrants chimiques et pesticides ont déjà réduit la qualité de ces terres pourtant très fertiles.

Par ailleurs, nous nous inquiétons sur les conséquences à long terme de la méthanisation qui peut altérer la qualité organique des sols. Une étude sur ce sujet est en cours au sein de FNE AURA. Notre fédération nationale FNE a également publié un article « Méthanisation : état des lieux de l’analyse des controverses ».

Nous avons vu dans un article précédent les menaces qui pèsent sur les sols, que pouvez-vous en dire au niveau de notre territoire ? 

On peut classer les menaces qui pèsent sur nos sols en deux catégories : la consommation menant à l’artificialisation, et la baisse de qualité des sols naturels. La première est liée à l’urbanisation (lotissements, zones d’activités etc) et à la construction d’infrastructures telles que les routes (voir l’avis de FNE38 sur les travaux de la RD 1075 par exemple).

La seconde menace est la conséquence de certaines pratiques d’agriculture et de foresterie : la surexploitation,  les pollutions aux pesticides et aux engrais, mais aussi la monoculture de résineux abîment nos terres de façon durable. Quant aux pollutions industrielles, la plupart sont très anciennes ou accidentelles, et les normes actuellement en vigueur (sur les rejets dans l’air et l’eau) constituent des garde-fous efficaces. De plus, les industriels sont tenus de remettre en état les sols lors de la cessation d’activité.

Désimperméabilisation de la cour de l'école Marcel David - Echirolles

Pourquoi est-ce important de s’occuper des sols ? 

Pour faire court, nos sols jouent un rôle essentiel dans le maintien de la vie sur terre : ils sont le support des végétaux terrestres, permettent de réguler efficacement le cycle de l’eau et ainsi d’éviter inondations et sécheresses, et stockent aussi des quantités incroyables de carbone. 

Où en est la prise de conscience de l’importance d’avoir des sols naturels ? Un avis sur la stratégie de Zéro Artificialisation Nette ? 

Depuis une dizaine d’années, une prise de conscience émerge. Des auteurs auparavant confidentiels, tels Lydia et Claude Bourguignon ou Marc Dufumier, sont maintenant régulièrement cités ou invités dans le débat public. Néanmoins, le sujet reste largement sous-estimé, aussi bien par le grand public que par nos décideurs politiques ou les médias. Il n’y a qu’à voir, en comparaison aux pollutions de l’air et de l’eau déjà peu traitées, la place qu’occupent les sols dans la presse généraliste. 

Quant à l’objectif de Zéro Artificialisation Nette à l’horizon 2050 proposé par Emmanuel Macron en 2018, nos attentes n’ont pas du tout été satisfaites. Malgré l’urgence de la situation, la loi Climat et Résilience d’août 2021 traduisant l’objectif ZAN n’est pas contraignante et manque d’objectifs et actions de court terme. Les pratiques de consommation excessive ne sont donc pas remises en cause.

La vallée du Grésivaudan, menacée par l'artificialisation des sols - Photo Claire Avazeri

Face à cela, que fait FNE Isère pour protéger les sols ? Qu’en est-il des associations fédérées ? 

Nos actions passent tout d’abord par la mise en place de groupes de travail et de commissions sur tous les sujets qui touchent au sol. Au niveau régional, la commission (a)ménager le territoire porte les réflexions sur la lutte contre l’artificialisation. Cette commission est d’ailleurs ouverte à tous et toutes et accueille avec plaisir de nouvelles recrues. Nous avons aussi un réseau Agriculture et Alimentation qui prône le développement de l’agroécologie, c’est-à-dire des pratiques agricoles de préservation du vivant. Enfin, notre réseau Forêt traite aussi de la question des sols, notamment en portant l’interdiction des coupes rases et la lutte contre les monocultures de résineux, responsables de l’acidification des sols. 

En parallèle, FNE Isère soutient les associations et collectifs locaux qui se montent pour refuser des projets consommateurs d’espaces naturels ou agricoles. C’est par exemple le cas du collectif Les P’tits Tissages à la ZAC de Grignon, dans la commune de Pontcharra-sur-Bréda. Cette initiative est également soutenue par le GRENE, association fédérée de FNE. Nous militons aussi pour la désimperméabilisation de sols urbains, notamment les cours d’école, à l’image de ce qui a été fait à Echirolles pour l’école Marcel David en février 2022. Plus généralement, ce sujet mobilise beaucoup nos associations fédérées car il traite de problèmes concrets, dont les conséquences sont bien visibles : artificialisation, perte de terres et donc de production agricole locale, et risque accru d’inondations. 

Comment préserver voire améliorer la qualité des sols pour le futur ? 

Nous reprenons ici la proposition émise par Laura Verdier dans son livre Sols Pollués – Menaces sur les populations et la biodiversité (éditions Dunod, 2021) : il faut faire évoluer le cadre réglementaire des sols et créer un observatoire unique, comme cela a été fait pour l’eau et l’air. Une fois cet organisme en place, les données doivent être accessibles en open source et en temps réel. Là encore, le travail réalisé sur l’air, avec les indicateurs Atmo, est un bon exemple de marche à suivre. 

Cela permettrait de sortir de l’urgence dans laquelle les actions de FNE Isère s’inscrivent actuellement : nous devrions avoir la capacité d’agir en amont, en anticipation, pour des résultats plus durables. La protection des sols est un sujet transversal, y compris à FNE, et mobilise de nombreux acteurs qu’il faut pouvoir coordonner.

Publié par FNE Isère

Le Jeudi 24 février 2022

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