— Nos avis —

Pour une méthanisation raisonnée

La méthanisation pose de nombreux problèmes: origine des ingestats, gestion des digestats, pollution, odeurs... Dans le cadre de la consultation publique concernant les projets AMPG encadrant les installations de Méthanisation classées pour la protection de l’environnement (rubriques 2781 et 2780), FNE 63 plaide pour une méthanisation raisonnée

L’objet de la consultation est la proposition de nouveaux AMPG (arrêtés ministériels de
prescriptions générales) pour l’activité méthanisation agricole. La rubrique 2781 de la nomenclature des ICPE vise les « Installations de méthanisation de déchets non dangereux ou de matière végétale brute, à l’exclusion des installations de méthanisation d’eaux usées ou de boues d’épuration urbaines lorsqu’elles sont méthanisées sur leur site de production ».

Cette nomenclature concerne la méthanisation de matière végétale brute, effluents d’élevage, matières stercoraires, lactosérum et déchets végétaux d’industries agroalimentaires.
Trois régimes sont appliqués selon la quantité de matière traitée : autorisation (quantité de matières traitées est supérieure ou égale à 100 t/j), ou enregistrement (quantité de matières traitées supérieure ou égale à 30 t/j et inférieure à 100 t/j) et simple déclaration (quantité de matières traitées inférieure à 30 t/j).

Les AMPG  (arrêtés ministériels de prescriptions générales) applicables dataient de 2009 ou
2010 selon les cas. Il était nécessaire de les modifier d’où cette consultation. En effet quelque soit le régime choisi, l’obligation de gérer les poussières, les gaz et les composés odorants n’était pas appliquée. Et ne protégeait pas les populations de toutes les dérives identifiées et dénoncées. Les règles servant de base à l’implantation des sites étaient insuffisamment contraignantes et autorisaient quiconque à exercer cette activité sensible.

En effet de nombreuses nuisances sont déjà reconnues (odeurs et pollution de l’air, pollution de l’eau suite aux rejets, surveillance de l’étanchéité des ouvrages de stockages des intrants ou sortants, gestion du biogaz, dangers et risques de fuites de ce gaz à fort effet de GES..) tout ceci nécessitant un éloignement des habitations passant de 35 m à 200 m minimum, comme proposé dans les modifications des AMPG (cette distance de 200 m est bien insuffisante!). Ces AMPG introduisent pour tous les régimes des mesures visant à prévenir les nuisances et à effectuer des surveillances et des contrôles.

Exemples : St BONNET de SALERS (15) : odeurs nauséabondes, ptrésence de salmonelles dans les digestats, pollution du ruisseau de Moncelle, etc, (un procès est en cours) SIAUGUES St ROMAIN (43) : odeurs nauséabondes, pollutions de la rivière et acheminement de petit lait de la Laiterie de BEAUZAC distant de 70 kms : bilan CO2 catastrophique.

Ces mesures nécessaires vont augmenter le coût déjà important de ces installations, qui se
compte en millions d’euros. La méthanisation est une opération délicate, utilisant des réactions
enzymatiques à différentes températures et le fonctionnement en continu doit être très surveillé. Cette opération rendrait plus assimilable l’azote organique des matières qui sont entrées dans le méthaniseur, mais cela avec des risques plus élevés d’émission d’ammoniac, d’oxydes d’azote et de particules fines On connaît encore mal la durée de vie des installations et on ne tient pas compte de l’effet d’artificialisation définitif de grandes surfaces agricoles, correspondant aux zones de stockages des intrants et sortants en plus des installations proprement dite. …Certaines installations pourtant réputées sont déjà en vente !!!.

Et on ne revient sur le fond du problème :
A la construction, quelle maîtrise des matières traitées 2 ans plus tard que peut-on avoir sur leur quantité (et leur qualité, avec l’externalité des transports nécessaires pour les apporter etc..), et pourtant ce sont ces quantités qui déterminent le statut de simple déclaration. On ne peut travailler que sur des projections hasardeuses.

La provenance (il faudrait tracer leur origine) et la nature des matières ne sont pas prises en compte,du moment qu’elles sont « matière végétale brute, effluents d’élevage, matières stercoraires, lactosérum et déchets végétaux d’industries agroalimentaires ». Les cultures dédiées ne devraient pas être du tout utilisées, ni les intercultures (ou seulement une petite partie), car elles empêchent un juste retour du carbone au sol. Ce carbone est indispensable à la vie du sol, car à la base des matières organiques labiles (ce sont des sucres faciles à digérer) qui fournissent l’énergie aux organismes vivant du sol, et ce sont ces matières organiques, qui sont transformées en méthane…Consacrer des surfaces agricoles pour produire uniquement des intrants pour les méthaniseurs de grande dimension nous parait être irrationnel au regard de l’indépendance alimentaire à laquelle nous aspirons.

La collecte des produits d’approvisionnement des méthaniseurs peut être problématique ; par exemple, dans le Cantal des produits peuvent être amenés depuis plus de cinquante kilomètres pour alimenter le méthaniseur de st Bonnet de Salers! (Dossier dans revue « La galipote » n°143 Hiver Printemps 2021 éditée à Vertaizon 63910), qui montre les aspects négatif d’une filière mal pensée cochant toutes les mauvaises cases : puanteur, explosion de cuves, déversements polluants, digestat contaminés par des éléments pathogènes, routes dégradées par les camions de transport, etc.).

Les digestats ne sont pas équilibrés pour la fertilisation des sols (moins de carbone, plus d’azote). Ils ne sont pas en capacité de nourrir la vie du sol, ce qui revient à dire, que pour conserver un sol vivant, il faut en plus des digestats, un retour régulier en déchets de cultures. L’épandage des digestats est donc très loin de restituer au sol les éléments nécessaires pour reconstituer son humus.

La méthanisation ne doit pas favoriser les élevages hors sol et le lisier, comme intrant du
méthaniseur, ceci pour avoir des digestats plus riches en azote !!! (favorisant encore plus le
déséquilibre C/N).

En pratique, pour nous:
La méthanisation est une activité agricole intégrable à la ferme comme l’élevage, le système de culture produisant la biomasse, etc. Dans ce cas l’optimisation peut être faite au niveau de
l’exploitation agricole. Ainsi la méthanisation est au service de la ferme. C’est la méthanisation
« paysanne » faite de petits projets dont le but est de favoriser l’autonomie des fermes, peu
d’intrants, peu de production mais une énergie utilisée sur place pour éviter la dépendance
énergétique de l’exploitation. Là, on a peu de nuisances qui peuvent éventuellement être gérées par l’agriculteur qui trouvera lui même les corrections à apporter.

Des installations plus importantes sont mises en œuvre par de grosses fermes ou des groupes d’agriculteurs. Cela a pour but de générer un revenu supplémentaire aux « agri-managers » dont les productions primaires ne sont pas suffisamment rémunérées. Elles demandent des investissements importants qui imposent une exploitation durable quels que soient les effets néfastes pour l’exploitant, le voisinage et l’environnement. En outre, on assiste aujourd’hui à la méthanisation de déchets dangereux tels les déchets d’abattoirs, les boues de stations d’épuration, les déchets ménagers…. et on laisse les exploitants se débarrasser des digestats sur les terres agricoles.

Une attention toute particulière devra être portée sur le choix du site d’implantation.
La question de l’installation est particulièrement difficile car devant répondre simultanément à
plusieurs critères : la zone de chalandise des déchets à traiter ; la zone de valorisation agricole des sous produits ; la valorisation du biogaz (proximité d’un réseau existant de gaz où se raccorder ou de l’utilisation de la cogénération)… sans oublier la nécessité que l’installation soit implantée très loin de toute zone d’habitation et même de zones d’activités artisanales ou commerciales. Seule une “zone industrielle” permettant explicitement l’activité de traitement de déchets peut être acceptable.C’est pourquoi nous demandons qu’une distance de précaution d’au moins 500 m soit imposée à toutes ces installations et que cette même distance s’applique à l’épandage de leur digestat par rapport aux habitations des tiers, mais également par rapport aux rivières, points d’eau et milieux humides répertoriés.

Le choix du site d’implantation doit être fait de telle manière qu’il ne porte pas atteinte à
l’environnement, au paysage où à la santé, notamment en ce qui concerne la proximité de
zones d’habitations ou de zones fréquentées par des tiers.

FNE souhaite que les digestats retournent à la terre à condition qu’ils soient issus d’intrants
propres et de qualité. Ils peuvent être soit épandus tels quels, soit compostés afin de produire
un compost de bonne qualité (normé). Les débouchés doivent être connus et bien identifiés.
Les composts contenant des boues de STEP susceptibles de contenir des métaux lourds et des
micro-polluants, doivent trouver des utilisations paysagères ou horticoles, mais doivent être
écartés d’une utilisation agricole.

En cas d’épandage, il faudra être vigilant à la pollution de l’air par l’azote ammoniacal. En
effet, l’azote ammoniacal sortant du méthaniseur est certes minéralisé, donc plus facilement
assimilable, mais moins stable que l’azote organique entrant (plus rapidement nitrifié en
dioxyde d’azote et nitrates et donc volatil et lessivable). Le digestat doit donc être injecté ou
enfoui lors de l’épandage à moins que l’azote n’ait été stabilisé en amont.

Publié par FNE Puy-de-Dôme

Le Dimanche 13 mars 2022

https://www.fne-aura.org/nos-avis/puy-de-dome/pour-une-methanisation-raisonnee/

Lien vers cet article :
https://www.fne-aura.org/nos-avis/puy-de-dome/pour-une-methanisation-raisonnee/