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L’enfer de l’irrigation

L’enfer est pavé de bonnes intentions et surtout d’idées simplistes ! Faire des réserves d’eau l’hiver quand il pleut pour irriguer les cultures l’été quand il ne pleut pas. C’est tellement simple que ça bloque le fonctionnement du cerveau… Et pourtant, c’est paver la voie vers l’enfer et la dépendance alimentaire de notre pays.

Avec le Varenne de l’eau que FNE a sagement boycotté, nous sommes entrés dans une logique « à l’Espagnole » qui nous conduit droit dans le mur. L’exemple ibérique est pourtant illustratif avec une sécheresse généralisée lourdement aggravée par l’irrigation de cultures gourmandes en eau. C’est une fuite en avant qui finira par la désertification de régions entières. Tirer la leçon de l’expérience voisine voudrait dire mener une politique de fond pour améliorer la qualité des sols, leur capacité à emmagasiner et à conserver l’eau grâce à une haute teneur en matière organique et une couverture limitant l’évaporation et les montées en température qui les stérilisent.

Mais au lieu d’augmenter la capacité de stockage des nappes phréatiques et du sol, nous construisons sur des hectares d’immenses réservoirs artificiels à grand renfort de terrassements et de bâches en plastique. Nous détournons l’eau des grands fleuves, nous barrons nos petits cours d’eau et nous creusons des retenues collinaires sur l’emplacement des zones humides. Une fois encore du travail de Shadocks !

Il est urgent d’acter collectivement que l’eau stockée en surface s’évapore quand il fait chaud et sec (jusqu’à un tiers de perte !), que le goutte à goutte supprime toute restitution d’eau vers les nappes et que le sol non arrosé est stérilisé par la sécheresse, que faire stagner l’eau en surface l’expose à une pollution massive par les nitrates et pesticides agricoles et qu’un barrage en amont d’un cours d’eau réchauffe l’eau et détruit les écosystèmes d’eau froide.

Il est urgent de comprendre collectivement qu’un sol riche en matière organique et décompacté maintient son activité biologique et sa fertilité en période sèche (ce qui a été mille fois démontré en Afrique notamment), qu’une zone humide fonctionnelle stocke l’eau en excès lors des fortes pluies et la restitue en douceur en période sèche, atténuant ainsi crues et étiages et qu’elle améliore la qualité de l’eau. Il est urgent d’intégrer que plus en aval, les mers et océans ont besoin des apports d’eau douce des fleuves pour se nourrir et maintenir leur salinité à un niveau compatible avec la vie.

Alors pourquoi tant d’obstination ? Pourquoi vouloir irriguer la vigne et produire en grande quantité du vin de basse qualité destiné à la distillation ? Pourquoi ne pas adapter les porte-greffes en arboriculture et renoncer à produire plus vite des fruits sans saveur ? Pourquoi irriguer des surfaces considérables en maïs et compenser son manque de protéines par des importations de soja issu de la déforestation ? Pourquoi irriguer du blé planté sur des sols « sèchards » et spéculer sur le malheur des autres ? Pourquoi ne pas adapter les cultures et les élevages au climat ?

Chers amis, battons en brèche l’argument simpliste du stockage de l’eau par des réserves de surface. Martelons que ce sont les solutions fondées sur la nature, notamment la perméabilité de sols et leur capacité de stockage de l’eau, qui sont notre planche de salut, et pas les « bassines » en plastique du Varenne…

Eric Feraille
Président de FNE AURA
Édito de la newsletter mensuelle

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Mardi 31 mai 2022

https://www.fne-aura.org/actualites/region/lenfer-de-lirrigation/

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