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Le grand chantier

Nous sommes à 95% focalisés sur quelle énergie produire pour ne rien changer à nos habitudes alors qu'il est impératif et grand temps d'accepter de diminuer nos besoins en énergie ! Sans sobriété, point de salut !

Chers amis,

A moins d’être totalement dépourvu de raison, vous conviendrez que cet été fut celui qui nous a fait toucher du doigt la réalité et la brutalité du changement climatique en cours. Il n’y a désormais plus d’autre choix : il faut sortir des propos lénifiants et agir. Encore faut-il que le remède ne soit pas pire que le mal. Malheureusement, dans bien des cas, notre gouvernement semble s’appliquer à achever son patient !

Quid du renouvellement du parc nucléaire à base d’EPR ? Les centrales EPR arriveront de toutes façons après la bataille pour peu qu’elles fonctionnent enfin, ce qui est loin d’être gagné, tant leur conception semble improbable et leur réalisation émaillée de graves malfaçons avec des coûts rédhibitoires.

Puis il faut de l’eau pour refroidir une centrale nucléaire. Au vu des débits de la Loire et du Rhône cet été, il est légitime de douter de la pertinence de cet outil ! Qu’en sera-t-il du Rhône lorsque dans 20 ans tous les glaciers auront fondu ?

Et puis qu’en sera-t-il de notre approvisionnement en combustible qui repose sur des pays soit politiquement instables comme le Mali, soit commercialement non-fiables comme l’Australie ou encore sous influence de leur ancien maître russe comme le Kazakhstan ? Vous avez dit indépendance énergétique ? J’ai dû mal entendre… Vous en dites quoi Monsieur Jancovici ?

Comment faire ? Développer l’énergie hydraulique et la micro-hydroélectricité car c’est un gisement d’énergie renouvelable inépuisable ? Notre potentiel est déjà exploité à plus de 90% et la baisse du débit des fleuves, qui va réduire les rendements de grande hydroélectricité, combiné à l’assèchement des petits cours d’eau, qui va frapper de plein fouet la petite hydroélectricité, rend très pessimiste sur la capacité de cette source d’énergie à assouvir nos besoins ! Raison de plus de ne pas gaspiller notre argent en sacrifiant nos derniers cours d’eau en bon état écologique, mais bien de l’investir dans l’optimisation de l’existant. Mais il semble que ce ne soit pas la voie choisie à ce jour…

Développer la biomasse, autrement dit le bois ? Le réchauffement climatique accéléré et les canicules estivales couplées aux sécheresses intenses malmènent tellement la forêt que les calculs de croissance faits dans la première décennie des années 2000 sont complètement obsolètes. Entre dépérissement massif et incendies, nous serons déjà bien heureux qu’il reste des arbres en France en 2030 ! Et que dire des forêts du monde ? Alors quand va-t-on arrêter la centrale biomasse de Gardanne qui participe allègrement à l’importation massive de bois pour la faire fonctionner ?

Que nous reste-t-il ? Il nous reste l’éolien partout où le vent souffle de manière régulière tout en excluant les sites à haut-risque pour l’avifaune et les chiroptères. Il y a en effet dans notre pays bien assez de néo-steppes de grande culture où l’entomofaune et par ricochet l’avifaune et les chiroptères sont déjà décimés où on peut implanter des éoliennes.

Les pêcheurs aussi doivent accepter de restreindre un peu leurs zones de pêche pour que l’éolien en mer puisse se développer là aussi. Ça serait en plus certainement bénéfique aux poissons à défaut de l’être pour les oiseaux marins…

Le solaire est sans doute la meilleure énergie d’avenir, encore faut-il privilégier les projets de petite et moyenne importance sur les espaces artificialisés, les friches industrielles, les bordures d’autoroute, plutôt que des mégaprojets de centaines voire milliers d’hectares pour satisfaire les appétits des Engie et autres Total Energie… Le gisement est colossal mais requiert un certain degré de coercition et une bonne planification territoriale pour obliger les supermarchés à recouvrir leurs parkings d’ombrières solaires, les entrepôts logistiques à couvrir les hectares de toitures plates de panneaux solaires…

Quant au « biométhane », il a indiscutablement une utilité mais il ne sera que marginal. Il est impératif que sa production ne prive pas les sols du carbone dont ils ont si cruellement besoin, notamment pour générer l’humus qui retient l’eau. Les « agrocarburants » sont eux une véritable obscénité dans un monde qui a faim !

Après cette brève revue, nous touchons aisément du doigt que sans sobriété point de salut ! Nous sommes à 95% focalisés sur quelle énergie produire pour ne rien changer à nos habitudes alors qu’il est impératif de regarder du côté des transports (30% des émissions de CO2), du côté de l’agriculture qui sans compter les émissions importées contribue pour 20% aux émissions de gaz à effet de serre (CO2, NH3 et CH4), du côté de l’industrie et du bâtiment idem.

Il est grand temps d’accepter de diminuer nos besoins en énergie en s’intéressant à ces secteurs, notamment à l’agriculture qui d’émetteur majeur de gaz à effet de serre peut passer en mode séquestration de CO2 massif. Mais il faudrait pour ça que la FNSEA et le gouvernement changent de logiciel. C’est pour le prochain épisode…

Eric Feraille
FNE AURA
Édito de la newsletter mensuelle – Septembre 2022

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Vendredi 16 septembre 2022

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