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Le lynx, le loup et l’homme…

"Le loup, le lynx sont des animaux pour certains fascinants, fantasmés mais pour d'autres maléfiques et responsables de tous les maux. Aujourd'hui, le lynx est présent dans l’Ain. Le loup est de passage, demain il s'installera peut-être, saura-t-il coexister avec le lynx ? Saurons-nous cohabiter avec eux ? Et si, d'abord, on apprenait à les connaître vraiment ! "

Vendredi 3 mars, l’APACEFS (Association des Protections Alternatives pour la Cohabitation de l’Elevage et de la Faune Sauvage – https://www.apacefs.fr/) a répondu présent à l’invitation de la commune de Jasseron et de FNE Ain pour partager ses connaissances et son expérience concernant ce triptyque dont la cohabitation est loin d’être un long fleuve tranquille… L’occasion de remettre la connaissance de ces espèces basée sur l’observation sur le devant de la scène et de présenter le travail réalisé par l’association avec une quarantaine d’éleveur.ses du département pour tendre vers une coexistence pacifique entre l’élevage et la faune sauvage. Petit « vrai / faux » de quelques points abordés lors de cette soirée…

Les loups et les chiens sont des espèces cousines.
FAUX. Les loups et les chiens appartiennent à une seule et même espèce (Canis lupus). Les chiens (Canis lupus familiaris) sont des loups domestiqués. Ils sont interféconds et parfois très proches morphologiquement, d’où de fréquentes confusions entre certains chiens et des loups, donnant l’impression à certain.es que le loup est installé en nombre dans notre département.

Les loups se nourrissent exclusivement de cerfs.
FAUX. Si le cerf est la proie de prédilection des loups vivant en meute (forme sociale naturelle de l’espèce) grâce à une chasse collective, il existe en réalité une grande diversité de proies possibles. Le régime alimentaire des loups est opportuniste et variable selon les individus, par exemple en fonction des ressources de l’habitat, mais également, pour un même individu, en fonction de la saison, de son âge, de son état de santé, etc.

Si l’homme ne régule pas les populations de loups et de lynx, il n’y aura bientôt plus de cervidés.
FAUX. Dans un écosystème fonctionnel, les populations de proies et de prédateurs ajustent mutuellement leurs effectifs pour atteindre un équilibre dynamique. Il serait aberrant pour un prédateur d’épuiser les ressources alimentaires dont sa survie dépend. Ce comportement est donc contre-sélectionné par l’évolution (seul l’homme s’y adonne !). On observe même, après une pression de prédation, une augmentation des naissances chez l’espèce proie. Qui plus est, la présence de grands prédateurs entraine une adaptation comportementale de leurs proies : chevreuils et cerfs se déplacent davantage, ce qui est favorable à la
régénération des forêts.

La collecte de fèces apporte des informations sur les lynx et les loups.
VRAI. Les fèces apportent des informations précieuses sur le régime alimentaire ainsi que sur le patrimoine génétique des individus. L’APACEFS récolte des fèces et vérifie l’espèce des fèces transmises par un réseau de collecteurs avant que la SFEPM (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères, pour le lynx – https://www.sfepm.org/) ou l’OFB (Office Français de la Biodiversité, pour le loup –https://www.ofb.gouv.fr/) n’en fasse faire l’analyse par un laboratoire.

Les pièges-photos nous permettent de savoir si un loup ou un lynx fréquente un secteur.
VRAI mais pas seulement. Le loup et le lynx étant des espèces discrètes, des méthodes d’observation indirectes et non-invasives sont utilisées pour améliorer notre connaissance. L’APACEFS utilise, entre autres, plus d’une centaine de pièges-photos déclarés et posés avec l’autorisation des communes ou des propriétaires. Les photos ou vidéos produites renseignent effectivement sur la présence d’une espèce mais permettent également, pour le lynx, d’identifier les individus grâce à leur pelage unique donc de connaître le nombre d’individus présents ainsi que l’histoire de vie de chacun. Toutes ces données sont transmises à l’OFB.
Certaines vidéos apportent également de précieuses informations sur l’éthologie de l’espèce.

Les pièges-photos doivent être relevés toutes les semaines.
FAUX. L’utilisation de pièges-photos, qui augmente considérablement depuis quelques années chez les particuliers, n’est pas sans impact sur la faune sauvage. Outre notre présence au moment des manipulations, nous laissons des odeurs auxquelles la plupart des animaux sont très sensibles. Ce dérangement est d’autant plus problématique si une mère lynx se trouve à proximité. Elle risque de déplacer ses jeunes pour les éloigner de ce danger, d’où une possible surmortalité. Il est donc plus que recommandé de laisser un piège-photos plusieurs mois sans intervention.

Les loups présents en France sont issus de réintroductions.
FAUX. Le loup est revenu naturellement en France, depuis l’Italie (via le Mercantour). En revanche, tous les lynx présents actuellement sur notre territoire (environ 150) sont les descendants de moins de 10 individus relâchés en Suisse il y a 50 ans, ce qui a constitué un goulot d’étranglement génétique. La principale menace pour le lynx, à moyen terme, est donc la faible diversité génétique de ses populations, qui entraîne une vulnérabilité aux maladies et à toute modification de leur environnement.

Les effectifs de loups dans l’Ain ont explosé depuis l’arrivée de l’espèce il y a 20 ans.
FAUX. Si des loups sont observés chaque année, aucune installation durable n’a été constatée et il s’agit toujours d’individus solitaires. L’espèce a un tel pouvoir de dispersion que des individus ont été observés en Bretagne et dans les Pyrénées, en provenance des Alpes. Concernant l’Ain, il est probable que la présence d’une population de lynx freine l’installation d’une meute de loups. Un loup seul ne fait pas le poids, face à un lynx. En revanche, face à une meute de loups, c’est le lynx qui adapte son comportement.

Les loups attaquent les hommes.
FAUX. Il faut des circonstances exceptionnelles pour que les loups se sentent menacés au point de se montrer agressifs. L’homme ne fait absolument pas partie du régime alimentaire du loup ! Hélas, les idées reçues, parfois véhiculées par des journalistes peu consciencieux, et les traces des contes traditionnels dans nos imaginaires ont la vie dure. D’où une crispation certaine autour du loup…
      Conseil de hérisson. Si vous souhaitez ne pas lire uniquement le « Petit Chaperon rouge » et son grand méchant loup à vos enfants et petits-enfants, vous pouvez leur proposer la version détournée « Et pourquoi ? » (M Van Zeveren) qui a toujours un grand succès ! Si le loup n’y est pas méchant, le pauvre subit l’insupportable fillette… On pourra préférer des albums plus poétiques tels que « Une fillette, un loup, un point c’est tout » (C Latteux) et « Ma louve et moi » (B Serre et M Ben).

La consommation de moutons par le lynx ou le loup est un comportement anormal.
FAUX. Le mouton ne fait pas partie du régime naturel du lynx et du loup, tout simplement car il n’existe pas naturellement dans leurs milieux de vie. Néanmoins, de leur point de vue, ce sont des proies possibles si un élevage se trouve sur leur domaine vital sans moyens de protection, d’autant plus si la chasse devient compliquée pour eux (animal affaibli, manque de proies naturelles, etc.). Les attaques, bien que symboliquement marquantes, représentent moins de 0,4 % du cheptel aindinois (loup et lynx confondus) contre 5 % à 17 % pour les maladies et les causes naturelles et 6 % lors du transfert vers l’abattoir. Tout l’enjeu des moyens de protection est de rendre l’attaque des proies domestiques trop coûteuse pour les prédateurs, afin qu’ils se tournent à nouveau vers les proies naturelles.

Les chiens de protection permettent d’éviter une grande partie des attaques sur les troupeaux.
VRAI. Ils constituent une protection de premier plan. Parmi la quarantaine d’éleveur.ses accompagné.es par l’APACEFS, le suivi à long terme (après mise en place d’une protection) fait état que de deux attaques qui s’expliquent par des conditions particulières. Toute l’expertise de l’APACEFS réside dans la connaissance du prédateur présent autour d’une exploitation afin de comprendre pourquoi il attaque le troupeau pour ensuite adapter les mesures de protection.

Le loup fait l’objet d’une régulation.
FAUX. Le loup, comme le lynx, sont des espèces strictement protégées, du fait de la grande fragilité de leurs populations et de leur survie incertaine à long terme. Ils font l’objet d’un PNA (Plan National d’Action) auquel l’APACEFS participe. Si des loups sont effectivement abattus en toute légalité, on ne parle pas de régulation. Il s’agit de tirs de défense simple ou renforcé suite à des attaques sur des exploitations protégées.
        Remarque de hérisson. On peut s’interroger sur le principe même de tirs concernant une espèce protégée ainsi que sur leur efficacité, notamment quand on observe que la perte d’un membre d’un meute de loups entraine souvent son éclatement d’où de multiples individus solitaires qui seront donc plus portés à attaquer des proies domestiques…

Les éleveur.ses ont besoin de soutien après une attaque sur leur troupeau.
VRAI. Une attaque est toujours lourde à gérer émotionnellement. C’est aussi une des missions de l’APACEFS d’accompagner les éleveur.se.s face à de tels événements. Si, dans des pays comme l’Italie, la population a toujours vécu avec le loup, ce n’est pas le cas en France où le loup a été absent durant 60 ans. Il nous faut donc réapprendre à vivre avec les grands prédateurs, accepter leur présence et diffuser les moyens de protection.
         Remarque de hérisson. Ce n’est pas seulement l’affaire des éleveur.ses : en tant que citoyen.ne et consommateur.rice, nous avons tou.tes notre contribution à apporter pour changer le modèle agricole dominant et permettre aux éleveur.ses de vivre dignement et sereinement de leur métier.

« La coexistence est encore possible avec tous les acteurs, il faut juste le vouloir... »
APACEFS

Publié par FNE Ain

Le Lundi 03 avril 2023

https://www.fne-aura.org/actualites/ain/le-lynx-le-loup-et-lhomme/

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