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Sécheresses récurrentes et ressources en péril

La Savoie n'a pas coupée à un bilan pluviométrique largement déficitaire observé dans de nombreux départements en 2018.

L’article qui suit a été rédigé juste avant les précipitations survenues en toute fin d’octobre, début novembre. Pour autant les quelques centimètres de pluies ou les flocons tombés en montagne ne sont pas de nature à remettre en cause un bilan pluviométrique qui restera largement déficitaire. La démobilisation n’est donc pas d’actualité et d’ailleurs le préfet de Savoie vient même de prendre un arrêté de crise pour les bassins versant du lac du Bourget, du Chéran et du Guiers. Un arrêté applicable jusqu’au 30 novembre et qui renforce certaines restrictions concernant en particulier l’agriculture.

Alors que les vacances de Toussaint battent leur plein dans une période habituellement pluvieuse, la sécheresse persiste et les cours d’eau des Bauges, de la Combe de Savoie et du bassin versant du lac du Bourget sont dans une situation critique. C’est visible par le plus grand nombre à Aix-les-Bains et à Chambéry avec un Sierroz qui ne s’écoule plus et une Leysse qui, depuis St Alban-Leysse, est envahie par des algues vertes et filamenteuses à travers lesquelles on cherche l’eau.

Un nouvel arrêté « sécheresse » a bien été pris le 1er octobre. Du coup le bassin versant du lac du Bourget et l’Avant-Pays Savoyard rejoignent le Chéran et la Combe de Savoie sous le régime de l’Alerte Renforcée. Mais il est trop tard et d’ailleurs, sauf à aller sur le site internet de la Préfecture, peu d’informations ont été faites sur les prescriptions de l’arrêté dont certaines concernaient cependant les particuliers s’agissant des économies d’eau. Sont visés par exemple pour ceux-ci le lavage des voitures, l’arrosage des jardins (interdit entre 8 et 20 heures) et le remplissage des piscines.
Ainsi s’achemine-t-on vers une sécheresse pire que celle de 2003, mais surtout survenant juste après celle de 2017 caractérisée déjà par certains aspects historiques et dont le CISALB avait présenté le bilan lors d’un COPIL le 19 juin dernier. Revenons donc sur ce bilan, histoire de préfigurer celui pour 2018 qui pourrait s’avérer encore plus catastrophique, mais aussi de parler Plan de Gestion de la Ressource en Eau.

Déficit pluviométrique et vie aquatique impactée

Donc pour 2017, le début d’année avait commencé déjà de manière atypique avec un arrêté préfectoral de vigilance sécheresse hivernale (une première). Les cours d’eau de la chaîne de l’Epine et du pied du Revard étaient au plus bas avec quelques prises en glace en plaine favorisées par les faibles débits. Globalement le bilan pluviométrique descendait à 30 % sous la moyenne, échappant juste au pire du fait d’un décembre pluvieux.
De leur côté les cours d’eau avaient accusé des baisses entre 25 et 40 % des débits moyens interannuels (modules) calculés depuis 2003 ! Les situations les plus critiques étaient alors celles du Tillet, du Sierroz et de l’Albanne.
Et forcément, les volumes d’eau mis en œuvre (la ressource) ayant diminué, la période des mois les plus secs de juin à octobre (ceux retenus par le CISALB dans le cadre des études Volumes Maximum Prélevables) a fortement impacté les cours d’eau. Même si l’on ajoute pour cette période les prélèvements (AEP et agriculture principalement) aux débits écoulés mesurés aux ruisseaux pour chaque sous-bassin versant, des ruisseaux ont été souvent en déficit par rapport au Débit Minimum Biologique. Par exemple 38 jours pour la Meunaz (affluent du Sierroz), 74 jours pour l’Albanne et 163 jours pour le Sierroz. Des milieux où la survie des espèces aquatiques a été en péril et où elle l’aurait été même du seul fait de la diminution «naturelle » de la ressource.

Débits de restitution et lutte contre les fuites

Pour autant l’enjeu reste de limiter les dégâts à l’avenir. Et à cet égard les actions financées dans le cadre du contrat de bassin versant du lac du Bourget et le plan de gestion de la ressource en eau arrêté par le Préfet commencent à porter leurs fruits. Faisant suite aux études Volumes Maximum Prélevables, des débits de restitution (réservés pour le milieu aquatique) ont été déterminés pour les sources sensibles du Grand Chambéry et le principe fait son chemin également sur le territoire de Grand Lac. Ces débits « réservés » vont de 3 l/s à la source du Lard (Vimines) à 28 l/s pour celle des Roches (Le Bourget du Lac) et les autorisations de prélèvement sont en cours de régularisation. C’est même une grosse satisfaction pour la FRAPNA qui demandait depuis l’année 2006 que l’on remonte davantage d’eau depuis les nappes, notamment depuis le Puits des Iles, pour soulager les sources à l’étiage !

A côté de cela, les luttes contre les fuites et économies d’eau ont donné lieu à des travaux coûteux mais fructueux aussi bien sur les conduites vétustes venant des réservoirs qu’au niveau des process de certaines entreprises fortes consommatrices. A noter aussi le cas particulier de la fermeture du plan d’eau de Cognin qui permet d’économiser 900 m³ par semaine. Au total le CISALB estime à 37360 m³ le volume d’eau économisé en 2017 hors les activités agricoles qui de leur côté ont prélevé 3635 m³ de moins sur les ruisseaux et l’eau potable. Autre gain attendu avec l’aménagement à la Vilette (La Motte Servolex) d’un bassin de rétention alimenté par l’impluvium. Un stockage de 10000 m³ y est prévu pour l’irrigation de l’arboriculture.

Enfin le Plan de Gestion de la Ressource en Eau donne la possibilité au Préfet de conditionner l’urbanisation de secteurs sensibles à la mise en place d’interconnexions ou au recours à la substitution des sources pour les nappes. Mais cela passera souvent par des travaux importants comme ceux envisagés pour renforcer les possibilités de refoulement depuis la nappe du Puits des Iles vers les hauts de St Sulpice et Vimines, ou pour interconnecter les réseaux de Grand Lac.

Reste que si l’urbanisation (habitat – zones d’activité) que nous jugeons excessive au regard de différents facteurs devra faire l’objet au PLUi (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) d’une confrontation avec le principe de gestion équilibrée de la ressource en eau, d’autres enjeux sont heureusement ciblés par le CISALB. Ils concernent notamment les nouveaux usages menaçant le bon état écologique de la Leysse : la neige de culture et l’hydroélectricité. Des préoccupations qui rejoignent les nôtres !

Jean-Claude MADELON

Débit minimum à laisser aux cours d’eau (document CISALB).

Trois questions à Cyrille Girel

Cyrille Girel est le chargé de mission Ressource en eau et assainissement au CISALB*

JCM : Monsieur Girel, nous arrivons fin octobre sans précipitations. Quelle est votre inquiétude principale ?

CG : c’est clairement la raréfaction de la ressource et donc la nécessité de son partage. Ceci implique dès à présent des actions d’information. D’ailleurs, un programme de communication et de sensibilisation au partage de la ressource est en préparation avec une vision sur les 3 prochaines années.

JCM : Parmi les mesures découlant du Plan de Gestion de la Ressource en Eau (PGRE), laquelle vous semble t-elle la plus efficace?

CG : L’action majeure réside dans la mise en place des consignes de restitution sur les captages des sources, ce qui constitue un pas gigantesque dans la prise de conscience des collectivités. Mais les situations alternatives pour l’irrigation sont importantes aussi car elles permettront de retirer les pompes des cours d’eau. Enfin les arrêtés «sécheresse» sont un bon outil pour autant qu’ils soient connus et appliqués s’agissant de l’interdiction des prélèvements domestiques dans les ruisseaux.

JCM : Dans un contexte de durcissement des bilans hydrologiques, conséquence du réchauffement climatique, ne peut on craindre des conflits entre le PGRE et le développement de l’urbanisation ?

CG : on travaille actuellement en amont au niveau du PLUi et l’on peut imaginer que les besoins futurs soient couverts à la faveur de la réduction des fuites sur laquelle on avance bien.

* Cyrille GIREL a été responsable des études Volumes Maximums Prélevables sur le Bassin Versant du lac du Bourget.

 

Crédit photos : JC Madelon (bandeau)

Publié par FNE Savoie

Le Mardi 13 novembre 2018

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