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Le loup fait beaucoup parler de lui en Ardèche. Une fois n’est pas coutume, Canis lupus nous offre une belle occasion de travailler ensemble pour soutenir réellement à la fois l’élevage durable ardéchois, car nous y tenons, et la biodiversité. Ne gâchons pas cette occasion en clivant les différents groupes et en les montant les uns contre les autres : affirmons au contraire ensemble et en acte qu’en Ardèche, le loup, c’est avec nous et avec nous tous !
1. Des loups toujours très rares, toujours non viables
Le loup, de retour en Ardèche depuis 2012 fait à nouveau beaucoup parler de lui. Les dernières données officielles disponibles sur le terrain concernant les attaques sur les cheptels domestiques depuis le 1er janvier 2024 donnent au 16 mai : 11 animaux (8 ovins et 3 caprins) expertisés comme prédatés par le loup. Par contre, 22 ont été expertisés comme prédatés par un autre animal que le loup (le plus souvent des chiens) et 4 sont encore en expertise. Le tout ne concerne que 7 communes.
Conclusion : il y a en Ardèche en ce moment un tout petit effectif de loup qui de temps en temps tue une ou deux bêtes domestiques en nombre bien moindre que ce que font les chiens divagants.
Notons qu’à l’échelle nationale, la population de loup a été estimée pour 2023 à 1104 individus, ce qui est bien en deçà du seuil de viabilité de l’espèce. Pour cela, le loup est protégé à l’échelle nationale et continentale, il est classé « vulnérable à l’extinction » par l’UICN.
La méthode de comptage scientifique (estimation) pratiquée en France par l’OFB est transparente, adaptée au terrain, approuvée, fiable et validée à l’échelle internationale. Elle en fait à coup sûr l’animal sauvage le mieux suivi de notre pays .
2. Une majorité rurale très favorable au loup
Nos associations de protection de la nature fréquentent le terrain, disposent de programmes de soutien au pastoralisme ou mènent des enquêtes auprès du public. Des programmes tels que « Parole de loup » ou « Parole de Patou » (Ferus) montrent depuis des années, des populations rurales toujours très majoritairement favorables à la présence du loup.
Une étude d’opinion réalisée en automne dernier (Savanta, novembre 2023) permet d’y voir plus clair, elle a concerné 10 000 habitants de la ruralité de 10 états membres de l’Union Européenne :
– 74 % des ruraux français contactés souhaitent des mesures strictes pour la protection des grands carnivores (dont le loup).
– 76% des ruraux français estiment que les éleveurs devraient mettre en œuvre les mesures disponibles pour protéger leurs animaux des grands carnivores .
– 83 % des ruraux français font de la conservation des espèces naturelles (dont le loup) une priorité.
Un indice supplémentaire : les trois films de Jean Michel Bertrand sur la cohabitation nécessaire avec le loup ont passionné et fait salle pleine dans bien des cinémas d’Ardèche.
Ainsi, en Ardèche comme ailleurs, le loup ne dérange réellement qu’une petite fraction de la population qu’il ne s’agit pas d’abandonner à son sort, bien au contraire.
3. Une minorité impactée, à aider sérieusement
Ce sont prioritairement les éleveurs ovins et caprins qui peuvent être impactés par le loup. Ce dernier s’attaque rarement aux équins et aux bovins, même si ces dernières années cela s’accentue légèrement pour les bovins.
Quand la présence du loup est avérée, les éleveurs bénéficient d’une importante solidarité nationale. L’État, via la préfecture et la DDT prévoit des aides conséquentes pour soulager les éleveurs et permettre la protection préventive des troupeaux :
– diagnostics de vulnérabilité des élevages ;
– mise à disposition de chiens de protection (patous) avec éducation et nourriture ;
– mise à disposition de clôtures de protection (notamment pour la nuit) ;
– salaires de bergers et d’aide-bergers ;
Mais les éleveurs ne sont pas satisfaits : ces mesures, indispensables car efficaces quand le loup est là, sont coûteuses en temps, en énergie et les éleveurs en payent souvent 20 %. Ceci peut et doit être amélioré (cf point 4).
Il existe aussi des autorisations de tir que le plan loup a encore facilité malgré l’opposition de plus de 98 % des personnes consultées à ce sujet.
4. Quelle solidarité réelle et durable avec les éleveurs ?
Nous considérons en effet que ces tirs potentiellement létaux ne permettent pas de protéger correctement les troupeaux. D’une part parce qu’un loup tué n’empêche pas un second d’arriver. On constate aussi (exemple du Diois) que là où des meutes sont bien installées, la protection des troupeaux est plus facile. Probablement parce que les tirs déstructurent les meutes qui chassaient plutôt des proies sauvages (nécessitant souvent une chasse en groupe) : les tirs libèrent des individus isolés plus enclins à s’attaquer aux troupeaux domestiques.
En Ardèche, nous veillerons au strict respect de la loi : il ne saurait y avoir de chasse au loup tout azimut en présence de troupeaux non protégés. Le signal en direction du loup serait faussé.
Il sera bien plus judicieux, dans une perspective de moyen et long terme, de miser sur des tirs d’effarouchement non létaux, trop peu pris en compte par le Plan Loup actuel : pas tué mais effrayé, le loup tend à tourner l’éducation de sa meute vers la méfiance du troupeau protégé.
De même, déclarer de nombreux élevages comme « non protégeables », ce n’est pas rendre service aux éleveurs : l’incantation ne fonctionne pas et le loup viendra quand même. Ce statut arbitraire ne permet pas de prévenir et d’éliminer les dommages dus aux loups erratiques et cela ne conduit pas à des changements de pratiques permettant d’anticiper l’installation de nouvelles meutes.
C’est donc se leurrer que de miser sur la double erreur du « tout tir » et de la « non protégeabilité ».
Les APN proposent des mesures bien plus efficaces si l’on veut réellement et sérieusement aider l’élevage avec vigueur, comme par exemple :
– Dans les nouvelles “zones de présence permanente » (ZPP), envisager la mise en place de brigades de bergers mobiles dès que des foyers de prédations s’installent durablement. (…)
– Pour accompagner la mise en œuvre effective des moyens de protection des troupeaux (mise en place + vérification technique régulière), mobiliser toutes les ressources humaines disponibles (gardes des réserves naturelles et des parcs nationaux, aides-bergers, chargés de mission des parcs naturels régionaux, emplois dédiés à cette fonction, chantiers d’insertion, associations, etc.).
– Constituer systématiquement des brigades de bergers mobiles dans les territoires où les dommages sont récurrents et restent à un niveau important de façon à permettre aux éleveurs et/ou bergers d’affronter les situations de crise
– Favoriser les initiatives d’acteurs associatifs facilitant la mise en œuvre de moyens de protection des troupeaux. (exemple du programme « Pastoraloup » de Ferus : au coeur des zones à loup des Alpes et du Jura en 2023, 23 éleveurs soutenus, 90 bénévoles, 0 prédations !).
Nos associations n’attendent pas la crise pour se jeter sur le loup : elles travaillent en continue pour un pastoralisme durable et compatible avec le super prédateur. 41 propositions très concrètes se trouvent ainsi dans notre document « Propositions pour le futur Plan Loup et activités d’élevage ». Aux responsables politiques de s’en saisir avec courage et honnêteté si l’objectif est réellement d’aider le monde pastoral.
5. Le loup, une espèce attractive pour un territoire préservé
Les ruraux que nous sommes sont très majoritairement attachés au loup, pour plusieurs raisons. C’est un superbe animal à l’organisation sociale fascinante. Il joue aussi un rôle essentiel pour la santé des écosystèmes (donc pour notre propre santé !). Il prédate mais aussi disperse les herbivores qui ainsi s’attaquent moins aux jeunes arbres indispensables à la régénération de la forêt (pression des chevreuils, des cerfs…), il s’attaque aussi aux sangliers, faisant potentiellement baisser l’impact des surpopulations ardéchoises.
Il est aussi la source d’un imaginaire très riche (contes, littérature) et artistique (sculpture, gravure, photographies, films, documentaires…). Des visiteurs variés n’hésitent pas à venir en Ardèche sur les traces des loups. Tout un monde humain se constitue, en paix avec cet animal qui représente un territoire naturel retrouvé, attractif et préservé. En Ardèche, un tourisme forestier respectueux et de qualité peut ainsi lui être associé très facilement. A relier à la découverte d’un pastoralisme durable et consolidé qui montre comment la cohabitation est possible et propose des productions de qualité, remettant l’homme dans et non pas contre l’écosystème.
6. Unir nos forces pour une cause partagée : l’élevage durable
Comme on le voit, le retour du loup peut être une magnifique occasion de lancer un véritable chantier solidaire à l’échelle du territoire. Agriculteurs, Chasseurs, Écologistes, Randonneurs, Scientifiques, Sportifs, Naturalistes, Services de l’État, Collectivités Locales, Communes, Réserves naturelle, ONF et Parc Régional, le loup doit nous mobiliser et permettre de faire société sans se déchirer.
Une fois n’est pas coutume, Canis lupus nous offre une belle occasion de travailler ensemble pour soutenir réellement à la fois l’élevage durable ardéchois, car nous y tenons, et la biodiversité. Ne gâchons pas cette occasion en clivant les différents groupes et en les montant les uns contre les autres : affirmons au contraire ensemble et en acte qu’en Ardèche, le loup, c’est avec nous et avec nous tous !
Contact FRAPNA 07 Loup : 04 75 93 41 45
Sigles cités :
FRAPNA : FédéRation des Associations de Protection de la Nature d’Ardèche.
OFB : Office Français de la Biodiversité
DDT : Direction Départementale des Territoires
ONF : Office National des Forêts
APN : Association de Protection de la Nature
UICN : Union Internationale pour la Conservation de la Nature.
Publié par FRAPNA Ardèche
Le Jeudi 23 mai 2024
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