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Coûteux, intérêt énergétique limité, sans garantie pour les populations de saumons, ce site n'aurait jamais dû être équipé.
Juin 2018
La FRAPNA (Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature), dont la vocation première est la préservation et la sauvegarde des espèces et des milieux naturels dans les huit départements de l’ancienne région Rhône-Alpes; tient à vous apporter sa contribution à la consultation publique concernant le projet d’avenant au cahier des charges de la concession
du barrage hydroélectrique de Poutès Monistrol sur l’Allier, situé dans le département de la Haute Loire.
Les départements du Rhône, de la Loire et de l’Ardèche englobent une partie restreinte mais significative du bassin versant de la Loire et même, pour le département de l’Ardèche, une partie du bassin versant de l’Allier lui-même (le bassin de l’Espezonnette). De plus, la préservation de la souche ligérienne du Saumon Atlantique est un enjeu au moins national sinon européen puisque cette espèce est d’intérêt communautaire européen, la France ayant la responsabilité d’organiser une gestion durable de sa population et de son habitat. Notre Fédération se trouve ainsi doublement fondée à prendre part à cette consultation.
Le maintien de tout aménagement à Poutès aura des incidences directes sur l’état de conservation du Grand Saumon de la Loire ce qui veut dire que tout aménagement sur ce site devra proposer un compromis qui préserve en toutes hypothèses l’avenir de cette espèce.
Tout d’abord, et cela saute au yeux d’un observateur impartial, les enjeux de biodiversité et d’énergie se situent, chacun dans leur domaine, à des niveaux très différents :
Du coté énergétique, l’enjeu de la production électrique paraît tout à fait dérisoire, la production étant inférieure à 40GWh soit 0,5% de la production hydroélectrique et moins de 0,1 % de la production électrique nationale. En outre, l’exploitation au fil de l’eau à laquelle serait confinée le nouvel ouvrage projeté limitera encore son intérêt en le rendant inadapté à la transition énergétique qui prévoit l’injection massive d’électricité issue de sources renouvelables de puissance variable. En dehors de l’aspect énergétique, mais toujours sur le plan économique seul l’enjeu attaché à la fiscalité territoriale pourrait retenir l’attention mais il nous semble qu’elle pourrait être facilement compensée dans le cadre des solidarités nationale et régionale sans même parler de l’atout extraordinaire que constituerait un environnement naturel restauré.
Du coté biodiversité, le saumon sauvage de la Loire est la dernière forme survivante en Europe occidentale d’un grand saumon capable d’effectuer une migration de reproduction en rivière sur une distance de près de 1000Km, les autres formes similaires de saumon ayant disparu des grands fleuves européens en raison des activités humaines. Le site de Poutès est situé au tiers inférieur de la zone sanctuaire réservée à la reproduction naturelle du saumon et près de 50% du potentiel de production de saumoneaux de l’Allier se trouve en amont du barrage.
En résumé nous avons, du coté énergétique et économique, un niveau d’enjeu très limité d’intérêt local et, du coté biodiversité, un enjeu de niveau européen.
Le présent dossier est le dernier avatar d’une succession de projets depuis la version initiale, aujourd’hui abandonnée, sur la base de laquelle le concessionnaire a été choisi par l’Etat. On ne peut que constater qu’au fil des versions la hauteur du barrage s’élève, la longueur de la retenue et son volume augmente, le débit d’équipement s’accroît … chacune de ces variations évoluant dans un sens objectivement défavorable au Saumon.
Face à cette dérive négative, le concessionnaire présente soit des raisonnements théoriques (tels que ceux portant sur le temps de résidence des smolts dans la retenue) ou des palliatifs plus ou moins crédibles comme un engagement à effacer le barrage pendant 91 jours ou la mise en place d’un dispositif de franchissement très proche de ceux qu’il s’est montré incapable de faire fonctionner correctement depuis plusieurs dizaines d’années.
Lorsque l’on examine attentivement le projet de cahier des charges on constate alors que :
En conclusion le projet d’avenant conduit à un projet couteux (24 M€, sans doute bien davantage), à l’intérêt énergétique limité (fil de l’eau, 91 jours d’arrêt), dénué de toute contrainte réglementaire d’obligation de résultat en ce qui concerne la pérennité de la population de Saumon (cf. le projet de Cahier des charges). Les errements auxquels ce projet a donné lieu depuis presque dix ans démontrent, jusqu’à l’évidence, l’impossibilité d’un compromis. Les pouvoirs publics doivent en prendre acte, arrêter tout acharnement à Poutès et surtout réfléchir à la restauration d’un site qui n’aurait jamais du être équipé. Bien des ouvrages hydroélectriques concédés attendent une modernisation qui n’a que trop tardé et les fonds économisés à Poutès trouveraient de meilleures utilisations sur d’autres ouvrages existants situés dans des sites beaucoup moins sensibles sur le plan environnemental (la FRAPNA a de nombreuses idées en la matière).
Jacques Pulou,
Pilote du réseau régional eau de la FRAPNA.
Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes
Le Lundi 15 avril 2019
https://www.fne-aura.org/actualites/region/consultation-du-barrage-de-poutes/
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