Plaidoyer pour la nuit !

Il faut bien l’avouer, la nuit nous fait un peu peur ! Reste d’enfance ou peur ancestrale ? Cette aversion pour l’obscurité a fait que nous avons plutôt bien accueilli la débauche d’éclairages nocturnes développés par notre société moderne depuis des décennies. Il fallait bien consommer l’électricité produite jour et nuit par les centrales nucléaires qui ne dorment pas, elles !

Les éclairages, souvent très agressifs, sont partout : éclairage public avec lampadaires géants illuminant sol et ciel, illumination tapageuse des monuments jusqu’au moindre village, vitrines et enseignes allumées toute la nuit en dépit de la loi sur la pollution lumineuse, panneaux d’affichages publics ou privés, sans compter les éclairages privés qui fleurissent sur les maisons, dans les jardins, au bord des piscines… La nuit n’est plus la nuit mais est devenue un bain de lumière artificielle.

Cette disparition de la nuit n’est pourtant pas sans conséquence pour notre santé. Nos cycles biologiques calés sur l’alternance jour/nuit sont perturbés et la qualité de notre sommeil, comme de notre métabolisme, en pâtissent largement.

L’éclairage nocturne est un facteur majeur de perte de biodiversité. C’est, après les pesticides, la seconde cause de mortalité des insectes : ils meurent grillés sur les ampoules ou plus massivement d’épuisement. C’est loin d’être anecdotique, plus des trois quarts des papillons sont nocturnes. Et que dire des vers luisants qui ne peuvent plus se reproduire car la lumière verte émise par les femelles devient invisible aux mâles. Cette disparition des insectes a des effets en cascade sur les chaînes trophiques et participe à la diminution alarmante des populations d’oiseaux insectivores (pénurie de chenilles entre autres) et des chiroptères. D’autres espèces de vertébrés sont exclusivement nocturnes et dites « lucifuges », comme beaucoup de rapaces nocturnes et de chiroptères, elles sont repoussées de plus en plus loin vers des territoires encore exempts de cette pollution diffuse. Enfin, les grands migrateurs sont perturbés dans leur vol.

Il en est aussi de la beauté du monde, il devient si rare de pouvoir contempler la voie lactée et de s’émerveiller devant ces milliards d’étoiles qui nous font réaliser notre petitesse infinie.

La disparition de la nuit est une perte irremplaçable à laquelle nous ne pouvons nous résoudre, d’autant que la solution n’est pas si compliquée : l’extinction des feux ! C’est ce que font de nombreuses communes de notre région Auvergne Rhône-Alpes une partie de la nuit, généralement de 23h à 6h lorsque les éclairages publics n’ont plus guère de sens. À nous de convaincre ceux qui continuent à illuminer les étoiles que l’extinction des éclairages n’a aucune incidence sur la sécurité des personnes et peut-être bien au contraire. Les convaincre que leurs monuments sont plus beaux sous la caresse de la lune que sous un éclairage artificiel tapageur et que la voute céleste est un des plus beaux spectacles que la nature nous offre et dont nous sommes privés. Quant aux enseignes lumineuses, il suffit de faire respecter la loi me direz-vous !

Eric Feraille
Président de FNE Auvergne Rhône-Alpes

Pour aller plus loin :

• Fiche pratique – Lutter contre la pollution lumineuse : que peut faire ma commune ?
• “La nuit, je vis”, projet dédié à la protection de la biodiversité nocturne (FNE AURA)
• Pollution lumineuse : les ambassadeurs de la nuit traquent les éclairages illégaux (FNE PACA)
• le jour sans fin : près de 1600 éclairages illégaux recensés (FNE)
• Pollution lumineuse et réglementation (FNE Midi-Pyrénées)
• Jurifiche n° 24 : les nuisances lumineuses (FNE Pays de la Loire)