Aménagement en montagne : FNE Isère toujours aussi mobilisée en Oisans
Le 30 décembre 2020 et le 4 mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble a encore donné raison à notre association en prononçant l’annulation de trois autorisations d’urbanisme permettant des aménagements en montagne. Il s’agit d’un énième rebondissement dans une saga politico/judiciaire très symptomatique : le réchauffement climatique, dont les effets sont de plus en plus prégnants, ne semble avoir aucune prise sur le vent de folie soufflant en Oisans.
Politique d’aménagement de l’Oisans : retour sur une genèse douloureuse
En 2015, Huez approuve son premier plan local d’urbanisme (PLU). Son élaboration, qui a nécessité dix années d’instruction, s’est révélée particulièrement laborieuse. Une succession d’avis défavorables a contraint la collectivité à prescrire une nouvelle procédure et à « revoir sa copie ». Malheureusement, le document final ne prend toujours pas en compte les critiques dont l’avant-projet avait fait l’objet. Le PLU de 2015 prévoit la création de 4600 nouveaux lits touristiques dans une station touchée de façon très importante par une sous-occupation des lits (65 % des lits sont dits « froids »*) et dont la disponibilité de la ressource en eau potable n’est toujours pas extensible. Le document prévoit également d’aménager en discontinuité de l’urbanisation existante, un secteur situé en zone naturelle abritant une espèce protégée de papillon, le bien-nommé Apollon.
FNE Isère engage de nombreux recours pour s’opposer à cette politique d’aménagement. Notre association attaque le PLU, l’arrêté préfectoral autorisant la création des 4600 lits touristiques ainsi qu’une kyrielle d’autorisations d’urbanisme permettant les aménagements.
En 2017 et 2019, le juge donne raison aux associations, en estimant que l’ouverture à l’urbanisation de plusieurs hectares de nouveaux secteurs consacrés au logement touristique constitue une erreur manifeste d’appréciation alors que la commune est affectée par une sous-utilisation des constructions existantes (phénomène dit des « lits froids »). Globalement, il considère que le plan local d’urbanisme ne respecte pas l’équilibre voulu par la loi entre développement urbain et protection de l’environnement.
En décembre 2020 et mars 2021, le tribunal administratif de Grenoble annule trois permis de construire délivrés en 2017 à la société Vinci Immobilier pour la construction de plusieurs infrastructures touristiques dans le secteur des Bergers à Huez. Ces permis, délivrés quelques jours avant que le tribunal administratif prononce l’annulation du PLU de 2015, permettaient en très grande partie la réalisation des 4 600 lits touristiques autorisés par le préfet coordonnateur de massif en 2016. Cette autorisation ayant été annulée, le tribunal estime que les permis de construire permettant la réalisation des aménagements autorisés doivent être également annulés. Par ailleurs, l’annulation du PLU de 2015 ayant eu pour conséquence de remettre en vigueur l’ancien plan d’aménagement de zone, le juge a relevé que les permis délivrés n’étaient pas conformes au règlement de ce document.
Ces différentes victoires, qui appelaient un changement de politique dans un contexte de réchauffement climatique, laissaient espérer une prise de conscience de la part des élus des territoires de montagne.
*Lits touristiques occupées entre deux et quatre semaines par an.
Obstination des élus à défendre des ambitions d’aménagement démesurées, malgré le réchauffement climatique
Suite à l’annulation de son premier PLU, Huez adopte un nouveau document fin 2019. Ce deuxième PLU est en substance une version édulcorée du premier. Excepté l’abandon de l’aménagement de la zone naturelle des Passeaux, la collectivité n’amorce aucun changement de paradigme dans sa politique d’aménagement. Même si Huez a identifié la nécessité de diversifier ses activités pour assurer une offre “quatre saisons”, sa stratégie de développement demeure principalement fondée sur le tourisme hivernal.
Quels que soient les enjeux en présence, les choix opérés par la collectivité auront nécessairement pour objectif de promouvoir la rentabilité de la Société d’Aménagement Touristique Alpes d’Huez et des grandes rousses (SATA), dans la mesure où elle détient la majorité de son capital. En découle toute la philosophie de ce PLU qui – contrairement à ce qui est annoncé – n’a pas été élaboré dans une perspective de développement durable : il s’agit ni plus ni moins d’un “plan neige”.
Alors que le ski est un produit de moins en moins attractif[1], Huez se fixe comme objectif de retrouver une capacité d’accueil comparable à celle qu’elle a connue au milieu des années 90. Le nouveau PLU prévoit la création de 4 630 lits touristiques !
Ce document est adopté avant l’approbation du schéma de cohérence territoire (SCoT) de l’Oisans, dont le projet est également très décrié. Le SCoT Oisans n’est pas un outil de planification stratégique, dans la mesure où il ne porte aucun projet de territoire. Ce document n’est que l’agrégat des ambitions de chacune des grandes stations de l’Oisans. En juillet 2019 la commission d’enquête, organisant l’enquête publique sur le projet de SCoT, rend un avis défavorable sur le document de planification. La raison ? L’impossibilité d’atteindre les objectifs fixés par le projet de SCoT, en particulier sur le nombre de lits touristiques nouveaux à créer, ou de lits dits « froids » à réhabiliter ainsi que la faible prise en considération du changement climatique et de ses effets à court et moyen termes. A ce jour, le SCoT n’a toujours pas été approuvé.
**Le nombre de journée-skieurs diminue en moyenne de 0,8% chaque année depuis 10 ans. Au point qu’en 2018, pour la première fois, Domaine Skiable de France s’est inquiété publiquement de cette tendance en déclarant qu’il n’y avait plus de hausse structurelle.
En perspective : de nouveaux bras de fer devant la juridiction administrative
« Les associations de protection de l’environnement sont fermement décidées à tout mettre en œuvre pour inverser la tendance. L’urgence face aux effets du changement climatique ne peut plus attendre un éventuel réveil des consciences. Le changement d’approche dans les politiques d’aménagement en montagne doit s’opérer dès à présent. Une fois adoptés les documents de planification cristallisent pour les 10 / 20 prochaines années l’avenir de ces territoires » déclare Francis Odier, président de FNE Isère. C’est la raison pour laquelle, en janvier 2020, FNE Isère s’est résolue à attaquer le nouveau PLU d’Huez. Les associations craignent que le SCoT Oisans soit approuvé sans que celui-ci soit retravaillé en profondeur. Le mouvement FNE n’hésitera pas, s’il le faut, à engager de nouvelles démarches.
Affaire à suivre !
Publié par FNE Isère
Le Mardi 06 avril 2021
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