Coupes rases en forêt : « Pire qu’un crime, une faute »
Les coupes rases sont de retour en Isère. En plaine et piémont, elles étaient d'usage pour le bois de feu avant le charbon puis le pétrole. Elles reviennent en force avec le bois-énergie. En montagne les coupes industrielles nourrissaient forges et papeteries. Elles alimentent maintenant de grosses scieries standardisées. Pourtant, les forêts, par excellence lieux de nature, sont les clés d'un futur sans énergie fossile. Il est temps de les ménager.
Un crime contre la biodiversité et contre le climat
La coupe rase est destructrice de la biodiversité. Elle empêche en effet la conservation de vieux arbres et des arbres morts. Ces derniers portent l’essentiel de la biodiversité spécifiquement forestière. Pire, elle est souvent suivie d’un travail du sol et plantation. Cela équivaut à une remise à zéro de l’écosystème, au moment où il conviendrait de le diversifier pour une meilleure résilience face au changement climatique. L’atteinte est d’autant plus grave que les surfaces sont grandes. Cela amène une mécanisation démesurée avec tassement des sols et dégradation des cours d’eau. En matière climatique, la coupe rase a pour premier effet de déstocker le carbone des arbres en place. Elle libère également le carbone superficiel du sol, trop brutalement mis en lumière. Le travail du sol aggrave encore le bilan en libérant du carbone fixé en profondeur.
Une faute politique et technique
La coupe rase est une violence faite aux citoyens, et aux forestiers eux-mêmes. Voir couper une parcelle de forêt, symbole de la permanence de la nature, représente un véritable traumatisme pour de très nombreux usagers. Il y a une véritable faute politique à caricaturer ainsi l’exploitation forestière, alors que le bois doit redevenir une matière première essentielle pour l’après-pétrole. Mais c’est aussi une faute technique. Ces méthodes brutales sont loin d’être optimales pour la production future. Cela, la grande majorité des forestiers le sait et souvent le dit, avec un sentiment d’impuissance devant les logiques dévoyées de la « croissance verte ».
Pour une sylviculture responsable, appuyée sur les mécanismes naturels
Il est possible d’exploiter la forêt sans la dénaturer ! Une gestion s’appuyant sur la biodiversité est non seulement possible mais nécessaire face au changement climatique. Elle est à structurer autour d’un réseau de réserves, laissées hors exploitation comme réservoirs de biodiversité. Les parcelles que l’on a décidé d’exploiter peuvent l’être par « jardinage », c’est-à-dire par prélèvement d’arbres disséminés ou par petits groupes. Cette technique, traditionnelle en sapinière, se développe actuellement sur toutes espèces d’arbres en plaine ou montagne. Elle est fondée sur l’observation de la réaction de l’écosystème aux coupes et aux perturbations naturelles. Ainsi, elle permet d’orienter en douceur les peuplements forestiers vers un état de bon fonctionnement en adéquation avec les besoins sociétaux. La coupe est à la fois outil de façonnage des forêts et de récolte durable de bois. Elle mène à des forêts diversifiées en âges et en espèces, plus susceptibles de s’adapter aux perturbations dues au changement climatique.
Conclusion
Le réchauffement climatique va inéluctablement entraîner des mortalités importantes dans nos forêts. Cela provoquera de grandes ouvertures. Il n’est pas raisonnable d’en ajouter artificiellement par anticipation. Il est plus judicieux d’augmenter la résilience des écosystèmes forestiers existants, par des coupes progressives de diversification avec maintien d’un réseau de réserves. Cela constitue typiquement une « solution fondée sur la nature » pour la gestion multifonctionnelle de nos forêts.
Publié par FNE Isère
Le Mardi 27 avril 2021
https://www.fne-aura.org/actualites/isere/coupes-rases-pire-quun-crime-une-faute/
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