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La chasse déroge à la règle commune

En Isère, comme partout en France, les dérogations préfectorales accordées à la chasse durant le confinement ont heurté les citoyens sensibles à l’équité et à la nature. Récit d’un épisode révélateur.

Mercredi 09 décembre 2020 Biodiversité

Dès l’annonce du reconfinement, le maintien – ou non – de la chasse suscite une intense mobilisation

Les amis de la chasse sont les plus réactifs. Dès le 27 octobre, avant même le décret fixant les règles de confinement, un représentant de l’Assemblée des départements de France interpelle le secrétaire d’Etat chargé de la ruralité : « Alors que les chasseurs du département sont sollicités pour la régulation des grands gibiers, comment envisager l’arrêt brutal de la chasse en ce début de saison ? ».

Le 30 octobre, le président de la Fédération Nationale des Chasseurs communique à ses « amis chasseurs » le contenu du courrier que la Ministre de la Transition Ecologique et Solidaire se prépare à diffuser le lendemain aux préfets. Bien informé, il annonce la réunion prochaine des Commissions Départementales de la Chasse et de la Faune Sauvage (CDCFS) « pour envisager les dérogations concernant la chasse collective ou individuelle des espèces pouvant causer des dégâts aux cultures ». S’octroyant un satisfecit, il précise « tout ceci ne s’est pas fait sans mal, et avec le soutien de nos amis agriculteurs, va donc pouvoir s’ouvrir des possibilités de réguler certaines espèces (…) ».

Dans un communiqué de presse du 1er novembre 2020, le ministère confirme ce qui était annoncé : convocation rapide des CDCFS pour définir les conditions du maintien de la « régulation de la faune sauvage » avec l’objectif « d’éviter une explosion des coûts liés aux dégâts causés par le gros gibier ». Les préfets pourront autoriser les battues au sanglier et aux cervidés, « et exceptionnellement à d’autres espèces chassables dont il est démontré que le défaut de régulation peut provoquer des dégâts ».

Face aux dérogations annoncées, 6 associations iséroises de protection de la nature (FNE Isère, Environnement et Nature Sassenage, Grésivaudan Nord Environnement, Nature Vivante, Le Pic Vert, Bièvres Liers Environnement) alertent dans un communiqué de presse : « En cette période de confinement où l’accès aux espaces naturels est interdit au-delà d’un kilomètre de la résidence, il serait parfaitement injuste et discriminatoire que les chasseurs puissent poursuivre leur loisir alors que randonneurs, pêcheurs, naturalistes, contemplatifs et ramasseurs de champignons en sont privés. ».

Au-delà de la question conjoncturelle du confinement, les associations signataires contestent le terme de « régulation » qui tente de donner un rôle social et une logique d’intérêt général à la chasse, alors qu’il s’agit d’un loisir.

Le préfet de l’Isère déroge au courrier ministériel

Le scénario ne se déroule pas tout à fait comme prévu. Le préfet de l’Isère ne convoque pas la CDCFS et publie le 5 novembre 2020 l’arrêté préfectoral dérogatoire autorisant la reprise partielle de la chasse sous couvert de « régulation des espèces occasionnant des dégâts aux activités agricoles et sylvicoles ». Sans surprise, les battues aux sangliers et aux cervidés sont autorisées. Mais le préfet n’en reste pas là, il ajoute le renard, disant que celui-ci peut être tiré au cours des battues !

Les amis du renard, dont nous sommes, sont scandalisés. Car le renard n’est ni un gros, ni un grand gibier. Le renard est un auxiliaire de l’agriculture, il permet de lutter contre les petits rongeurs, en particulier les campagnols, qui eux sont nuisibles et contribuent à propager la maladie de Lyme.

FNE Isère saisit la justice

Faute de débat en CDCFS, c’est devant le tribunal administratif de Grenoble que nous défendons notre point de vue, en insistant sur le renard : rien ne justifie l’autorisation dérogatoire de tir au nom de l’intérêt général.

Le 24 novembre, le tribunal nous donne raison pour le renard dont il suspend le tir durant le confinement, mais maintient les autres clauses de l’arrêté. La préfecture fait savoir que « la régulation des sangliers et des cervidés est confirmée par le juge administratif ».

Satisfaction ponctuelle pour le renard, déception globale sur la gestion de la séquence par l’administration (ministère et préfecture).

Faire évoluer la réglementation de la chasse

Pendant cette période, chacun a joué son rôle. Les chasseurs ont défendu la chasse, nous avons défendu la nature, le préfet a appliqué la politique gouvernementale de soutien aux agriculteurs et à la chasse, le tribunal a statué selon le droit en vigueur.

Maintenant, c’est la loi et la règlementation qui doivent évoluer pour l’interdiction ferme de l’agrainage et de l’élevage du sanglier, pour que le renard soit considéré comme utile, pour que la faune ait le droit de vivre sans être réduite à l’état de gibier, pour que ses impacts sur l’agriculture et la forêt soient suivis et évalués sérieusement, pour une meilleure cohabitation entre les usagers des espaces naturels.

C’est un vaste chantier que nous demandons aux pouvoirs publics de lancer avec méthode, en donnant une large place à la concertation.

Une bonne partie de la population nous semble prête à remettre à plat une réglementation et des pratiques anciennes inadaptées aux enjeux d’aujourd’hui. Il n’y a pas ou plus de coupure forte entre un (pseudo) monde rural qui serait attaché à la chasse et un monde urbain qui y serait opposé. Les chasseurs, quand nous les rencontrons individuellement, sont souvent beaucoup plus ouverts que leurs représentants décidés à ne rien lâcher. Les chasseurs veulent continuer à exercer leur loisir, ce qui est une demande légitime à laquelle on ne peut pas répondre par une interdiction brutale, mais qui ne justifie pas un statut quo éternel.

Les dégâts causés à l’agriculture, dans certains secteurs, par la prolifération des sangliers, sont une réalité dont on ne peut se satisfaire. Il faut en rechercher les causes et apporter des solutions en imaginant d’autres voies que la chasse dans ses modalités actuelles.

Enfin, l’érosion de la biodiversité et le besoin sociétal de nature doivent conduire à réduire le nombre d’espèces chassées.

Liens vers :

Publié par FNE Isère

Le Mercredi 09 décembre 2020

https://www.fne-aura.org/actualites/isere/la-chasse-deroge-a-la-regle-commune/

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