Animateur nature : un métier
L’Éducation à l’Environnement et au Développement Durable (EEDD) est un pôle important de FNE Isère. Les animateurs offrent au public de tous âges des connaissances, un savoir et surtout un contact avec la nature, dont nous sommes souvent trop éloignés.
Au contact du public
Les publics sont variés pour les animateurs nature. Dans le cadre scolaire, ils encadrent des classes de maternelle jusqu’aux classes de lycée. Les animateurs doivent savoir adapter leurs discours et leurs activités à chaque type de public, et même à chaque groupe. Cette diversité de rencontres apporte une diversité agréable dans leur travail : aucune sortie n’est identique.
Pierre-Cédric, animateur nature à FNE Isère, nous explique son rapport avec le public. “Les interventions auprès des personnes en situation de handicap sont souvent très riches en relations humaines. Les débats et confrontations d’idées avec les adultes ou jeunes adultes sont passionnants car ils font appel au sens critique des participants et à la capacité de l’animateur à argumenter en faveur de la protection de la nature, sans être clivant. L’émerveillement des tout petits devant les choses simples de la nature est très ressourçant, tout comme l’adolescent apathique qui indique avoir passé un bon moment dans la nature. Je trouve que mon intervention est peu justifiée auprès du grand public averti, car je me considère plus comme un vulgarisateur généraliste que comme un spécialiste. A l’inverse, je pense que je ne touche pas assez certains publics : l’adulte actif et non sensibilisé concentre beaucoup d’enjeux (choix de vie, choix de consommation, capacité à agir sur la société à venir…). Dans un contexte d’urgence écologique, nous n’avons plus le temps d’attendre que les élèves de maternelle deviennent des décideurs politiques. Le public adulte difficile à toucher car ce n’est pas un public captif (comme un élève dans le cadre scolaire). ”
Cette proximité avec le public offre aux animateurs et animatrices un retour direct sur leur métier. C’est très valorisant de percevoir la satisfaction d’un groupe lors d’une sortie, que ce soit grâce à l’apport de nouvelles connaissances, à la découverte de merveilles cachées, ou simplement grâce au plaisir d’avoir passé un temps dans la nature.
Une vidéo #Onisep, réalisée par Christelle Ruzzin © Onisep 2021
Entre préparation et responsabilité
Être animateur nature, ce n’est pas seulement faire des promenades avec quelques connaissances naturalistes au fond de la poche. Les sorties demandent une préparation insoupçonnée. Théo, animateur nature à FNE Isère, nous explique les différentes étapes de construction d’une animation scolaire.
Étape 1 : rencontre avec le professeur pour discuter du thème, des objectifs pédagogiques, d’un lieu adapté et des moyens de locomotions potentiels.
Étape 2 : repérer le site quelques jours ou semaines avant la sortie, afin de prévoir la sécurité (arbre qui est tombé sur le chemin, troupeau de vaches à proximité…) et les éléments d’interprétations utiles à l’animation (rivières, arbres morts, est-ce qu’on entend des oiseaux). Parfois il faut prospecter sur plusieurs sites pour trouver celui qui sera le plus adapté à la sortie.
Étape 3 : se renseigner sur le sujet. Le professeur peut choisir un thème que l’animateur nature ne connaît pas ; dans ce cas il devra prendre le temps de se renseigner suffisamment sur le sujet pour être capable d’assurer la transmission de connaissances. Même si le sujet est connu, l’animateur doit se tenir au courant des dernières nouveautés, notamment sur les savoirs liés aux progrès scientifiques comme le changement climatique.
Étape 4 : concevoir l’animation. Il faut définir une finalité (ex : les élèves s’engageront dans la protection des insectes pollinisateurs), puis un objectif principal (ex : les élèves comprendront le rôle des insectes pollinisateurs), et enfin des objectifs opérationnels (ex : les élèves seront capables d’utiliser une clé de détermination, les élèves sauront reconnaître 5 espèces de papillons). Il faut aussi concevoir des supports pédagogiques si besoin (ex : des clés de détermination, des fiches plastifiées pour chaque espèce).
Étape 5 : faire un mail de rappel au professeur pour rappeler l’heure et le lieu de rendez-vous, les vêtements adaptés (ex : manches longues et pantalons s’il y a des tiques sur le site ; un pull ; des chaussures adaptées à la marche), et pour lui dire de prévoir de l’eau et un goûter.
Étape 6 : préparer le matériel la veille (supports pédagogiques, trousse de premiers secours) et se remémorer le déroulement théorique de l’animation.
Étape 7 : le jour J, la fonction principale de l’animateur est la transmission des connaissances sur la nature, mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. En effet, il doit aussi assurer la sécurité du groupe : pratiquer les premiers secours, appeler les urgences si quelqu’un s’est cassé une jambe, s’interposer entre un chien non tenu en laisse et un enfant, réunir le groupe lorsque des enfants courent à la rencontre d’un troupeau de vaches… L’animateur doit savoir s’adapter aux imprévus de la météo comme à différentes situations : faire une phase de discussion à l’abri en cas de canicule ou de fortes pluies, profiter d’une trace de blaireau pour parler de cette espèce, faire de la sensibilisation sur les dangers de la route si un animal est couché au bord… Enfin, il doit être à l’écoute du groupe : si les gens ne sont pas attentifs alors il faut changer d’activités, aller parler aux personnes qui s’isolent, vérifier que la difficulté physique de la sortie ne pose pas de problème, s’assurer que tout le monde a de l’eau…
Étape 8 : évaluer son animation. Il faut conserver un regard critique et penser à s’auto-évaluer constamment afin de progresser au cours du temps. Il faut se demander quels savoirs ont été apportés au groupe, si le déroulé de l’animation s’est bien passé, si l’ensemble de groupe a été attentif et intéressé. On peut d’ailleurs demander au groupe comment il a senti l’animation.
Un futur à construire
Les animateurs nature sont confrontés à certaines difficultés, mais leur métier reste primordial pour sensibiliser les publics aux questions environnementales. Quand il s’agit de sorties scolaires, l’Éducation Nationale complexifie les démarches au cours des années, une pression générale monte sur la sécurité et la forme, ce qui laisse peu de place pour les questions de fond.
Quand il s’agit de sorties grand public, de nombreuses justifications sont nécessaires auprès des financeurs, alors qu’une plus grande confiance permettrait de faire plus de sensibilisation. Pour les animateurs nature qui ne sont pas dans des associations mais dans des collectivités territoriales, il y a toujours un risque que des changements majeurs surviennent avec une possible alternance politique (tous les 5 à 6 ans), où tout est souvent à recommencer.
Par ailleurs, les animateurs doivent constamment remettre en question leurs savoirs et se tenir au courant des dernières avancées scientifiques. Jean-Luc, animateur dans l’association Jeunes et Nature, nous explique cette facette : “Mon BTS s’appelait protection de la nature, il y a 30 ans, puis les institutions nous a demandé de faire du développement durable, il y a 20 ans, et des animations biodiversité, il y a 10 ans, et maintenant on nous parle de gestion des milieux et de consommation durable. Il faut savoir remettre en question « les modes » qu’on nous demande d’enseigner, pour aller chercher les vrais questions importantes actuellement. Je participe à des conférences scientifiques (qu’est-ce que la nature fait au cerveau), des colloques (Gaia face à la théologie) et je suis aussi l’évolution de la législation et les débats théoriques et philosophiques (Philippe Descolla, Bruno Latour, Anne-Caroline Prévot, Valérie Cabanes, Émilie Hache). On trouve énormément d’écrits, cela fait partie de notre travail de nous renseigner. Au-delà de ça, je remets aussi en question les pratiques de l’EEDD. Qu’est-ce qu’on fait, pourquoi on le fait, est-ce que la connaissance de la nature est la seule bonne réponse ? On connaît les effets du changement climatique et ce qu’il faudrait faire pour stopper cette évolution. Mais rien ne change, donc la connaissance doit être associée à d’autres approches. Alors que puis-je faire en tant qu’animateur nature ? Je pense qu’il est important d’entretenir ce questionnement intellectuel permanent pour pouvoir évoluer et pas seulement suivre les injonctions et pratiques à la mode que les institutions nous demandent de mettre en œuvre…”
Un bon animateur nature…
- s’adapte : les sujets changent, les visions changent, la météo fait des siennes, chaque groupe a des demandes particulières… Aucune animation ne se répète, il faut toujours savoir s’adapter
- a des vertus de pédagogue : patience, créativité, capacité d’écoute et d’adaptation au public tout comme aux situations
- est toujours professionnel : il sait s’organiser, prévoir un « plan B », garantir la sécurité durant les sorties, conserver une bonne énergie
- reste passionné : ne jamais perdre sa curiosité de la nature, toujours croire au sens que peut avoir une action d’éducation populaire comme moyen pour aller vers un monde meilleur.
- se remet en question : à travers une auto-évaluation de ses animations, et aussi en raisonnant sur les “modes” que les institutions lui demandent d’enseigner par rapport aux autres savoirs scientifiques et philosophiques existants.
Publié par FNE Isère
Le Mercredi 01 juillet 2020
https://www.fne-aura.org/actualites/isere/animateur-nature-un-metier/
Partager