Soutenez-nous, faites un don !
Abonnez-vous à notre newsletter

— Actualités —

Un préjudice écologique réévalué à hauteur de 81 000 €

En juillet 2024, le tribunal correctionnel de Grenoble avait, suite à la destruction d’un aigle, condamné deux chasseurs. Dans le cadre de cette affaire, il avait notamment été demandé au juge de condamner les personnes mises en cause à réparer le préjudice écologique. Le montant attribué à la réparation de ce préjudice a été réévalué en mai 2025, de manière significative, en appel.

Mercredi 28 mai 2025 Juridique

Destruction par tir d’une Pygargue à queue blanche

Fin février 2024, une jeune Pygargue à queue blanche (Haliaeetus albicilla) a été découverte tuée par balle au sommet d’une crête enneigée surplombant le sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Salette (38).

Le Pygargue à queue blanche est une espèce protégée, classée en danger critique d’extinction en France. Cette espèce a refait son apparition progressivement dans le grand-est de la France à partir de 2011. En 2020, seuls trois couples de Pygargue à queue blanche nichaient dans l’hexagone. 

Pour aider l’espèce à recoloniser le territoire, il a été adopté en 2020 un Plan National d’Actions s’échelonnant jusqu’en 2029. La mise en œuvre de ce plan se traduit par des opérations de réintroduction, assurées par l’association Les Aigles du Léman. 85 Pygargues devraient être relâchés d’ici 2030. La Pygargue abattue avait été récemment réintroduite dans le cadre de ce programme.

La Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) AURA, Les aigles du Léman et FNE Isère ont porté plainte. 

Le 17 juillet 2024, le tribunal correctionnel de Grenoble a condamné les personnes poursuivies. Il a été interdit à ces personnes de chasser et de porter une arme pendant une durée de 3 ans. L’un des chasseurs a été condamné à 4 mois d’emprisonnement avec sursis. Il a été ordonné la publication du jugement de condamnation dans plusieurs journaux sur la chasse. Les personnes poursuivies ont également été condamnées à réparer le préjudice moral de différentes associations de protection de l’environnement, mais également à verser 30 000 € à la LPO AURA au titre du préjudice écologique. 

Le préjudice écologique, un préjudice pas comme les autres

Le préjudice écologique est un préjudice distinct du préjudice moral des associations. 

Lorsque les associations de protection de l’environnement se constituent partie civile dans une affaire, elles demandent systématiquement la réparation de leur préjudice moral. Toute violation de la réglementation environnementale cause un préjudice moral aux associations de protection de l’environnement agréées. Car le non-respect de cette réglementation remet en cause toutes les actions menées par ces associations dans la poursuite de leur objet social. Ce préjudice est reconnu, même en l’absence d’atteinte causée à l’environnement. Mais, cette atteinte – lorsqu’elle existe -, aggrave le préjudice moral subi par les associations. 

Le préjudice écologique vise à réparer l’atteinte à l’environnement. En cela, il se distingue du préjudice moral des associations, mais sans s’y substituer. De telle sorte qu’une association de protection de l’environnement agréée (telle que FNE Isère) peut à la fois demander la réparation de son préjudice moral devant les tribunaux et la réparation du préjudice écologique. 

En cas d’atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement, il est possible de demander la réparation du préjudice écologique. Cette demande de réparation peut émaner de l’Etat, de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), des collectivités territoriales, des établissements publics et des associations agréées de protection de l’environnement. 

La réparation du préjudice écologique doit s’effectuer par priorité en nature. Si cette réparation en nature est impossible, le juge condamne le responsable à verser des dommages-intérêts, affectés à la réparation de l’environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles, à l’Etat. 

Un pas de plus vers un chiffrage du préjudice écologique à la hauteur des enjeux 

Dans notre affaire, l’atteinte causée à l’environnement est particulièrement grave, en raison du caractère très défavorable de l’état de conservation de l’espèce. La destruction de cette Pygargue menace la survie de l’espèce toute entière ; c’est une atteinte au vivant, à la biodiversité dans son ensemble. 

C’est la raison pour laquelle il était particulièrement important, suite à cette destruction, de demander la réparation du préjudice écologique. Naturellement, il était impossible de demander aux chasseurs de réaliser une réparation en nature. Il a donc fallu chiffrer ce préjudice et décider quelle structure se chargerait de mettre en œuvre les mesures nécessaires à la réparation. 

Afin de ne pas débattre devant le juge sur l’allocation de la somme correspondant au préjudice écologique, FNE Isère a laissé le soin à la LPO AURA de formuler cette demande de réparation. Il nous semblait pertinent que cette demande soit portée par la LPO, en raison de sa participation à la mise en œuvre du Plan National d’Action en faveur du Pygargue à queue blanche.

La LPO AURA avait chiffré le préjudice écologique à hauteur de 81 000 €. Cette estimation n’avait pas été retenue par le juge de première instance, qui avait condamné les personnes mises en cause à verser uniquement 30 000 € sur ce fondement à la LPO AURA. Mais, la Cour d’appel a finalement réévalué à la hausse cette condamnation et donné une suite favorable à la demande initiale de la LPO. 

***

FNE Isère se réjouit de cette décision qui tend à faire reconnaître l’importance des enjeux attachés à la préservation de certaines espèces, qui risquent à terme de disparaître. Toutefois, elle trouve regrettable que le dispositif concernant le préjudice écologique ne permette pas à une association de demander le versement des dommages-intérêts au profit d’une autre association. En l’espèce, cela aurait permis d’allouer à l’association Les Aigles du Léman une réparation correspondant au coût de réintroduction d’un Pygargue sur le fondement du préjudice écologique. 

Enfin, il nous semblerait particulièrement important de pouvoir échanger entre associations sur la manière d’argumenter et de porter ces demandes de réparation du préjudice écologique. Et ce, afin d’inviter le juge à construire une jurisprudence cohérente et à la hauteur des enjeux en présence. 

Publié par FNE Isère

Le Mercredi 28 mai 2025

https://www.fne-aura.org/actualites/isere/un-prejudice-ecologique-reevalue-a-hauteur-de-81-000-e/

Partager


Je relaie

J'agis

Soutenez notre indépendance financière

Adhérez Faites un don

Avantage réduction d'impôts