Associations en action : la rubrique dédiée aux outils juridiques à votre disposition
Les associations peuvent agir en faveur de l’environnement. De nombreux outils de protection existent. Cette rubrique a pour objectif de vous permettre de les (re)découvrir. Focus sur l’Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope (APPB)
L’Arrêté Préfectoral de Protection de Biotope dit « arrêté de biotope », relève des espaces protégés prévus dans le cadre de la Stratégie de Création des Aires Protégées. Il se classe en catégorie IV de l’UICN en tant qu’aire de gestion, provient de l’article 4 du décret 77-1295 du 25 novembre 1977 et est aujourd’hui codifié à l’article R. 411-15 du Code de l’environnement.
C’est une mesure de protection de la nature « pleine d’avenir en raison de son caractère déconcentré »1, c’est à dire aux mains du préfet de département.
Que vise l’arrêté de protection de biotope ?
Dès qu’une espèce animale ou végétale sauvage est à protéger ou à conserver et figure sur les listes établies par arrêtés interministériels en application des articles L.411-1 et R.411-1 du Code de l’environnement2, le préfet peut prendre un arrêté de protection des biotopes.
Afin de prévenir la disparition d’espèces protégées et la destruction de certains habitats naturels, l’arrêté préfectoral fixe des mesures visant à favoriser la conservation des biotopes (aires géographiques peu exploitées par l’Homme présentant des conditions particulières et indispensables à l’existence de certaines espèces de faunes et de flore protégées). Les habitats nécessaires à l’alimentation, à la reproduction, au repos ou à la survie d’espèces protégées peuvent être alors préservés par le biais de ces mesures.
Les biotopes concernés sont variés : mares, marécages, marais, tourbières, haies, bosquets, landes, dunes, grottes, pelouses, récifs coraliens, mangroves3 ou toutes autres formations naturelles peu exploitées par l’homme. Peuvent également être protégés en tant que biotopes les « bâtiments, ouvrages, mines et carrières4(…) ou tous les autres sites bâtis ou artificiels, à l’exception des bâtiments à usages professionnels »5. Un équilibre est recherché entre protection des milieux et activités humaines avec la précision du caractère permanent ou temporaire de certaines mesures et les périodes de l’année concernées6.
Via l’adoption de mesures spécifiques, l’arrêté de protection de biotope lutte contre la disparition des espèces présentes sur le site et prévient des atteintes futures du milieu (destruction, dégradation, altération7). Peuvent ainsi être prohibés les actions pouvant porter atteinte d’une manière indistincte à l’équilibre biologique des milieux, les pollutions de toute nature, les constructions, installations, ouvrages, travaux nouveaux, exceptés ceux nécessaires à une bonne gestion du milieu naturel.
Un arrêté de protection de biotope peut également interdire certaines pratiques telles « l’écobuage, le brûlage des chaumes, le brûlage ou le broyage des végétaux sur pied, la destruction des talus et des haies, l’épandages de produits antiparasitaires »8, le retournement des sols, ou la destruction des talus et des haies mais aussi réglementer certaines activités susceptibles de nuire à la conservation des biotopes nécessaires aux espèces protégées (interdiction du bivouac ou camping, de la circulation de véhicules terrestres à moteur, de manifestation sportive, de la pêche, de la chasse…). Le non-respect de ces mesures spéciales de protection est constitutif de délits punis par les peines prévues à l’article L.415-3 du Code de l’environnement9 même si l’article R.415-1 fixe une contravention spécifique de 4ème classe en cas d’infraction aux dispositions des arrêtés de biotope10.
Qui peut l’adopter ?
L’APPB est pris par le préfet du département lorsque la protection concerne des espaces terrestres et par le représentant de l’Etat en mer11 lorsque la protection concerne des espaces maritimes.
L’arrêté ne peut être adopté qu’après avis du Conseil scientifique régional du patrimoine naturel, de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites et des communes sur le territoire desquelles le biotope protégé est situé. Les avis de la chambre départementale d’agriculture, de l’ONF, de la délégation régionale du centre national de la propriété forestière, du comité régional des pêches et des élevages marins et du comité régional de la conchyliculture peuvent être recueillis lorsque les mesures définies par cet arrêté affectent les intérêts dont ils ont la charge.
L’arrêté est ensuite affiché dans les communes concernées, publié au recueil des actes administratifs et mis en ligne sur le site internet de la préfecture, mentionné dans deux journaux régionaux ou locaux et notifié aux propriétaires concernés.
Quel rôle les associations peuvent-elles jouer ?
Les associations de protection de la nature ont un rôle à jouer dans l’établissement des APPB.
Elles apportent souvent leur soutien aux DREAL (Directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement) ou DDT (Directions départementales des Territoires) dans la définition des projets, d’où leur importance.
Ainsi, les associations peuvent intervenir à différentes étapes de la procédure.
Tout d’abord, le milieu naturel et les espèces à protéger peuvent être identifiés par un signalement externe fait par une association.
Ensuite, après instruction du dossier, un dialogue sera entamé afin de concilier au mieux les intérêts socio-économiques avec la protection des biotopes et des habitats naturels. Lors de cette étape, les associations peuvent donner leur avis afin d’améliorer cette protection.
De plus, elles peuvent de nouveau faire entendre leur voix lors de la consultation locale publique obligatoire12.
Il arrive aussi que les associations puissent intervenir après que l’arrêté soit pris par le biais du comité de suivi par exemple13.
L’exemple de l’Étang de la Ronze dans la Loire – FR3800411 :
L’étang de la Ronze se trouve à Craintilleux, au sud de la plaine du Forez. Il fait partie d’une ZNIEFF de type I et du site Natura 2000 « Étangs du Forez ». Depuis 1994, il est protégé par l’arrêté préfectoral de protection de biotope n°94-171, qui interdit toute présence humaine sur le site durant la période du 15 mars au 1er août, sous peine de verbalisation, afin d’éviter une quelconque incidence néfaste sur la reproduction et la nidification des oiseaux présents sur l’étang. Avec ses 12 hectares de superficie en eaux sur 24 hectares, ce lieu accueille en effet une des plus importantes colonies de mouettes rieuses d’Europe méridionale ainsi que 83 autres espèces d’oiseaux – dont la moitié sont des espèces protégées – 16 espèces de libellules et plus de 100 espèces végétales.
De façon complémentaire à cet APPB, une gestion particulière de l’étang est menée afin d’en préserver sa richesse. Ainsi les deux principaux objectifs de gestion sur l’étang de la Ronze sont de veiller au bon état de l’étang, en prévenant la destruction ou l’altération des ceintures de végétation, pour que celles-ci continuent d’accueillir un très grand nombre d’oiseaux et de maîtriser la fréquentation du site pour éviter le dérangement des oiseaux pendant leur reproduction. Pour observer les oiseaux tout en respectant leur tranquillité, une palissade a ainsi été construite sur le côté nord de l’étang.
Photo du Progrès / Henri MENU
L’APPB permet le maintien d’une biodiversité d’exception.
Cet outil réglementaire d’avenir incite à ce que les associations réfléchissent à un moyen de se l’approprier et de l’intégrer à leur plan d’action grâce aux inventaires qu’elles peuvent édicter au soutien de futurs arrêtés préfectoraux et au suivi des mesures qu’elles pourraient conduire.
Partout où à la nature en a besoin, vous avez la possibilité de lui venir en aide !
________________________________________________________________________________________________________
1- PRIEUR, M., BÈTAILLE, J., COHENDET, M-A., DELZANGLES, H., MAKOWIAK, J., STEICHEN, P., (2019), « Droit de l’environnement », Précis, Dalloz, 8ème édition, p. 499
2- Arrêté du 19 décembre 2018 fixant la liste des habitats naturels pouvant faire l’objet d’un arrêté préfectoral de protection des habitats naturels en France métropolitaine.
3- Article R.411-15-I Code de l’environnement
4-Dans le cas des mines et carrières, l’activité doit avoir cesser pour que l’arrêté soit édicté.
5-Article R. 411-15-II-2° du Code de l’environnement
6- Article R. 411-15-III Du Code de l’environnement
7- L.411-1-3° du Code de l’environnement
8-Article R.411-17 du Code de l’environnement
9- 3 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. Si les délits sont commis en bande organisée : 7 ans d’emprisonnement et 750 000 euros d’amende (L. 415-6).
10-En pratique, on observe que les juges appliquent l’article L.415-3 dès que le biotope abrite une espèce protégée (Crim, 12 juin 1996, Crim, 27 juin 2006, n°05-84.090)
11- Préfet maritime en métropole ou le délégué du Gouvernement pour l’action de l’État en mer assisté du commandant de zone maritime outre-mer pour les territoires d’Outre-mer.
12- Article L.123-19-1 du Code de l’environnement
13- En effet, la plupart des arrêtés de protection de biotope font l’objet d’un suivi soit directement à travers un comité placé sous l’autorité du préfet, soit indirectement dans le cadre de dispositifs tels que Natura 2000 et par appropriation par les acteurs locaux.
-
Arrêté du 8 décembre 1988 fixant la liste des espèces de poissons protégées sur l’ensemble du territoire national
-
Arrêté du 22 juillet 1993 fixant la liste des insectes protégés sur le territoire national
-
Arrêté du 23 avril 2007 fixant la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection
- Arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés sur l’ensemble du territoire et les modalités de leur protection
- Arrêté du 1er juillet 2011 fixant la liste des mammifères marins protégés sur le territoire national et les modalités de leur protection
Publié par FNE Loire
Le Mercredi 18 octobre 2023
https://www.fne-aura.org/actualites/loire/associations-en-action-la-rubrique-dediee-aux-outils-juridiques-a-votre-disposition/
Partager