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— Actualités —

PROTECTION DES HAIES : PLAIDOYER POUR LA BIODIVERSITÉ ORDINAIRE

FNE63 s’est investi depuis 2021 dans un projet d’étude de haies existantes, évaluées sur le terrain, afin de pouvoir les faire protéger. Il vaut mieux garder une haie fonctionnelle qu’en planter une et pour l’instant des haies sont toujours détruites en France. Ce projet lancé par FNE AuRA en 2020 s’appelle « Sentinelle du bocage ». Il a pu être mené jusqu’au bout dans notre département

En effet, les haies sont en train de disparaître depuis des années du fait principalement de l’évolution vers une agriculture intensive. Un mouvement avec des financements en faveur de replantations de haies est en cours, mais des haies récentes ne rendent pas les mêmes services que des haies implantées depuis des années.

Ainsi que le dit ci dessous le réseau FNE AuRA « Ménagement du territoire » dans une diapositive  :

Ceci est aussi rappelé dans un document issu du rapport d’information sur la mission « dynamiques de la biodiversité dans les paysages agricoles et l’évaluation des politiques publiques associées » p135-137 à l’Assemblée Nationale en janvier 2024, qui propose le « Pacte Haie »

Recommandation n° 50 : Inciter à l’entretien et à la conservation des infrastructures agricoles paysagères existantes héritées du passé (haies, mares, pierriers, murets en pierres sèches, etc.) au moyen d’une mesure agroenvironnementale et climatique (MAEC) spécifique, de paiements pour services environnementaux (PSE) et d’aides à l’entretien.

1) réalisation des observations

Ce projet alliant observation de terrain et action possible ensuite nous a séduits et nous a permis nous-mêmes de mieux observer les haies : il nous semble que tout le monde peut faire ce travail d’observation et de terrain, pas besoin d’être naturaliste, c’est tout l’intérêt et en même temps cela favorise une très bonne sensibilisation à la cause des haies.

Nous avons relevé des caractéristiques de haies sur place (critères de fonctionnalités, de biodiversité et paysagers) à l’aide d’une grille à remplir. Nous avons adapté l’outil sentinelle de la nature pour réunir dans un même signalement toutes les données -géolocalisation, critères, photo et texte- et « publier » les haies «à protéger» de façon à pouvoir transmettre ensuite une fiche publique aux mairies et PLU(I) concernés.

Toute la démarche est détaillée dans l’article joint (bilan 2022-2024 sentinelle du bocage dans le 63), avec le bilan des observations à la fin. Ainsi que dans le CR de la formation 2024 sur le site FNE : https://www.fne-aura.org/actualites/puy-de-dome/mobilisation-fne63-pour-les-haies/

Entre temps, tous les autres départements de FNE AuRA engagés dans ce projet ont commencé puis arrêté les observations (FNE 38, 42, 43, 03…).

Nous étions les seuls à poursuivre cette année.

Nous avons pu faire 2 formations théoriques et pratiques (2022-2024) et bénéficié de l’aide de bénévoles toujours motivés, mais tous se posaient la question : comment nos observations vont être prises en compte pour une protection efficace  et réelle ? Et nous ne pouvions pas répondre sans avoir « testé ».

2) résultats des observations

Au niveau des PLU : nous avons obtenu l’intérêt de certaines mairies. Nous avons transmis aux chargés de mission de 2 PLUI, et nous savons déjà que ces haies seront protégées en tant que :

Alignements et continuités de nature

Les alignements et continuités de nature identifiés aux documents graphiques, conjointement au titre des articles L.151-19 et L.151-23 du Code de l’urbanisme, sont à préserver ou à créer.

Les symboles employés aux documents graphiques constituent un principe de repérage et non une localisation exacte des plantations à préserver ou à créer.

En vertu de l’article R.421-23 du Code de l’urbanisme, doivent faire l’objet d’une déclaration préalable :

tous travaux (non soumis à un régime d’autorisation) affectant une continuité identifiée ;

les coupes et abattages d’arbres, à l’exception des cas prévus à l’article R.421-23-2

du Code de l’urbanisme et à l’arrêté préfectoral N°2010 du 8 février 2011.

Nous aurions préféré le classement EBC en principe davantage appliqué à des bois non linéaires et qui garantit la pérennité du boisement, mais considéré sans doute comme trop contraignant au niveau agricole, en empêchant de rendre les chemins carrossables ou d’agrandir les parcelles. (En même temps il faut savoir ce que l’on veut, les murets, fossés, talus ainsi que les « chemins creux » à la base de beaucoup de haies anciennes devraient être protégés)

Espaces boisés classés (EBC)

Les terrains boisés identifiés aux documents graphiques comme espaces boisés classés (EBC), à conserver, à protéger ou à créer sont soumis au régime des articles L. 113-2 et suivants du Code de l’Urbanisme.

En vertu de l’article R.421-23 du Code de l’urbanisme, doivent faire l’objet d’une déclaration préalable :

tous travaux (non soumis à un régime d’autorisation) compris au sein d’un EBC;

les coupes et abattages d’arbres, à l’exception des cas prévus à l’article R.421-23-2 du Code de l’urbanisme et à l’arrêté préfectoral N°2010 du 8 février 2011. (bois et forêts relevant du régime forestier, application d’un document présentant des garanties de gestion durable, coupes destinées à la satisfaction directe des besoins de consommation rurale et domestique du propriétaire, enlèvement de bois morts et d’arbres déracinés ou dangereux…).

Le classement en EBC interdit tout changement d’affectation ou tout mode d’occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création des boisements.

Ainsi, peuvent y être admis :

la réalisation ponctuelle d’accès et circulations à l’aide de revêtements perméables ;

les constructions et installations légères ;

les réseaux ;

dans la mesure où les aménagements et les travaux ne compromettent pas la préservation des boisements existants (y compris la préservation des systèmes racinaires), sous réserve de justifications avérées. Sont également admis les travaux et équipements nécessaires à la gestion forestière, à la protection et à la mise en valeur de la forêt, sous réserve du respect du Code forestier et des autres règlementations.

Le classement en EBC entraîne le rejet de plein droit de la demande d’autorisation de défrichement prévue au chapitre Ier du titre IV du livre III du Code forestier.

Actuellement les haies sont surtout inventoriées par des chargés de missions de bureaux d’études sur la base d’observations satellitaires. Jusqu’à présent, on ne visualisait qu’un linéaire sans idée de sa hauteur. Dans le cadre des PLUI qui nous concernent, on n’a que ce type d’observations et la protection est de même niveau que celle que nous obtenons. Alors que notre approche est beaucoup plus complète et que nos observations nous ont montré le mauvais état de beaucoup de haies ……

3) bilan

Nous nous posons la question de continuer cette action ou non. En effet, ces évaluations de haies intéressantes et enrichissantes prennent aussi du temps, sur place et pour y accéder, est ce au final efficace ?

Nous avons obtenu un RV à l’OFB, qui intervient en cas de destruction de haies, pour leur demander conseil.

L’OFB nous a appris qu’actuellement se déploient sur le territoire petit à petit des relevés LIDAR performants, permettant d’avoir aussi la hauteur des haies et certains inspecteurs de l’OFB ont participé à valider sur le terrain ce type de relevés.

Il nous a été suggéré de faire nos propres relevés dans un contexte plus précis sur demande en quelque sorte :

travailler avec des collectivités précises, dans le cadre d’un PLU ou PLUI ou quand il n’y en a pas, en lien direct avec la mairie, qui peut décider de protéger des haies.

travailler sur des OAP (secteurs soumis à une Orientation d’Aménagement et de Programmation), tout projet immobilier ou d’activité devant être désormais cadré sous cette forme dans un PLU ou PLUI, en lien avec les collectivités locales volontaires et proposer ce service d’évaluation.

s’associer à la réalisation des Atlas de Biodiversité Communale (les ABC) en cours, ceci ne serait possible que sous forme de projets mais pourrait permettre des financements peut être ?.

Dans tous les cas, notre projet «participatif» prend la forme d’une prestation et ceci ne correspond pas à notre mode de fonctionnement actuel totalement bénévole. D’autres associations font des prestations qui financent des salariés et c’est le cœur de leur métier, si on peut dire.

L’OFB a insisté sur un point important qui est le seul qui lui permet d’agir : le critère de biodiversité/habitat est crucial pour espérer une considération (voire protection) de certaines haies, et ceci en lien avec des espèces particulièrement protégées identifiées sur place.

Les observateurs eux mêmes peuvent avoir des compétences et indiquer les noms des oiseaux courants (nous rappelons que tous les passereaux sont protégés) on a vu des mésanges charbonnières au printemps le matin, des lézards en juillet aout, mais en octobre c’est beaucoup moins évident par temps couvert !! on peut trouver des espèces de plantes protégées dans la bande enherbée, comme des orchidées. Faire un relevé naturaliste (avec inventaire exhaustif des espèces) demande de revenir sur les lieux à différents moments, ce qui nous parait peu réaliste…et ce travail systématique sur les haies n’intéressera pas les naturalistes.

En fait quand on examine les critères de biodiversité de la grille (diversité des essences, strates, largeur, bois mort, gros bois vivant, microhabitats dans les arbres, lierre, présence d’un talus, de murets de pierre sèche, d’un fossé…..) et si on rajoute dans le texte la présence de lianes, d’insectes et d’animaux ou de leurs traces, d’une bande enherbée riche, on peut raisonner en termes d’habitats potentiels (gite et couvert..) et donc ceci suggère suffisamment la fréquentation d’insectes, de passereaux, d’animaux.

Petite parenthèse (pas forcément utile) montrant à chaque moment l’importance de l’habitat par rapport à la présence de la flore et /ou la fréquentation de la faune. Un botaniste me disait que chaque année il pouvait donner RV à une plante rare en montagne et la retrouver au jour dit dans le lieu prévu. Ne sommes-nous pas émerveillés au printemps de voir apparaitre petit à petit des plantes banales depuis l’héllébore puis la scille et l’anémone sylvie dans les bois, l’anémone pulsatille sur les coteaux ensoleillés, les jonquilles en altitude et partout les violettes et les stellaires dans les prés et parfois même dans des lieux improbables comme des trottoirs un peu fendus? La nature est forte et peut s’installer dès que certaines conditions sont disponibles, au bon endroit et au bon moment. De même l’ornithologue identifie un oiseau, lors de son passage fugace, autant par ses critères corporels, son cri et et son vol que par la probabilité de sa présence à ce moment et à cet endroit.

Toutes ces observations prévisibles sont à chaque fois une petite source de bonheur.

Ceci nous amène à parler « compensations » dernière chose à faire en cas d’aménagement sur un site riche en biodiversité (séquence ERC ; Eviter Réduire Compenser)……

Bref que dit-on quand on prévoit l’implantation de géothermie profonde sur un site où a été vue la pie grièche grise ? Projet porté par la société TLS aujourd’hui disparue (probablement incluse dans la société Arvern Group qui sévit sur notre département avec des permis de forages un peu partout).

Si on regarde la proposition : on va simplement créer un nouveau site riche en biodiversité et en habitats susceptibles daccueillir la pie grièche grise, mais aussi en fait toute la biodiversité « ordinaire » ? il n’est pas prouvé que la pie grièche revienne, et ce ne sera certes pas vérifié, l’aménagement sera terminé depuis longtemps !!

Nous sommes allés sur le site de référence des compensations :

https://uicn.fr/wp-content/uploads/2016/09/Etude_Compensation_UICN_France.pdf, petit focus :

LA COMPENSATION ÉCOLOGIQUE

ÉTAT DES LIEUX & RECOMMANDATIONS

2011

« La compensation est un mécanisme qui ne doit intervenir qu’après la mise en place de mesures d’évitement et de réduction des impacts initialement identifiés, son principal fondement est, a minima, la non-perte nette de biodiversité mais doit plutôt viser un gain net de biodiversité ».

RECOMMANDATIONS ET PROPOSITIONS D’ACTIONS

Pour une démarche de compensation écologique efficace, l’UICN France a établi plusieurs recommandations suivantes, qui sont accompagnées de propositions de pistes d’actions pour faciliter leur application.

RECOMMANDATION N° 5 : AMÉLIORER LA PRISE EN COMPTE DE LA BIODIVERSITÉ ORDINAIRE, DES CONTINUITÉS ÉCOLOGIQUES ET DES SERVICES ÉCOSYSTÉMIQUES

Les mesures compensatoires sont établies la plupart du temps, en fonction des atteintes portées aux espèces et aux habitats remarquables ou protégés. Pourtant, la biodiversité ordinaire est également impactée par les différents projets d’aménagements. Or, elle est indispensable au bon fonctionnement des écosystèmes et donc à la survie des habitats ou des espèces plus emblématiques.

Les atteintes à la biodiversité ordinaire et au fonctionnement des écosystèmes doivent être prises en compte dans les mesures compensatoires. Cela permettra, en outre, de proposer des mesures compensatoires pour la restauration et la création des continuités écologiques dans le cadre de la mise en place de la Trame verte et bleue.

Notre grille met en évidence la possibilité pour la haie d’accueil de la biodiversité ordinaire « indispensable à la survie des espèces les plus emblématiques »…

En fait cette nécessité d’identifier des espèces emblématiques pour protéger un site est un piège quand toute la biodiversité ordinaire est en grand danger (diminution des insectes, des oiseaux, des mammifères sauvages). Nous avons compris que les recours juridiques dont nous disposons sont basés sur cette biodiversité emblématique. .Il faut absolument que la « biodiversité ordinaire » remplace la notion de « biodiversité emblématique » si on veut progresser dans la protection de la nature. L’OFB pourra agir plus efficacement.

CONCLUSIONS au choix !!

Conclusion un peu trop pessimiste : devant utilité nulle, on cesse ces observations, qui prennent du temps et consomment du CO2 si on n’est pas à pied ou en vélo. Le contexte n’est pas encourageant !

l’OFB notre garant, en difficultés !!!.

https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/biodiversite/enquete-franceinfo-l-office-francais-de-la-biodiversite-cette-police-de-l-environnement-qui-perd-du-terrain-face-au-monde-agricole_6816017.html

Diminution des financements pour la protection de la nature : des salariés des APNE, des subventions pour le « Pacte haie », qui passent de 110 M euros à 30 M Euros. D’un autre coté, Par ailleurs, la fédération nationale de chasse, agréée pour la nature et soutenue financièrement, construit des «maisons de la chasse et de la nature» et propose du soutien à la plantation de haies (programme « Sensibilis’haie »).

Conclusion idéalement (Didier) : nous avons un rôle de sensibilisation fédérateur à FNE, Il est essentiel de garder ce rôle d’acteur obstiné compétent dans les domaines nature, juridique, formation, sensibilisation. Un noyau dur reconnu doit subsister. Pour entrainer et entraider. La biodiversité ordinaire est notre survie.

«Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas a déjà perdu». B Brecht

Conclusion plus optimiste : elle va arriver on l’espère…

AT

Publié par FNE Puy-de-Dôme

Le Jeudi 05 décembre 2024

https://www.fne-aura.org/actualites/puy-de-dome/protection-des-haies-plaidoyer-pour-la-biodiversite-ordinaire/

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