Auprès de mon arbre…
Au pied de notre arbre, nous vivrons encore heureux si nous ne le quittons jamais plus des yeux !
Nous prenons avec une certaine brutalité conscience de l’impact du réchauffement climatique sur nos forêts. Des arbres que nous pensions invulnérables succombent brusquement sous les assauts de la sécheresse et des températures estivales caniculaires. L’an passé, faisant suite à 2 années sur 3 de sécheresse et canicules, a été particulièrement dévastateur. L’épicéa et le sapin rougissent massivement sous l’effet des attaques de scolytes sur des arbres terriblement fragilisés par la sécheresse. Le pin sylvestre ne vaut guère mieux… Côté feuillus, l’ambiance n’est pas à la fête non plus ! Le hêtre dépérit dans le quart Nord-Est à une vitesse qui surprend tout le monde. Le chêne pédonculé, arbre dominant de nos campagnes et de nos forêts, souffre lui aussi. Le châtaignier déjà fortement éprouvé par les maladies, comme l’encre, disparaît peu à peu des Basses Cévennes.
Est-ce à dire que la forêt française, puissant symbole de la nature pour nous tous, est condamnée à disparaître à brève échéance ? Heureusement non, la forêt possède une forte capacité de résilience. Tout d’abord, certaines essences, comme les hêtres, arrivent à survivre en dehors de leur éco zone, tels ceux de la Sainte Baume dans le Var, de la Massane dans les Pyrénées Orientales ou encore ceux de la forêt de Valbonne dans le Gard. D’autre part, certaines essences de résineux (comme le pin maritime) ou de feuillus (comme les chênes sessiles et surtout pubescents) ou les tilleuls sont très résistants à la sécheresse et à la chaleur. Enfin, si l’on prend garde à ne pas ouvrir la canopée de manière trop importante, les températures sous les frondaisons restent dans des limites qui permettent la régénération naturelle. Une étude suisse montre que les plans locaux ont en eux le capital génétique qui leur permet de s’adapter à des conditions plus difficiles. De plus, une forêt diversifiée en essences et en étages résiste bien mieux à l’adversité qu’une monoculture en brosse à dents.
Aussi, le bon sens voudrait que l’on :
- évite le remplacement tous azimuts de nos essences indigènes par des arbres exotiques (Pins de Douglass, Cèdres de l’Atlas, Eucalyptus…) qui ne révèleront pas tout de suite leurs faiblesses ou leurs excès,
- cesse l’exploitation par coupe rase qui dégrade terriblement les sols et expose le sol forestier aux rayons brûlants du soleil, détruisant les précieux semis et la vie grouillant de la litière et des premiers centimètres de sol,
- arrête les méthodes de régénération intensive basées sur un éclaircissement massif.
Nous pouvons encore apprendre à utiliser des méthodes de gestion forestière plus douces. Exploiter seulement les plus beaux arbres devenus matures en évitant les grandes trouées dans la canopée, parfois renoncer à l’exploitation sur des sols en pente au substrat mince et exposés plein Sud. Nous pouvons encore favoriser la régénération naturelle en laissant le geai des chênes (encore classé nuisible !) assurer sa tâche de plantation et les grands prédateurs faire leur office de dispersion des ongulés sauvages…
Nous pouvons surtout bannir les monocultures de résineux exotiques (Douglas) ou indigènes (pins maritimes), qui un jour ou l’autre seront transformés en brasiers incontrôlables et n’ont de forêt que le nom !
La connaissance avance et nous indique que les solutions fondées sur la nature sont potentiellement les meilleures ! L’interventionnisme forcené n’est plus que l’expression de la vanité d’un Homo sapiens qui pense encore pouvoir tout contrôler.
Au pied de notre arbre, nous vivrons encore heureux si nous ne le quittons jamais plus des yeux !
Eric Feraille
Édito newsletter mensuelle FNE AURA
Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes
Le Jeudi 29 juin 2023
https://www.fne-aura.org/actualites/region/aupres-de-mon-arbre/
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