SCoT de Maurienne : à la recherche de la cohérence
Attaqué par les associations dont France Nature Environnement, le Schéma de Cohérence Territoriale (SCoT) de Maurienne est remis sur l’ouvrage. Les travaux ont permis de renouer les fils du dialogue avec les élus… mais la nouvelle mouture du SCoT nous semble toujours… incohérente !
A la suite du recours déposé contre la première version du SCoT de Maurienne par France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes et Savoie avec le soutien de Mountain Wilderness (Valloire Nature Environnement et l’Association Aussois Avenir ont déposé parallèlement d’autres recours), l’association Vivre et Agir en Maurienne, bien que ne faisant pas partie des requérants, a beaucoup œuvré pour partager sa connaissance du territoire. Ainsi, le document a dû être entièrement repensé.
Histoire d’une annulation
Le 1er document a d’abord fait l’objet d’un référé suspension partiel concernant certaines Unités Touristiques Nouvelles (UTNs) le 9 avril 2021. Le jugement annulant la totalité du SCoT est intervenu le 30 mai 2023. Une décision importante : elle fera jurisprudence sur d’autres projets de territoire mal ficelés et sans ambition.
A la suite de la décision de justice, le Syndicat de Pays de Maurienne (en charge du SCoT) a décidé d’une part de faire appel de la décision de première instance (délibération du 28 juillet 2023) ; d’autre part d’initier un nouveau document, reprenant essentiellement le volet Tourisme et rajoutant, contrairement au premier document, la prise en compte du chantier Lyon Turin Ferroviaire (délibération du 22 juin 2023).
FNE 73, Mountain Wilderness, VNEA et la FFCAM ont demandé à être associées à la construction du nouveau document.
Le Syndicat du Pays de Maurienne a relancé les études, en conservant tous les volets du premier sauf en ce qui concerne le tourisme et les UTN.
A la demande des services de l’Etat, un volet très important a été rajouté : le Grand Chantier du Lyon Turin.
Un diagnostic biaisé
Comment les élus voient-ils la Maurienne ? Leur diagnostic, c’est :
- Un territoire au cadre exceptionnel mais en recul démographique avec un vieillissement important des habitants ;
- Un territoire aux économies dynamiques mais qui perd de son influence à l’échelle savoyarde ;
- Des économies touristique, agricole, industrielle confrontées au réchauffement climatique et à la raréfaction des ressources ;
- Un territoire impacté par les effets du Lyon Turin ;
- Un territoire avec des offres d’habitat et de mobilité lacunaires qui ne répondent pas aux besoins quotidiens des habitants.
La longue vallée de la Maurienne (120 kms), axe de passage transfrontalier, territoire agricole, industriel, touristique est en perte de vitesse. La population continue de diminuer et vieillit. Les 15-29 ans ne représentent plus que 14 % de la population contre 24 % en 1982.
La mobilité est dominée par l’usage de la voiture et l’offre ferroviaire se dégrade.
Le tissu économique est dynamique mais en recul par rapport au reste de la Savoie.
Fort bien, mais quelles sont les causes de ce déclin ? Aucune étude n’apparaît dans le diagnostic. Le chantier du Lyon-Turin par exemple semble subi, voire, dans une moindre mesure, un atout pour la Maurienne.
Langue de bois
Les principaux enjeux sur lesquels va se décliner le PAS (Projet d’Aménagement Stratégique) concernent le maintien des filières industrielles, commerciales, artisanales, touristiques, l’amélioration du transport, du logement, les carrières, l’adaptation au changement climatique et… le chantier du Lyon Turin.
En bref, la situation de la vallée de la Maurienne, par rapport au premier SCoT, n’a cessé de se dégrader et nous aurions aimé savoir pourquoi (puisque le Grand Chantier « doit créer plein d’emplois », les stations sont “florissantes”…).
Le projet d’aménagement stratégique doit donc augmenter l’attractivité du territoire pour inciter les jeunes à rester, voire faire revenir ceux qui sont partis. Mais d’autre part, la population étant vieillissante, il faut maintenir les services publics (santé, transports… ) adaptés et à proximité.
Pour bâtir le projet, les élus doivent faire avec ce qui s’impose : le recul démographique, le vieillissement, le contexte législatif avec par exemple la loi Zéro Artificialisation Nette (ZAN), le réchauffement climatique, le changement des modes de consommation et de production.
Ce qui est souhaité par les élus dans 20 ans, c’est : un territoire au cadre attractif et préservé qui réponde aux nouvelles demandes des habitants, des visiteurs et des entreprises ; qui conforte ses atouts patrimoniaux et son identité dans un développement équilibré ; qui engage les transitions nécessaires pour s’adapter au réchauffement climatique ; qui réponde aux besoins des habitants, des touristes et des entreprises, dans une gestion raisonnée et partagée des ressources ; et… un territoire qui bénéficie des retombées socio-économiques du Lyon Turin.
Vaste programme. Et beaucoup de langue de bois. Ainsi pour évoquer les carrières qui ré-ouvrent et s’agrandissent, les élus parlent de “La terre comme ressource”…
En ce qui concerne le tourisme hivernal et les pistes à trouver pour diminuer progressivement le poids du tout ski, pas d’anticipation. Les bouleversements climatiques méritent une réflexion plus globale à l’échelle du territoire.
Assumer le Lyon-Turin… ou pas
Mais surtout, l’énorme chantier du Lyon-Turin qui devrait perdurer 10 ans minimum pour le grand tunnel et 10 autres années pour les accès dont une partie se trouve en Maurienne, n’a pas été suffisamment pris en compte. Il devrait pourtant impacter le nouveau SCoT sur toute sa durée.
En ce qui concerne le logement, les employés du Lyon Turin arrivent sans que rien n’ait été anticipé. Il y a une vrai tension, qui par ricochet, pose des problèmes aux stations.
Il y aura aussi des tensions en matière d’emplois, de commerces, en matière d’accueil général de cette nouvelle population….
Dans les documents diagnostic et PAS, rien non plus sur les effets cumulés de la pollution industrielle, de la circulation des camions (chantier + Fréjus + fermeture du Mont Blanc). Peu ou pas de prise en compte des mesures nécessaires pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
En conclusion, l’attractivité du territoire est vantée mais les élus en charge du SCoT et les techniciens qui les accompagnent considèrent la présence du Chantier Lyon-Turin comme imposée.
Ils n’ont pas compris que les solutions sur le territoire devraient être trouvées par eux avec la population de l’ensemble de la Maurienne. L’argent de la politique Grand Chantier ne devrait pas servir à subventionner une luge d’été à La Norma.
Nous sommes, à nouveau, confronté à un SCoT qui n’a pas de réelle ambition de territoire.
Pour l’instant tout au moins. A suivre la traduction concrète de ces axes dans le prochain Document d’Orientation et d’Objectifs, dont on attend la présentation au mois de février…

Publié par FNE Savoie
Le Jeudi 16 janvier 2025
https://www.fne-aura.org/actualites/savoie/scot-de-maurienne-a-la-recherche-de-la-coherence/
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