Projet de création d’une retenue d’altitude dans le massif de Beauregard – Avis de FNE Haute-Savoie
Contribution de France Nature Environnement Haute-Savoie à la concertation du public dans le cadre du projet de création d’une retenue d’altitude de 148000m³ au lieu-dit La Colombière dans le massif de Beauregard.
La commune de La Clusaz a décidé de lancer une concertation préalable du public dans le cadre du projet de création d’une retenue d’altitude de 148000m³ au lieu-dit La Colombière dans le massif de Beauregard.
France Nature Environnement Haute-Savoie s’étonne qu’une telle initiative ait pu être prise indépendamment du processus en cours de révision du SCoT Fier-Aravis, cela d’autant plus que la question de la gestion de l’eau dans le projet de SCoT arrêté a fait l’objet de sérieuses réserves. Pour mémoire, nous rappellerons :
- celle du Comité de Massif qui a assorti son avis favorable d’une réserve concernant «l’analyse des besoins en eau potable générés notamment par l’accueil de nouveaux habitants et l’augmentation des capacités d’hébergement touristique»;
- celle de l’Autorité Environnementale recommandant de «construire un diagnostic approfondi de la gestion quantitative de l’eau sur une période annuelle complète dans le but de réinterroger si nécessaire certains projets touristiques qui en l’état n’apparaissent pas compatibles avec une gestion durable de la ressource en eau»
- celle du commissaire-enquêteur (réserve 4/5 sur la gestion de l’eau) qui considère que «des compléments besoins/ressource devront être apportés dans l’évaluation environnementale.
Pour France Nature Environnement Haute-Savoie, l’examen de l’opportunité du projet de retenue du Bois de la Colombière doit s’inscrire dans le cadre d’une réflexion intercommunale qui prenne en considération les autres projets de retenue sur le territoire du SCoT maintenus dans le projet de révision par la CCVT après enquête publique:
- retenue collinaire sur le Danay (dans le cadre de l’UTNs N°4 – liaison inter-stations par le Danay)
- retenue de 30000m³ dans le cadre de l’UTNs N°6 – projet d’aménagement du versant est du Lachat.
Sans préjuger des conclusions d’un nécessaire réexamen du projet dans le cadre d’une approche globale et intercommunale, France Nature Environnement Haute-Savoie souhaite néanmoins soumettre à la concertation les remarques suivantes:
1. Une interrogation de fond sur le calibrage du volume de la retenue projetée
Comme l’a remarqué l’Autorité Environnementale, le volume de 148000m³ est considéré «comme un paramètre invariable et intangible», ce qui a pour conséquence de biaiser l’analyse multi-critères et de conduire à la conclusion de l’absence d’une solution alternative à la création de la retenue du Bois de la Colombière.
Dans la mesure où La Clusaz possède déjà quatre retenues collinaires1 (Crêt du Merle 26000 m³– Plan du Lachat 144000m³ depuis 2013 – Beauregard-La Ferriaz 41000m³ – L’Étale 43 000m³), il semble légitime de s’interroger sur la nécessité absolue pour la commune d’en programmer une cinquième. Sachant que les 2/3 du volume de cette dernière devraient être dédiés à la production de neige de culture, il apparaît clairement que c’est en faisant varier le curseur des nouvelles surfaces enneigées artificiellement (33ha, voire même 41ha) que l’on doit mener la réflexion et l’ouvrir à la recherche de solutions alternatives. Il n’est certainement pas trop tard pour le faire puisque l’estimation des besoins en eau potable de la commune porté à 50000m³ s’inscrit à l’horizon 2040. Mais cela passe évidemment par la définition d’une autre stratégie touristique que celle développée dans le SCoT arrêté et à laquelle la commune de La Clusaz reste manifestement attachée.
2. Une crainte sur les conséquences de la mise en œuvre du projet quant au fonctionnement hydrologique du territoire concerné
L’Autorité environnementale souligne l’absence ou l’insuffisance des études concernant les prélèvements en eau (en particulier le captage de la Gonière) et leurs impacts environnementaux sur les cours d’eau (ruisseau du Nom, ruisseau de La Patton et Nant des Prises).
France Nature Environnement haute-Savoie alerte donc sur le risque qu’il y aurait à réaliser la retenue du Bois de la Colombière sans solide garantie que sa mise en service n’irait pas altérer le bon fonctionnement hydrologique du territoire concerné.
3. Une localisation du projet très problématique compte tenu de la richesse environnementale du site
Plusieurs contributions à la concertation ont déjà mis l’accent sur cette dimension du projet: il est situé dans l’immédiate proximité de nombreux zonages réglementaires ou d’inventaires, témoignage de la richesse environnementale du site. Nous ne reviendrons pas sur le nombre et la qualité des espèces faunistiques dans la zone d’étude et nous nous limiterons à rappeler le nombre exceptionnellement élevé des habitats dans l’emprise du projet: 5 habitats d’intérêt communautaire dont un prioritaire et 6 habitats caractéristiques des milieux humides.
La mise en place dans le projet d’une séquence Éviter Réduire Compenser de bonne qualité ne suffit pas à rassurer: il est avéré que l’emplacement de la retenue engendrera des dommages à des habitats remarquables ainsi qu’à la biodiversité associée, sur une surface non négligeable.Notre inquiétude porte également sur les effets possibles de la réalisation du projet sur la tourbière de Beauregard dont la grande valeur écologique n’est plus à démontrer. Les résultats des observations faites à la demande du pétitionnaire durant l’hiver 2019-2020 nous semblent fragiles et la mesure de suivi envisagée n’aurait d’autre efficacité que de constater a posteriori des impacts déjà effectifs sur la tourbière.
Pour France Nature Environnement Haute Savoie, la protection et la préservation de cette tourbière sont des impératifs absolus qui devraient exclure toute prise de risque en matière d’aménagement.
4. Un nouveau projet à rebours des préoccupations générées par le changement climatique
Les impacts du projet sur les consommations énergétiques et le climat sont analysées de manière beaucoup trop succincte. Le dossier d’autorisation environnementale conclut à un niveau potentiel faible en phase d’exploitation sur l’argument que la distribution depuis la retenue de l’eau s’effectuera gravitairement limitant ainsi les consommations énergétiques. Mais le public ne reçoit aucune information concernant les consommations énergétiques nécessaires pour alimenter la retenue de la Colombière en eau depuis le captage de la Gonière, puis pour remonter les m³ d’eau de la retenue qui seront évaporés dans un contexte marqué par le réchauffement climatique et la contraction des ressources en eau.
De même, est-il indispensable aujourd’hui de donner au citoyen une visibilité réelle sur le surcroît de consommation énergétique généré par l’augmentation des surfaces enneigées artificiellement rendue possible par la multiplication des projets de retenue collinaire.
Conclusion
En conclusion, France Nature Environnement Haute-Savoie émet un avis défavorable sur le projet soumis à la concertation du public. Elle souhaite que l’opportunité du projet et plus globalement la question de la création de nouvelles retenues collinaires puissent être réexaminées dans le cadre d’une démarche intercommunale donnant clairement la priorité à la lutte contre le changement climatique, à la réduction de la pression exercée sur la ressource en eau et à la préservation de la biodiversité.
Photo d’illustration : retenue collinaire La Clusaz (www.ski-aravis.com)
Publié par FNE Haute-Savoie
Le Samedi 06 février 2021
https://www.fne-aura.org/communiques/haute-savoie/projet-de-creation-dune-retenue-daltitude-dans-le-massif-de-beauregard-avis-de-fne-haute-savoie/
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