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— L'essentiel —

Nos positions sur la micro hydroélectricité

Lundi 19 novembre 2018 Énergie

UNE OPPOSITION REFLECHIE

Le parc hydroélectrique français produit environ 2% de l’énergie consommée en France, dont
un peu plus de 10% sont produits par plus 2000 petites centrales privées (90% reviennent aux 400 usines concédées appartenant à l’État) soit 0,2%. Un accroissement de 50% de ce parc, tel qu’il est malheureusement préconisé par les pouvoirs publics, représenterait 0,1% de notre
approvisionnement énergétique. En matière hydroélectrique, la France fait figure de privilégiée et nombre de pays qui disposent de beaucoup moins n’en sont pas moins beaucoup plus avancés dans la transition énergétique : économies d’énergie et énergies renouvelables.

L’hydroélectricité étant une technologie mature, fiable et très tôt automatisée, l’exploitation requiert peu d’emplois (un des secteurs où le nombre d’emplois créés rapporté au chiffre d’affaire ou à l’investissement est le plus faible). Les effectifs spécifiques à l’hydraulique sont dans les bureaux d’étude et chez les constructeurs électromécaniques, leur marché est situé à l’international et la rénovation de nos milliers de sites suffit amplement comme vitrine (par exemple en optimisant sous le double plan énergétique et environnemental les sites existants).
Dépourvues de réservoirs d’accumulation et fonctionnant au fil de l’eau, les petites-centrales,
produisent une énergie fatale, variant avec les débits (les débits moyens mensuels varient
couramment de 1 à 10 dans l’année et de 30%, en plus ou en moins, d’une année à l’autre). Au
contraire des puissantes usines concédées de lacs ou d’éclusées, elles n’offrent que des garanties limitées d’intervention et ne contribuent ni à la sécurité du réseau (défaillance de production thermique, intermittence des renouvelables ou encore rupture de ligne) ni à assurer les pointes de consommation.

Localement, la production variable voire défaillante (crue, étiage, incident) des micro-centrales
n’évite aucunement le recours au réseau. Souvent isolés (en montagne par exemple) sur des
territoires ayant de faibles besoins en énergie, l’inévitable exportation de leur production se traduit surtout par des pertes.
L’accroissement du parc de petites centrales ne correspond à aucun besoin énergétique, la modestie de sa contribution éventuelle et son intérêt limité indique que l’on peut en faire l’économie sans regret ni conséquence.

Chaque petite centrale comprend un barrage déterminant à son amont, un remous d’autant
plus important que la pente est faible : le cours d’eau vif et courant se transforme en un plan d’eau calme, sensible à l’eutrophisation et diminuant la capacité épuratoire… Dès qu’il dépasse quelques dizaines de centimètres, un barrage constitue un obstacle infranchissable pour nombre d’espèces piscicoles. L’ajout d’ouvrages de franchissement adaptés, lorsque le maitre d’ouvrage y consent, n’est pas toujours la panacée car ces ouvrages sont parfois peu efficaces et le défaut d’entretien peut annihiler la meilleure des solutions même lorsque des conditions optimales sont réunies, leur efficacité ne peut être comparée à l’absence de barrages. De nombreux ouvrages anciens sont impossibles à équiper et plusieurs mouvements migratoires sont difficiles à assurer pour certaines espèces (dévalaison de l’anguille par exemple).

Fonctionnant au fil de l’eau, dépourvues de réservoir important en montagne, les petites centrales perturbent peu l’hydrologie des cours d’eau à leur aval mais la recherche de grandes hauteurs de chutes conduit à dériver leur eau souvent sur des kilomètres, déterminant entre le barrage et la  restitution un long tronçon court-circuité (TCC) dans lequel règne, plusieurs mois par an, un étiage artificiel. Un débit dérivé important suffira à le rendre quasi perpétuel en limitant les déversées au barrage. Bien entendu depuis 1984 et la Loi « Pêche », un débit réservé significatif parcourt obligatoirement le TCC des centrales construites depuis lors, mais le débit plancher légal est souvent inférieur aux étiages naturels du cours d’eau : les microcentrales imposent à nos cours d’eau des débits qu’ils n’ont jamais connus! Cette réduction de débits entraîne élévation de la température, perte d’habitat, gène des déplacements migratoires, modification de la végétation riveraine, etc.

L’impact d’une petite centrale est sans commune mesure avec celui d’une centrale de lac de forte puissance ou d’une usine fluviale au fil de l’eau comme sur le Rhin et le Rhône. Mais si on rapporte cet impact au cours d’eau ou au site aménagé, la comparaison devient alors possible. Prenons par exemple, la gestion des sédiments bloqués derrière un petit barrage, le volume est faible comparé aux sédiments prisonniers dans les grands ouvrages de montagne… mais l’évacuation de ces quelques centaines de m3 lors d’une opération de chasse colmatera un petit cours (e.g. 1 m de large) sur des kilomètres d’une boue asphyxiante et parfois toxique suivant les activités humaines présentes à l’amont.

quelque peu la partie en faveur de la biodiversité. Cependant, les lois sont insuffisantes.
L’état des lieux établi pour SDAGE 2016-2021 dans le bassin Rhône Méditerranée constate que 69% des cours d’eau risquent de ne pas atteindre le bon état exigé par la DCE. 49% de ces cours d’eau le devront aux modifications morphologiques, 46 % à la perte de continuité écologique et 36%aux perturbations hydrologiques : trois impacts reconnus des petites centrales qui ne sont évidemment pas seules en cause.

Pourquoi un résultat si décevant ?

En oubliant la mauvaise application des Lois et une délinquance assez fréquente et peu réprimée, la raison profonde de cet échec tient aux effets cumulatifs dus à une prolifération des ouvrages artificialisant nos cours d’eau. Deux exemples parmi d’autres :
1) on admet que cinq ouvrages de franchissements successifs correctement installés et bien
entretenus réduisent à néant toute possibilité de migration pour certaines espèces,
2) dans le choix du débit réservé, les méthodes basées sur la modélisation de l’habitat en fonction du débit, lorsqu’elles s’appliquent (petits cours d’eau de pente moyenne, quelques espèces de poissons), ont une précision limitée. Leur utilisation consiste généralement à sélectionner le débit qui ne réduira l’habitat que de 20% environ et davantage pour les espèces ou les stades les plus exigeants… Soumises à un tel grignotement au fil des aménagements nouveaux qui se succèdent le long de leur cours, il n’est pas si étonnant que nos rivières soient dans un tel état.

Pourquoi cette course absurde vers l’anéantissement de nos rivières se poursuit-elle ?

Son origine réside dans la rente que constitue l’obligation d’achat payée par tous les consommateurs à travers la CSPE1 mais aussi dans l’image favorable de l’hydroélectricité en tant que source d’énergie respectueuse de l’environnement. Les distributeurs d’électricité souhaitant verdir leur offre sont friands de ces kWh et souhaitent les acquérir auprès des producteurs. L’hydroélectricité est aussi attirante pour les communes rurales souvent démunies de tout autre revenu. La fiscalité locale y est souvent renforcée par une rente assise sur le chiffre d’affaires (5 % dans un projet récent) que certains usiniers consentent aux communes pour s’attacher leurs bonnes grâces. Cet intérêt est plus rarement lié aux emplois créés, leur nombre étant limité et leur localisation distante : 1 à 2 personnes suffisent pour exploiter une poignée de micro-centrales dans un rayon de quelques
dizaines de kilomètres.

Comment parler de gestion équilibrée de la ressource quand l’hydroélectricité a réalisé au moins 90% de son potentiel de développement en France au détriment de nos cours d’eau ? Comment parler de gestion durable en réalisant toujours plus d’hydroélectricité alors même que l’état des deux tiers de nos cours d’eau est d’ores et déjà préoccupant ?

Jacques PULOU, membre du directoire du Réseau Eau de FNE et Pilote du Réseau Eau de la FNE AURA, membre du Comité de Bassin Rhône Méditerranée.
Contact : Jacques.pulou@wanadoo.fr

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Lundi 19 novembre 2018

https://www.fne-aura.org/essentiel/region/micro-hydroelectricite/

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