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— Nos avis —

5G : l’antenne qui cache les récifs

La croissance rapide et illimitée des communications mobiles entraîne une hausse continue et insoutenable de consommation d’énergie. La 5G s’inscrit dans une orientation vers la société numérique incompatible avec les valeurs de FNE.

Jeudi 26 novembre 2020 Énergie Villes et territoires

Pourquoi FNE s’intéresse à la 5G ?

Après une procédure d’enchères, le gouvernement a attribué récemment des fréquences 5G à des opérateurs de télécommunications. Depuis le 18 novembre, la 5G est activée en France et va se développer progressivement dans les centres urbains.

Les télécommunications et, au-delà, la numérisation jouent un rôle considérable dans nos sociétés sur l’économie et l’emploi, l’industrie, la vie sociale, la culture et l’éducation, la démocratie.

Du point de vue climatique, le Shift Project, organisme indépendant dont les chiffrages techniques font référence, estime dans son rapport 2018 que « le numérique émet aujourd’hui 4 % des gaz à effet de serre du monde (…) cette part pourrait doubler d’ici 2025 ».

La 5G relance les discussions et craintes autour des conséquences sur les humains et les autres animaux des rayonnements électromagnétiques induits par les réseaux de communication mobile.

Des enjeux sociétaux, environnementaux et sanitaires sont posés. Un groupe de travail est en place au sein de FNE national en vue de produire une note de positionnement. Une réflexion a été menée par le conseil d’administration de FNE Isère en octobre et novembre, avec consultation de professionnels impliqués dans le domaine 5G.

Le déploiement de la 5G favorise la hausse de la consommation d’énergie du numérique

L’augmentation de l’offre de flux de données créera l’augmentation de la demande et des flux, de même que la création d’une autoroute favorise l’augmentation du trafic routier. C’est l’effet rebond souvent constaté dans de nombreux domaines. La 5G offre des gains d’efficacité pour le débit (moins d’énergie requise à flux constant), mais ceux-ci seront contrebalancés par l’augmentation des flux.

D’ailleurs, la finalité annoncée de la 5G n’est pas de faire des économies d’énergie. Il s’agit d’accompagner la croissance des volumes de données transportées et d’éviter la saturation des réseaux. Pour cela, le déploiement de la 5G demandera des investissements significatifs sur la densification du réseau d’antennes et le renouvellement du parc de smartphones. Il y aura aussi des consommations accrues d’énergie pour faire fonctionner les réseaux, échanger et stocker de gigantesques volumes de données.

L’approche systémique, qui doit s’imposer pour toute évaluation environnementale, interdit de différencier la technologie et ses usages. Il faudra donc inclure dans le bilan énergétique de la 5G tous les usages encouragés, qu’ils soient nouveaux ou dans la continuité de l’existant : « dans le train, ne pas rater une miette de sa série télévisée préférée ; vivre des expériences immersives de réalité virtuelle », Internet des Objets, voiture autonome, domotique, surveillance et pilotage des réseaux, télémédecine, etc.

Au vu des enjeux énergétiques, climatiques et des technologies existantes, l’urgence est de s’engager sur la voie de la sobriété numérique, non de déployer la 5G.

La société numérique ne correspond pas à nos valeurs

FNE protège le vivant, propose des solutions fondées sur la nature et connaît les bienfaits de l’immersion dans la nature. Pour stopper l’érosion de la biodiversité et la surexploitation des ressources, nous savons bien qu’il est impératif de réduire nos consommations dans tous les domaines. Pour protéger les humains et nos biens communs que sont les Sols, l’Air, le Vivant et l’Eau, nous pensons que la voie démocratique est indispensable et nous y participons.

En revanche, la société numérique, connectée, telle qu’elle est imaginée par ses promoteurs, en particulier les grands opérateurs de télécommunication, développe la virtualisation. Elle prétend nous affranchir des contingences terrestres : l’attachement à un territoire, la localisation dans l’espace et dans le temps.

Dans la société numérique, le contrôle, sous toutes ses formes, tient une large place. La 5G, avec ses temps de réponse à la milliseconde, peut être utile à des applications de contrôle rapide à distance. La technologie permet l’extension du contrôle aux systèmes et écosystèmes les plus complexes : la ville, le trafic, la divagation des animaux, la circulation des humains, la qualité de l’air, etc. Par exemple, un opérateur de télécommunications nous promet « la multiplication de capteurs pour un monitoring généralisé de la pollution, du bruit, de la température, de l’humidité, etc.» Les craintes sur la contribution du numérique à des fins de contrôle de la population et de restriction des libertés ne peuvent pas être évacuées d’un revers de main.

Même expurgé des excès marketings, le discours technophile sur la 5G montre l’orgueil d’une société qui n’a pas renoncé à dominer la Terre et les éléments.

Le syndrome de la grenouille

Il n’est pas facile d’avoir un avis sur la 5G alors que nous sommes tous utilisateurs et souvent grands consommateurs de communication mobile. Le syndrome de la grenouille illustre bien la situation présente :

Plongez la grenouille dans l’eau chaude, elle sursaute et se sauve. Mettez là dans l’eau froide et chauffez doucement, elle ne sent rien et meurt.

La 5G est une amélioration continue, ce n’est ni la première ni la dernière innovation en matière de société numérique. Si on ne regarde que la 5G, on peut conclure « rien de grave ». Mais si on se dit que l’on baigne dans l’eau tiède et que l’on raisonne globalement sur tout le processus de chauffage de l’eau (l’évolution de la société sur le temps long), alors il est temps de sonner l’alerte et de donner d’autres orientations au travail créatif de nos ingénieurs.

Comment orienter l’évolution technique pour qu’elle constitue un progrès sociétal et environnemental ?

Un préalable évident est de renforcer le débat public autour de l’évolution technique et de la notion insaisissable de « progrès ».

Il convient ensuite de respecter les instances indépendantes chargées d’éclairer les décideurs et l’opinion, en particulier :

  • la Convention citoyenne pour le climat dont la demande de moratoire a malheureusement été ignorée
  • L’ANSES qui publiera son rapport sur les risques sanitaires alors que le déploiement sera bien avancé
  • les associations environnementales qui sont légitimes à interpeller les autorités sur les objectifs poursuivis et les conséquences probables

Les controverses sur le « progrès » technique n’ont rien de nouveau. Elles sont d’autant plus tenaces et insolubles qu’il est impossible de prévoir les usages qui seront faits des futurs outils à notre disposition. Raison de plus pour en discuter sereinement, guidés par la trajectoire qui nous paraît souhaitable pour le monde vivant.

Contact : pour consulter une revue de presse pluraliste sur la 5G de septembre à novembre 2020, pour participer à nos réflexions sur le « progrès » technique, s’adresser à isere@fne-aura.org

Pour aller plus loin – extraits documentaires :

Rapport de France Stratégie, octobre 2020 – Maîtriser la consommation du numérique : le progrès technologique n’y suffira pas

https://www.strategie.gouv.fr/publications/maitriser-consommation-energetique-numerique-progres-technologique-ny-suffira

« Si la consommation énergétique nominale de la 5G par unité de trafic (exprimée en Watt par bit) devrait être largement optimisée, la consommation globale de la 5G dans les faits devrait être bien supérieure à celle de la 4G. ».

Cf pages 71 et suivantes « Les effets rebonds liés au développement des usages » 

Conclusion générale – extrait : « Le progrès technologique est souvent cité comme solution à cette croissance de la consommation énergétique du numérique. Or, si le progrès technologique est réel sur le segment des réseaux télécoms, il ne constitue pas un moyen suffisant pour diminuer effectivement l’empreinte énergétique de ces réseaux. En effet, l’augmentation des débits disponibles, qui reste actuellement le principal objectif du progrès technologique, provoque par effet rebond une explosion du trafic internet, qui fait réaugmenter la consommation.

(…) Ce n’est qu’en acceptant de reconnaître l’impuissance de la seule technologie à atteindre les objectifs de maîtrise de la consommation énergétique du numérique, que seront développées les politiques publiques pertinentes, c’est-à-dire celles centrées sur les usages et l’éco-conception. »

Livre Blanc « Pour que vive la nature », mai 2020, rédigé et signé par 14 ONG, dont FNE

Pour que vive la nature : le guide pour agir de 14 ONG | FNE

Extrait du résumé exécutif : « Cette crise sanitaire révèle donc une crise bien plus globale, systémique, qui remet en cause les modes d’exister humains actuels fondes sur une hyper-consommation de biens et d’énergies, des circulations massives et irraisonnées de biens et de personnes, la persistance d’inégalités ainsi que la destruction continue et généralisée des biens communs et de l’écosphère aux profits d’intérêts privés de court terme.

Pour les associations de connaissance, protection et éducation à la biodiversité, la seule manière d’éviter qu’adviennent d’autres crises de même ampleur est de définir une nouvelle trajectoire collective et globale. Il s’agit tout à la fois, par des politiques coordonnées et volontaristes, d’améliorer l’état de l’écosphère et d’assurer une vie meilleure à l’ensemble des humains.

La sobriété doit être au cœur de cette nouvelle trajectoire, qui doit se construire sur la biodiversité et les solutions qu’elle nous offre. Restaurer dès à présent les fonctionnalités écologiques permettra d’anticiper les crises environnementales et leurs effets délétères en diminuant la vulnérabilité de nos sociétés et de nos économies et en augmentant nos capacités communes de résistance et de résilience. Imaginer et, surtout, mettre en œuvre concrètement une autre manière d’habiter la Terre, une société réconciliée avec la nature, plus juste, plus solidaire, plus consciente de nos limites et de celles de notre planète constitue un immense défi que nous sommes tous invités à relever. »

  • Convention citoyenne pour le climat – rapport final, juin 2020, version corrigée octobre 2020, page 156 : « Dans une logique d’écoconception des services, nous proposons d’évaluer les avantages et les inconvénients de la 5G par rapport à la fibre avant et non après avoir accordé les licences pour son développement mais aussi d’initier/conseiller à l’utilisation de la solution la moins impactante pour l’environnement. Instaurer un moratoire sur la mise en place de la 5G en attendant les résultats de l’évaluation de la 5G sur la santé et le climat. »

FNE, communiqué du 29 septembre 2020 : Attribution des fréquences 5G : citoyens plutôt que cobayes !

https://www.fne.asso.fr/communiques/attribution-des-frequences-5g-citoyens-plutot-que-cobayes

« Mardi 29 septembre marque une étape décisive dans le dossier 5G avec le lancement officiel par l’ARCEP de la procédure d’enchères des fréquences, permettant aux quatre opérateurs déjà assurés d’obtenir un accès minimal à la 5G, d’acquérir plus de fréquences. Côté société civile, cette date symbolise l’incapacité de l’Etat à respecter les règles qu’il s’impose à lui-même en matière d’environnement et à tenir compte des attentes de la société.

France Nature Environnement, PRIARTEM et Agir pour l’Environnement plaident pour un véritable débat public et appellent les citoyens et les maires à amplifier la mobilisation afin de bloquer le développement de la 5G tant qu’une évaluation sérieuse n’aura pas été conduite dans les règles de l’art.»

Rapport gouvernemental, Conseil Général de l’Environnement et du Développement Durable, septembre 2020

« La 5G utilisera tant des bandes de fréquences « anciennes » et déjà connues (700 MHz par exemple) que des fréquences nouvelles qui lui sont dédiées, comme la bande autour de 3,5 GHz, et par ailleurs, à terme, la bande autour de 26 GHz, qui sont des parties du spectre encore largement disponibles. (…)

La bande 3,5 GHz sera déployée pour répondre à la croissance du trafic de données (environ 50 % par an) et au problème de capacité des réseaux mobiles dans les zones urbaines denses.

Les opérateurs interrogés évoquent un manque de ressources attendu vers 2022 en France, avec un risque de baisse de la qualité de service pour l’utilisateur.

La bande 26 GHz, caractérisée par une faible propagation et une mauvaise pénétration à l’intérieur des locaux, sera, selon toute vraisemblance, déployée dans un second temps en France, de manière très ciblée pour couvrir des zones limitées à fort trafic (hot spot) probablement majoritairement pour les entreprises (usines 4.0, …) et marginalement pour le grand public (par exemple stades ou terminaux de transport).»

Publié par FNE Isère

Le Jeudi 26 novembre 2020

https://www.fne-aura.org/nos-avis/isere/5g-lantenne-qui-cache-les-recifs/

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