Crise agricole : notre courrier à Madame la Préfète
Madame la Préfète,
Nous avons assisté avec sidération à la pièce de théâtre politique qui s’est déroulée entre les dirigeants nationaux de la FNSEA, le Président de la République et le nouveau Premier Ministre. Ces derniers se sont empressés de donner des gages aux dirigeants de ce syndicat et ils ont été prompts à renier des années d’avancées dans la protection de la santé des populations, dans la protection de la biodiversité des milieux terrestres et aquatiques. A l’heure où infertilité, cancers et maladies chroniques explosent dans la population, où un tiers des foyers français reçoivent au robinet une eau non conforme pour cause de métabolites de pesticides, où plus de 80% de la biomasse d’insectes volants et 60% des oiseaux des champs ont disparu en quarante ans, où 70% des haies qui constituaient des réserves de biodiversité et des remparts contre l’érosion des sols ont disparu depuis 1950 et que le phénomène s’accélère encore avec la destruction de plus de 23 000 km de haies par an, ce volte-face du gouvernement est extrêmement préoccupant car il obère l’avenir.
Nous ne sommes pas dupes de cette poussée de fièvre qui se renouvelle avant chaque nouvelle élection dans les Chambres d’Agriculture. Il s’agit à chaque fois de mettre en scène les enjeux de pouvoir entre les différentes puissances syndicales. L’État, une fois de plus, sert à tort les intérêts des dirigeants nationaux de la FNSEA et avec eux des grands groupes industriels, au détriment de la grande masse des agriculteurs, dont nous reconnaissons aisément les difficultés financières et la perte de sens dans leurs métiers. Nous savons et nous comprenons que beaucoup de revendications des agriculteurs sont légitimes mais en aucun cas celles contre-productives qui s’attaquent aux normes environnementales et aux normes sanitaires.
Nous agissons pour l’intérêt général, pour la nature, l’environnement et la santé humaine, cela s’avère jour après jour et de plus en plus tellement lié. Notre motivation sort encore renforcée par ces coups de boutoir politiques. Nous savons, Madame la Préfète, que nos objectifs primordiaux se rejoignent avec ceux des services de l’État dont vous avez la responsabilité : protéger les milieux et les hommes.
FNE au niveau national agit en ce sens auprès du gouvernement, des parlementaires, de l’Europe pour alerter l’opinion et les responsables politiques tandis qu’au niveau régional, nous restons très mobilisés sur nos priorités : qualité de l’eau, quantités d’eau, zones de non traitement, zéro artificialisation nette, protection des sols, protection des zones humides, protection des haies etc.
Nous avons été révoltés par les dommages dont vos administrations ont été victimes : dépôts de fumiers devant les préfectures, incendie d’un bâtiment de la DREAL, dégradation des locaux de l’Agence de l’Eau Loire Bretagne, attaques contre les agents de l’OFB. Je vous remercie, Madame la Préfète, de transmettre à tous ces personnels toute notre sympathie. Les serviteurs du service public ont toute notre considération.
Nous condamnons les violences, d’où qu’elles viennent. Il est primordial et même vital pour la démocratie de les combattre, la justice doit pouvoir en toute indépendance faire respecter le Droit. Nous ne pouvons que déplorer l’asymétrie de traitement : manifestations pour la plupart pacifiques de citoyens qui défendent le bien commun durement réprimées et qualifiées d’écoterrorisme d’un côté ; de l’autre, des dégradations, des menaces contre les personnes encadrées avec retenue et même bienveillance par les services d’ordre. Cela montre, s’il en était encore besoin, la connivence entre le gouvernement et les dirigeants nationaux de la FNSEA où la population et la nature sortent une fois de plus perdantes de ce marché de dupes.
Pour finir, nous souhaitons discuter avec le monde agricole, mais avec les vrais acteurs de l’agriculture (et non les représentants d’industriels), avec les chambres d’agriculture, les Jeunes Agriculteurs, la Confédération paysanne et la FRAB AURA, qui sont à même de comprendre les enjeux de l’agriculture de demain et de prendre en considération les questions graves de l’environnement et de la santé humaine.
Je vous prie d’agréer, Madame la Préfète, l’expression de mon profond respect.
Michel Jarry
Président de France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes
Copies :
DREAL
DRAAF
OFB
Agence de l’Eau Bassin Rhône-Méditerranée
Agence de l’Eau Bassin Loire Bretagne
Agence de l’Eau Bassin Adour Garonne.
Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes
Le Mardi 06 février 2024
https://www.fne-aura.org/nos-avis/region/crise-agricole-notre-courrier-a-madame-la-prefete/
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