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— Nos avis —

FNE AURA et la méthanisation

Bien qu'intéressant, il faut toutefois définir les cadres d'emploi et bien cerner les limites et les difficultés du procédé.

Vendredi 09 novembre 2018 Agriculture Énergie

Position FRAPNA sur les filières de méthanisation

Note élaborée conjointement par le Réseau Régional Environnement Santé Pollutions Industries et Risques (le RESPIR) et le Réseau Agriculture Régional (le RAR) de la FRAPNA et approuvée par le Conseil d’Administration de l’Union Régionale FRAPNA le 24 février 2016.

La FRAPNA, tout comme FNE, considère que la méthanisation peut être un procédé intéressant permettant à la fois de valoriser l’énergie et la matière organique des substrats. Toutefois, il est nécessaire de bien définir les cadres d’emploi et de bien cerner les limites et les difficultés. Nous rappelons que la priorité doit être donnée aux économies d’énergie, à la prévention de la production de déchets et à la préservation de la fonction alimentaire des terres agricoles. La FRAPNA et FNE portent une attention particulière à la solidité économique des projets et à leur dimensionnement.

Aussi dans le cadre de la transition d’un mix énergétique dépendant des énergies fossiles vers un mix énergétique majoritairement composé d’énergies renouvelables à l’horizon 2050, la FRAPNA et FNE soutiennent le développement de la production de biogaz par la méthanisation sous certaines réserves quant à
la mise en œuvre.

Concernant l’approche territoriale et le dimensionnement des projets

Les unités de méthanisation doivent s’inscrire dans une approche territoriale et locale à gouvernance ouverte, s’adapter aux caractéristiques locales de gisements et de débouchés pour l’énergie et le digestat (diagnostic du territoire), et respecter le principe de proximité pour limiter les transports et contribuer à l’autonomie énergétique des territoires.

Les installations doivent être très éloignées des habitations, pour ne pas que les nuisances (surtout olfactives) ne perturbent le voisinage qui risquerait sinon de s’opposer au projet pour ce seul motif.

Des observatoires (ou cellules) biomasses régionaux doivent être créés afin de sécuriser les approvisionnements et pour éviter que les différentes unités entrent en concurrence les unes envers les autres. Ces observatoires auront pour missions d’évaluer les plans d’approvisionnement, de suivre la mobilisation de la biomasse et de prévenir les conflits d’usage entre unités. Leur gouvernance devra intégrer la société civile dont les associations de protection de l’environnement (missions indemnisées à obtenir).

Concernant les substrats qui peuvent être digérés dans les méthaniseurs

Il est important que les sources de biomasse d’un méthaniseur soient diversifiées. Cela permettra un fonctionnement plus régulier et d’ajuster au mieux l’efficacité de la méthanisation.

Il est également important que les contrats d’approvisionnement soient durables. La défaillance dans un contrat peut mettre en difficulté la viabilité de l’unité et peut contraindre l’exploitant à aller chercher les substrats plus loin. Position FRAPNA sur les filières de méthanisation ­ 24/02/2016 1. L’utilisation des pailles pour la méthanisation ne doit pas rentrer en concurrence avec l’approvisionnement en litière des élevages, ni avec la couverture du sol agricole par des résidus de cultures destinés à le protéger et à nourrir les organismes du sol (techniques sans labour).

Dans le cas des déchets ménagers et assimilés, seuls les biodéchets triés à la source peuvent alimenter le digesteur. Le tri-mécano-biologique est donc à proscrire (ordures ménagères résiduelles en mélange).

La FRAPNA est favorable à la méthanisation des boues de stations d’épuration (STEP)
à condition que les composts issus des digestats contenants des métaux lourds et
des micro-polluants n’aient pas d’usage agricole.

La FRAPNA s’oppose à l’utilisation de cultures principales dédiées à la méthanisation et de ce fait à l’attribution de tout soutien public pour ces cultures.

Concernant la valorisation des digestats

La FRAPNA souhaite que les digestats retournent à la terre à condition qu’ils soient
issus d’intrants propre et de qualité. Ils peuvent être soit épandus tels quels, soit compostés afin de produire un compost de bonne qualité (normé). Les débouchés doivent être connus et bien identifiés.

Les composts contenant des boues de STEP susceptibles de contenir des métaux lourds et des micro-polluants, doivent trouver des utilisations paysagères ou horticoles, mais doivent être écartés d’une utilisation agricole. En cas d’épandage, il faudra être vigilant à la pollution de l’air par l’azote ammoniacal. En effet, l’azote ammoniacal sortant du méthaniseur est certes minéralisé, donc plus facilement assimilable, mais moins stable que l’azote organique entrant (plus rapidement nitrifié en dioxyde d’azote et nitrates et donc volatil et lessivable). Le digestat doit donc être injecté ou enfoui lors de l’épandage à moins que l’azote n’ait été stabilisé en amont.

De plus, avec la méthanisation, une fraction du carbone de la matière entrante dans le digesteur est transformé en méthane (CH4) et donc non restituée au sol lors de l’épandage du substrat.

Les matières organiques du sol constituent le réservoir de carbone organique le plus important, devant la biomasse des végétaux. Les pertes de carbone du sol remettent en cause leur fertilité naturelle et conduisent à leur érosion. L’apport de digestat riche en azote, mais pauvre en carbone, favorise les perte de l’humus des sols et leur érosion par la destruction du complexe argilo-humique. Il est primordial d’enrayer ce processus, et de veiller à un retour du carbone au sol suffisant pour palier la diminution de l’humus du sol qui elle aussi contribue à augmenter les émissions de
gaz à effet de serre.

L’augmentation du stock humique doit donc passer par une politique de restitution des résidus de culture, et si possible par l’implantation de cultures intermédiaires et couvert permanent et le maintient des surfaces fourragères pérennes de longue durée.

Enfin, l’utilisation de ces effluents ne doit pas entraîner une augmentation globale des apports organiques et minéraux (N, P, K) qui ne seraient pas directement assimilables par les cultures concernées.

Position FRAPNA sur les filières de méthanisation ­ 24/02/2016 2 À noter qu’il ne faut pas que les surfaces d’épandage soient en zones en excédent structurel dites zones vulnérables nitrates (cf. directrice nitrates) et aucune zone Natura 2000 ou zone humide ni aucun périmètre rapproché de protection de captage ne doit être inclus dans le plan d’épandage.

Concernant la valorisation du biogaz

Là aussi, le principe de proximité doit être respecté et le choix du type de valorisation doit se faire en fonction des possibilités locales : injection dans le
réseau de gaz naturel, utilisation en chaudière, biométhane carburant ou cogénération.

La solution qui reçois notre plus fort soutient est celle de l’injection dans le réseau de gaz naturel, car cela vient en substitution direct de ressources fossiles. La solution de cogénération (électricité et chaleur) ne devrait être envisagée que si la chaleur est effectivement utilisée sur l’ensemble des périodes de production (été comme hiver).Un projet ne doit pas avoir comme seule raison d’être la production d’énergie (ex. ferme des milles vaches où les vaches sont juste un prétexte).

Concernant les émissions de gaz à effet de serre

Par l’adoption en 2013 de la décision 529/2013/EU, l’Union européenne rend obligatoire pour les États membres la mise en place d’une comptabilité de leurs émissions/absorptions de gaz à effet de serre, intégrant les variations des stocks de carbone des sols.

Pour la FRAPNA, les projets de méthanisation doivent tenir compte de ce dispositif réglementaire. Les unités de méthanisation doivent donc présenter un bilan énergétique net positif, permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre. L’ensemble du système de production de biogaz doit être évalué, prenant en compte les flux de carbone dans les sols, la production d’énergie ne doit pas se faire au détriment de la capacité des sols agricoles à séquestrer le carbone.

Les installations de méthanisation doivent pouvoir présenter de très sérieuses garanties de qualité, en particulier sur le taux de fuite très faible de méthane dans l’atmosphère. La qualité de l’exploitation et de la maintenance est également primordiale pour assurer la permanence de ces taux de fuites très bas. Le méthane étant un puissant gaz à effet de serre, tout relâchement de ce gaz dans l’atmosphère contribue à rendre le bilan écologique de l’installation problématique.

Concernant la maîtrise des risques, des pollutions et des nuisances

Une unité de méthanisation est une installation industrielle qui de ce fait est soumise à la réglementation des installations classées et donc à des dispositions pour limiter au maximum les risques et nuisances chroniques ou accidentels.

Position FRAPNA sur les filières de méthanisation ­ 24/02/2016 3 Une attention toute particulière devra être portée sur le choix du site d’implantation. En effet la question à résoudre est particulièrement difficile car devant répondre simultanément à plusieurs critères : la zone de chalandise des déchets à traiter ; la zone de valorisation agricole des sous produits ; la valorisation du biogaz (proximité d’un réseau existant de gaz où se raccorder ou d ‘utilisation de la cogénération)… sans oublier la nécessité que l’installation soit implantée très loin de toute zone d’habitation et même de zones d’activités artisanales ou commerciales. Seule une « zone industrielle » permettant explicitement l’activité de traitement de déchets peut être acceptable.

Quelque soient les dispositifs et équipements mis en place, une unité de méthanisation présentera toujours des risques accidentels notamment de surpression, voire d’explosion et sera toujours source de nuisances (notamment olfactives).

L’émergence d’une culture du risque par les exploitants est donc nécessaire. Les exploitants et leur personnel doivent donc être formés aux risques (risques de fuites, risques d’explosions, risques sanitaires et biologiques), à la prévention de la pollution de l’air et des sols et des eaux, et à la prévention des nuisances en amont du projet et tout au long de l’exploitation de l’unité de méthanisation.

Il est important qu’un bilan gaz à effet de serre soit produit pour garantir la qualité du projet : l’unité ne doit pas produire plus de gaz à effet de serre qu’elle n’en évite par la valorisation du biogaz. De plus, l’agrosystème doit être étudié dans son ensemble et les études doivent comporter un bilan humus détaillé garantissant que la qualité du sol sera préservée.

Point de vigilance : Pour réduire les volumes de digestats transportés, ces derniers sont souvent concentrés, soit par osmose inverse, soit par évaporation.

L’ammoniaque étant très fortement volatil, il peut se transformer en gaz ammoniac si aucun procédé de stabilisation n’est mis en œuvre. Le procédé de stabilisation et les précautions prises pour éviter les pertes d’ammoniac doivent être précisés dans tout projet. Pour rappel, l’agriculture est la principale source de pollution de l’air par le gaz ammoniac…

Documents de référence :
Cette position FRAPNA sur les filières de méthanisation s’inspire largement des documents suivants :

Note de positionnement de FNE sur la méthanisation
FNE a adoptée une note de positionnement sur la méthanisation en 2015 intitulée « Positionnement de FNE sur la méthanisation : quels enjeux et quel développement souhaitable ? » cf. également leur synthèse bibliographique sur les enjeux de la méthanisation (décembre 2014)

Fiche sur la méthanisation de la FRAPNA
Une fiche sur la méthanisation a été annexée au guide du représentant FRAPNA en
CODERST.

Complément du Réseau Agriculture Régional de la FRAPNA (le RAR)
Le RAR a développé la réflexion sur la thématique agricole de la méthanisation dans
une note de synthèse complémentaire.

crédit photo :  Domaix Energie

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Vendredi 09 novembre 2018

https://www.fne-aura.org/nos-avis/region/methanisation-position-frapna-fne-aura/

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