Note de doctrine « solaire photovoltaïque »
Atteindre la neutralité carbone en 2050 nécessite un développement massif des énergies renouvelables, notamment le solaire photovoltaïque. Pour éviter de graves atteintes à l’environnement, ce développement doit être planifié et ne doit pas se faire ni n’importe comment ni n’importe où.
Préambule
La présente note a pour objet de présenter les grands principes du positionnement de FNE AURA au sujet des projets de production d’électricité photovoltaïque. Elle ne préjuge pas de la position qui sera prise concernant les différents projets particuliers qui, au regard de leurs contextes et spécificités propres, font toujours l’objet d’un examen au cas par cas.
Elle a été élaborée par un groupe de travail comprenant des représentants des différentes associations FNE départementales de la région Auvergne-Rhône-Alpes[1].
Elle a vocation a être diffusée autant que de besoin, tant en interne au niveau de FNE qu’en externe auprès des administrations, collectivités et porteurs de projet.
NB : Le positionnement ici présenté est fondé sur la situation actuelle, qui est susceptible d’évoluer rapidement dans les années qui viennent. Il devra donc être réexaminé et le cas échéant, révisé autant que de besoin si cela apparaît nécessaire.
Atteindre la neutralité carbone en 2050 nécessite un développement massif des EnR, notamment le solaire photovoltaïque
Plusieurs études prospectives récentes ont cherché à identifier et préciser les différents scénarios permettant à la France d’atteindre la neutralité carbone en 2050[2]. Ces scénarios diffèrent sur de nombreux points, notamment l’évolution des comportements (sobriété), l’arrêt et/ou le renouvellement de la production nucléaire ou le niveau de réindustrialisation pris en compte. Néanmoins, toutes convergent sur quelques conclusions majeures :
- une baisse très importante (-30% à -50%) de la consommation totale d’énergie finale est nécessaire[3];
- du fait du quasi-abandon des énergies fossiles (pétrole, gaz, etc.), la part de l’électricité dans la production totale d’énergie va devoir considérablement augmenter[4]. De ce fait, bien que la consommation totale d’énergie baisse fortement, la production d’énergie électrique ne diminue pas et peut augmenter, sauf dans des scénarios de modification radicale et contrainte des comportements[5].
- les énergies renouvelables seront majoritaires dans la production d’énergie électrique. Parmi celles-ci, les deux plus importantes sont en premier lieu l’énergie éolienne, en second lieu l’énergie solaire photovoltaïque, qui représenteront à elles deux entre 65% et 90% de la production totale d’électricité[6].
- pour ce faire, la capacité de production d’électricité photovoltaïque (environ 10 GWc en 2020) devra être multipliée par un facteur 10 à 20 d’ici à 2050[7], soit un rythme d’équipement 2 à 4 fois plus rapide que celui constaté ces dernières années.
Il est donc clair que, si l’on souhaite atteindre la neutralité carbone en 2050, quelles que soient les évolutions par ailleurs (notamment en matière de sobriété ou de nucléaire), il est nécessaire de développer la production d’électricité photovoltaïque de façon massive. Cette nécessité est encore renforcée si l’on souhaite sortir du nucléaire, ce qui est le cas pour FNE.
Pour éviter un développement anarchique générateur d’atteintes graves à l’environnement, ce développement doit être planifié
On a pu constater ces dernières années l’émergence de nombreux gros projets d’installations photovoltaïques au sol, liés pour l’essentiel à l’opportunité d’un foncier qui semblait adéquat aux porteurs de projet (disponibilité foncière, absence de contraintes trop coûteuses, absence supposée d’opposition des riverains, etc.). Le caractère trop souvent opportuniste et anarchique de ce développement présente de graves inconvénients, en particulier :
- en matière d’impacts sur l’environnement, la phase « Éviter » de la séquence « Éviter, Réduire, Compenser » (ERC), pourtant essentielle et qui suppose de rechercher en premier lieu les sites de moindre impact environnemental, est quasi-inexistante ;
- les projets sont le plus souvent conçus sans réelle prise en compte des capacités de raccordement du réseau et des impacts générés par le raccordement[8], et se développent majoritairement loin des zones de consommation[9];
- l’absence de réelles concertations à l’amont avec les acteurs locaux intéressés génère des oppositions et des contentieux dommageables (coûts, délais, etc.).
Pour sortir d’une telle situation, qui n’est bonne pour personne, une planification territorialisée du développement des EnR est nécessaire aux différents niveaux territoriaux (région, département, communes et intercommunalités) afin de :
- préciser, à un niveau plus opérationnel et territorial, l’ampleur et le rythme du développement nécessaire pour l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, en cohérence avec les objectifs nationaux ;
- identifier les priorités et les dispositions permettant un moindre impact sur l’environnement (règles, sites prioritaires, sites à éviter…) ;
- permettre une concertation très à l’amont des projets avec tous les acteurs aux différents niveaux.
Des initiatives en ce sens ont déjà été engagées, et les évolutions législatives et réglementaires récentes devraient considérablement renforcer ce mouvement :
- un comité régional de l’énergie devrait être mis en place très prochainement[10];
- des comités départementaux de la transition énergétique ont été mis en place ces trois dernières années dans certains départements[11], à l’initiative des préfets. FNE AURA souhaite que de tels dispositifs d’évaluation et de concertation soient mis en place dans tous les départements ;
- les comités de suivi des PCAET[12] permettent une vision à l’échelle des intercommunalités ;
- dans les 18 mois à venir, les communes devront identifier des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables, dont les installations photovoltaïques, après une concertation du public[13].
Même si ces dispositions et leur mise en œuvre restent à préciser (décrets d’application en attente) et sont perfectibles, ces évolutions sont bienvenues et FNE AURA fera son possible pour y contribuer de façon active et constructive.
Ce développement ne doit pas se faire n’importe comment et n’importe où
Une démarche d’évaluation environnementale solide qui conduise à une absence de perte nette de biodiversité
Les impacts possibles sur l’environnement d’une installation de production d’électricité photovoltaïque au sol sont multiples et pas toujours bien connus, en particulier en ce qui concerne la biodiversité[14]. Dans tous les cas, il y a lieu de mettre en œuvre de façon réelle et sérieuse la démarche « Éviter, Réduire, Compenser » (ERC), c’est à dire chercher en premier lieu à éviter les impacts (en premier lieu, par le choix du site), puis à minimiser ceux qui ne peuvent être évités (modalités de conception, construction et gestion sur le site retenu), et enfin à compenser les impacts résiduels de façon à atteindre un objectif d’absence de perte nette de biodiversité.
Priorité aux espaces déjà artificialisés
Pour limiter les impacts du développement de la production d’électricité photovoltaïque sur l’environnement et le potentiel de production agricole, la priorité doit être donnée à l’utilisation des espaces déjà artificialisés : toitures de bâtiments tertiaires et industriels[15], ombrières de parkings, délaissés de routes, autoroutes ou voies ferrées, friches industrielles ou commerciales, anciennes carrières ou décharges qui n’ont pas fait l’objet d’une renaturation, plans d’eau artificiels et abiotiques, etc., espaces de loisirs (tennis, stades, golfs, etc.)[16].
Même si une biodiversité intéressante peut s’être développée sur certains espaces délaissés, et sous réserve que les projets aient fait l’objet d’une évaluation environnementale sérieuse comme indiqué supra, FNE AURA ne voit pas de problème majeur à l’installation de production photovoltaïque sur ces espaces et y est favorable. Ces espaces doivent être utilisés en priorité, dès que possible.
Espaces non artificialisés : limiter au maximum la perte de biodiversité et de potentiel agricole et forestier, et garantir la réversibilité
Si les espaces artificialisés présentent un potentiel théorique très important, notamment en toitures; dans l’immédiat, les contraintes techniques et économiques[17] ne permettront pas un développement suffisamment rapide de la production photovoltaïque sur ces seuls espaces, y compris avec les dispositions introduites par la récente loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (notamment : obligations d’équipement des grandes toitures industrielles et d’ombrières de parkings) qui ne produiront leur effet que progressivement.
On peut espérer que l’équipement des seuls espaces artificialisés soit suffisant à terme. Ce sera très probablement le cas dans 30 à 50 ans et, selon l’évolution des conditions socio-économiques et de la législation, il est même possible que cela aille beaucoup plus vite ; il sera donc important de réviser le présent positionnement régulièrement (tous les trois à cinq ans) pour s’assurer de ce qu’il en est. Mais dans l’immédiat, si l’on veut atteindre la neutralité carbone en 2050 et respecter les budgets carbone d’ici là, il sera nécessaire d’utiliser également d’autres types d’espaces. Dans ce cas, il est important de s’assurer d’une réelle réversibilité de ces équipements de façon à pouvoir retrouver, au terme de leur exploitation, toutes les fonctionnalités initiales de ces espaces.
Pas d’installation sur les espaces de biodiversité remarquable et les espaces forestiers
Les espaces présentant les enjeux de biodiversité les plus sensibles sont :
- les zones classées Natura 2000 au titre de la directive « Habitat »,
- les zones naturelles d’intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF) de type I,
- les zones humides,
- les espaces réglementairement protégés (réserves naturelles nationales ou régionales, arrêtés de protection de biotope, de géotope ou d’habitat naturel, cœurs de parcs nationaux, sites inscrits, sites classés),
- les espaces forestiers[18], sauf plantations monospécifiques récentes[19].
Dans le cadre de la phase « Éviter » de la démarche ERC, on ne peut admettre qu’il n’y ait pas d’autre site possible présentant une moindre sensibilité environnementale. Ces espaces constituent donc une « ligne rouge » pour FNE AURA et toute atteinte à leur égard la conduira à s’y opposer et, le cas échéant, à envisager un recours contre une éventuelle autorisation.
Ne pas altérer les fonctionnalités agricoles
La nouvelle loi relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables prévoit des dispositions spécifiques pour la production photovoltaïque sur les espaces agricoles[20] :
- d’une part en définissant ce qu’est une installation agrivoltaïque. Notamment, la production agricole doit être l’activité principale des parcelles concernées et le dispositif doit apporter des améliorations à l’activité agricole et être réversible ;
- d’autre part en encadrant les modalités permettant d’ouvrir à des installations photovoltaïques des surfaces agricoles, hors installations agrivoltaïques. Ces modalités seront précisées par arrêté préfectoral[21], sur proposition de la chambre d’agriculture, après consultation de la CDPENAF et des collectivités. Notamment : « Seuls peuvent être identifiés au sein de ces surfaces des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale, …»; les installations correspondantes ne doivent pas affecter les fonctions écologiques des sols et leur potentiel agronomique et être réversibles.
Les décrets d’application de ces nouvelles dispositions législatives sont encore à venir et leur mise en vigueur en droit prendra un temps certain. FNE AURA considère néanmoins que les principes définis par la nouvelle loi sont protecteurs des fonctionnalités et du potentiel de ces espaces et que, lorsqu’ils sont suffisamment clairs, notamment en matière d’installations qui ne peuvent être autorisées, il y a lieu de les appliquer sans attendre. FNE AURA agira en ce sens.
Quoi qu’il en soit, une démarche d’évaluation environnementale solide (cf. supra) reste dans tous les cas indispensable.
Quelques points de vigilance sur les projets
Les points de vigilance listés ci-après n’ont rien d’exhaustif mais appellent l’attention sur des insuffisances fréquentes rencontrées dans les dossiers d’installation photovoltaïque :
- L’évaluation environnementale doit porter sur l’ensemble du projet, qui inclut nécessairement les accès au projet et le raccordement de l’installation au réseau général[22].
- Une vigilance particulière doit être portée à la limitation des ruptures de continuité écologique, qui peuvent être menacées par l’implantation de grands parcs photovoltaïques clôturés.
- Les paysages remarquables[23] doivent faire l’objet d’une attention particulière. Le caractère sauvage ou inviolé des lieux, lorsque c’est le cas, doit être impérativement préservé.
- Les modalités d’entretien (végétation du sol, nettoyage des panneaux) doivent être définies de façon à éviter toute pollution diffuse (pesticides, détergents, etc.).
- Les garanties de mises en œuvre et d’efficacité des mesures de réduction et de compensation doivent être mises en place préalablement au commencement des travaux.
- La gestion de la fin de vie du projet doit être précisée (non seulement le démantèlement, mais également la remise en l’état initial, le traitement des déchets, etc.) et les garanties mises en place pour assurer la bonne fin de cette phase finale du projet doivent être suffisantes, y compris en cas de disparition de l’exploitant.
- « Futurs énergétiques 2050 » de RTE (février 2022), qui présente 6 scénarios, dont 3 sans nouveau nucléaire (M0, M1, M23) et 3 avec la construction de nouveaux réacteurs (N1 : 8 EPR ; N2 : 14 EPR ; N03 : 14 EPR et quelques SMR).
- « Transition 2050 » de l’ADEME (rapport novembre 2021, complété par son « Feuilleton mix électrique » paru en février 2022. Elle présente 4 scénarios d’évolution des comportements de la société (S1, S2, S3, S4) allant d’une sobriété très forte, rapide et contrainte (S1) à une absence d’évolution des comportements (S4). S1 et S2 ne prévoient pas de nouveau nucléaire, S3 est décliné en deux options (S3EnR et S3nuc), S4 implique un fort développement de la production nucléaire.
- « Scénario négaWatt 2022 » de l’association négaWatt. L’association négaWatt a pour objectif « de montrer qu’un autre avenir énergétique est non seulement réalisable sur le plan technique, mais aussi souhaitable pour la société. » Elle est pionnière dans l’identification des voies permettant de sortir de la dépendance aux énergies fossiles et nucléaire et affine son scénario depuis 20 ans (précédents scénarios en 2003, 2006, 2011, et 2017).

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes
Le Jeudi 02 novembre 2023
https://www.fne-aura.org/nos-avis/region/note-de-doctrine-solaire-photovoltaique/
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