La FNSEA a gagné mais l’agriculture a perdu !
Une terrible reculade environnementale chorégraphiée avec brio, sous l’œil bienveillant de notre Président de la République, par notre tout nouveau Premier Ministre, son ministre de l’agriculture et le président de la FNSEA.
Chère amie, cher ami,
Vous êtes sans doute encore sous le choc de la terrible reculade environnementale chorégraphiée avec brio, sous l’œil bienveillant de notre Président de la République, par notre tout nouveau Premier Ministre, Gabriel Attal, son ministre de l’agriculture, Marc Fesneau, et le président de la FNSEA[1], Arnaud Rousseau.
Depuis la présidence de François Hollande, le ministère de l’agriculture prend ses aises et impose les revendications de l’agro-industrie au ministère de l’environnement. Nous venons d’en avoir la démonstration éclatante après le « blitzkrieg» de la FNSEA.
Le syndicat « majoritaire » avait chauffé ses troupes à blanc, à grand renfort d’agribashing, de dénonciation des avancées environnementales et des contrôles des agents de l’OFB[2], de dénigrement de l’agriculture biologique et de déclarations péremptoires sur l’impossibilité de se passer de pesticides, et en désignant les associations de protection de la nature comme boucs émissaires.
La FNSEA était en embuscade, prête à lancer ses troupes à la première bonne occasion. Elle s’est alors présentée avec une contestation spontanée de petits éleveurs du Sud-Ouest, pris à la gorge par la décimation de leur cheptel suite à une maladie virale. Les revendications d’indemnisation de la perte de revenus et de rémunération décente pour les productions de qualité ont rapidement été remplacées par les leitmotivs de l’agro-industrie, qui a mené une remarquable opération de « pousse-toi de là que je m’y mette ». Et nous n’avons plus entendu que :
- « plus d’irrigation », avec construction de méga bassines et transferts massifs d’eau, symboles de la « mal-adaptation climatique » pour irriguer des grandes cultures devenues inadaptées ;
- « plus de pesticides », avec suppression des zones de non-traitement protégeant les eaux de surface et les populations, rejet du plan Écophyto, pourtant bien anodin : l’indicateur utilisé avait le malheur d’être pertinent et montre une absence totale de progrès…
- « moins de haies », devenues, depuis les années 1950 et les premiers remembrements, l’ennemi juré, après avoir été pendant des siècles un fidèle allié…
- « pas d’inventaire des zones humides ». Objectif : pouvoir continuer à détruire et drainer en toute quiétude, en faisant fi des inondations et des sécheresses hydrologiques qui accompagnent leur disparition ;
- « pas de contrôles de l’OFB », qui empêchent d’épandre et d’irriguer sans se soucier des lois et règlements protégeant les autres usagers…
Nous avons reculé de 30 ans seulement pour quelques centaines de tracteurs des JA[3], le bras armé de la FNSEA, alors que l’immense majorité des 400.000 agriculteurs de France étaient restés chez eux ! On nous a montré un soulèvement des campagnes alors qu’il ne s’agissait que de la mobilisation ritualisée d’agitateurs professionnels ! On nous a vendu la misère des agriculteurs alors que le revenu moyen des agriculteurs est de 56.000 euros bruts par an (c’est autant qu’un ingénieur !)… Certes, ce chiffre cache des disparités majeures, avec un différentiel de 10 à 20 fois entre un petit éleveur et un cadre de la FNSEA ! Il cache aussi la diversité des entreprises agricoles et des types de productions. Qu’y a-t-il de commun entre un grand céréalier de la Brie, patron d’une entreprise dont le chiffre d’affaires est de plusieurs milliards d’euros, et un petit éleveur bovin de Gascogne, en entreprise familiale, qui dégage à peine un SMIC de revenu ?
Passé ce moment de sidération, que faire ? Commencer par réaliser que la FNSEA et les JA ne sont pas les agriculteurs. Que leurs revendications ne sont pas celles de toute une profession, qui plus est extrêmement hétérogène, au contraire de l’image d’unité propagée. Il y a beaucoup d’agriculteurs non syndiqués, favorables à la prise en compte des impératifs environnementaux liés à la crise climatique, à la disparition de la biodiversité, à l’appauvrissement des sols, à la raréfaction de la ressource en eau et à la pollution généralisée. Il y a d’autres structures agricoles, syndicales ou non, qui ne prônent pas le pillage des ressources mais leur utilisation soutenable. Et même au sein de l’apparent monolithe du syndicat dominant, les disparités sont grandes et l’unité n’est que façade. Alors chers amis, sortons de nos abris, dialoguons et coopérons avec ceux qui le veulent et lançons avec nos alliés et amis notre offensive de printemps. Vive la vie !
Eric Feraille, Pilote des Réseaux Juridique & Montagne
& Michel Jarry, Président
Édito de la newletter mensuelle
[2] Office français de la biodiversité.
[3] Jeunes agriculteurs.
Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes
Le Vendredi 16 février 2024
https://www.fne-aura.org/actualites/region/la-fnsea-a-gagne-mais-lagriculture-a-perdu/
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