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Pistes de réflexions pour une sortie des pesticides

Mardi 26 février 2019 Agriculture Zéro pesticide

Dans un rapport publié en  2010, le Rapporteur de l’ONU Olivier de Schutter, appuyé par un groupe de 25 experts, a appelé la communauté internationale à repenser les politiques agricoles actuelles et à s’appuyer sur l’énorme potentiel qu’offre l’agro-écologie :

« Pour nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050, nous avons de toute urgence besoin d’adapter l’agriculture », a déclaré M. De Schutter, l’auteur du rapport. « Aujourd’hui, la preuve scientifique est faite que les méthodes agricoles écologiques surpassent l’utilisation des fertilisants chimiques dans la production alimentaire, notamment dans les régions où la faim sévit », a-t-il ajouté, cette évolution est possible. Paradoxalement, c’est dans  les pays pauvres, dont la population rurale demeure importante, avec une forte proportion d’agriculture familiale et peu de moyens pour acheter des intrants, que cette évolution agroécologique peut donner rapidement de bons résultats.

Dans le contexte de la production agricole et de la consommation alimentaire française, l’évolution vers un modèle agricole durable est plus difficile à réaliser, elle s’oppose :

– à un système agricole largement dominé par le productivisme (forte utilisation d’engrais et de pesticides),

– à une forte dépendance de l’agriculture aux cours mondiaux qui fixent les prix,

– à 80 % des consommateurs qui fixent les règles du jeu par leurs achats en grande distribution.

Il est utile pour envisager l’avenir de regarder le passé . Comment en est-on arrivé là ?

Au lendemain de la 2ème guerre mondiale,  avec une population de 40 millions d’habitants, la France  produisait 52% de l’alimentation de sa population sur son sol. En 1955, elle comptait 2,3 millions d’exploitations agricoles et une population active agricole de 6,2 millions de personnes. 80 % des exploitations agricoles faisaient moins de 20 hectares de surface agricole utile (SAU), 0,8 % seulement des exploitations dépassaient 100 ha. La surface agricole utile atteignait 72 % du territoire français. Les Français dépensaient en moyenne 30 % de leur budget pour leur alimentation.

De nos jours, la population agricole active est d’environ 850 000 travailleurs, répartis sur 410 000 exploitations. La surface agricole utile est de 29 millions d’hectares, soit 54 % du territoire national.  Malgré une baisse importante de la surface agricole utile, la production agricole a été multipliée environ par 4, le taux d’autosuffisance alimentaire oscille entre 110 % et 130 % selon les années, il alimente une population de 67 millions de personnes. Les rendements ont été multipliés par 3 à 5, ils sont passés pour le blé panifiable de 1,2 tonnes/ha en 1900 à 2,4 tonnes/ha en 1950 et se stabilisent maintenant dans une fourchette de 7 à 7,5 tonnes/ha. Les blés fourragers sont à 10 tonnes/ha.

La distribution est un des éléments clé du changement, la rémunération du producteur conditionne le système agricole !

Les français dépensent en moyenne 12% de leur budget pour leur alimentation, dont seulement 2,5% reviennent aux agriculteurs. Plus de 80% de la consommation alimentaire est transformée par l’industrie, elle est vendue en grandes surfaces. Le prix est le facteur déclenchant de l’acte d’achat et il s’oriente majoritairement vers des produits hyper-transformés et sur-emballés.

Dans une offre pléthorique, sur un marché mondialisé,  le prix d’achat aux agriculteurs ne couvre pas en France le prix de revient pour les denrées alimentaires de base : céréales, lait, viandes, volailles… Hors cultures spécialisées, qui ne bénéficient pas des primes PAC, ce sont  les primes qui assurent un revenu aux agriculteurs. Ce revenu est, au regard des normes comptables, de moins de 350 € par mois pour 1/3 des agriculteurs… Pour la Cour des comptes, l’analyse des montants fait apparaître des inégalités, sans lien avec la situation ou les besoins des exploitations.

La course au productivisme dopé par la PAC

Depuis 2003, les primes PAC  favorisent en priorité la surface travaillée et la quantité produite par unité de travailleur. Elles ont imposé aux agriculteurs, pour se placer sur les marchés mondiaux, une optimisation du rendement du travail qui n’est possible qu’avec l’utilisation des engrais et des intrants chimiques. Ils offrent la possibilité de travailler de grandes surfaces par une simplification importante du travail. S’il faut 10 minutes pour traiter 1 hectare avec un herbicide, le traitement alternatif de sarclage peut représenter 2 h 30 pour obtenir le même résultat.

Pistes de réflexions pour une sortie des pesticides, quelles actions et évolutions possibles ?

A partir de cette ambition, le changement est essentiellement technique. L’agrochimie permet d’uniformiser et de simplifier le système de production. L’agroécologie est soumise à la diversité des productions et des conditions pédoclimatiques. Élargir les rotations, avoir 3 cultures à gérer en termes de production puis de commercialisation, ce n’est pas la même chose que d’en avoir7, 8 ou 9.

Pour l’agriculteur, l’équation est complexe entre des enjeux environnementaux et des impératifs économiques de court et moyen termes. Comment préserver sa capacité de production et limiter son impact sur l’environnement ? Comment assurer d’une manière plus large la durabilité économique, sociale et environnementale de son activité ?

1) Technique :  une meilleure connaissance des éco et agro-systèmes et des interactions qui s’exercent entre leurs différentes composantes.

2) Intégrer les pratiques et contraintes des agriculteurs, mais aussi leurs propres expérimentations, pour répondre à leurs besoins et à leurs capacités d’innovations.

3) Raisonner dans le cadre d’une approche systémique, du champ à l’assiette. Notre alimentation peut tout changer.

Les difficultés à résoudre

1) Les faibles marges économiques du système productiviste

Le discours dominant laisse entendre que le volume de production agricole s’effondrerait avec l’interdiction immédiate des pesticides et conduirait à la faillite les nombreux agriculteurs. Les systèmes simplifiés sont fragiles, ils ont besoin d’engrais et de pesticides. Les alternatives sont souvent plus coûteuses, elles ne sont pas permises par les prix courants, il n’est pas envisageable de labelliser 100% de la production…

Message : l’agriculture durable et l’Agriculture Biologique permettent de concilier économie et moindre impact sur l’environnement.

2) Les politiques publiques continuent à soutenir le productiviste

La France est le premier pays agricole européen, avec une production qui permet à l’agriculture d’exporter autant que l’industrie automobile; la peur de la baisse des rendements rend le changement de cap politique très difficile. Un emploi agricole génère 4 à 5 emplois amont ou aval.

On l’a bien vu avec le débat sur l’interdiction du glyphosate, l’absence de volonté politique est encouragée par des faiseurs d’opinion payés par des lobbys, empêtrés dans des habitudes et aveuglés par leurs présupposés politiques, la croissance et les emplois, la majorité des responsables politiques n’imaginent pas qu’ils puissent exister des alternatives. Aucun journaliste d’information à destination du grand public n’a été capable de citer les alternatives à l’utilisation du glyphosate, le discours dominant était focalisé sur le rendement et l’effondrement de la production.

Message L’agroécologie et l’AB peuvent  produire autant et rester dans leur domaine économiquement viable.

3) Le retour à l’agronomie, performant mais techniquement plus complexe

L’agroécologie sous-entend un changement complet de paradigme. La révolution verte s’est appuyée sur une simplification des systèmes de production agricole et le recours à des intrants externes pour uniformiser les facteurs de production. L’agroécologie repose sur l’optimisation des fonctions écologiques et des cycles naturels pour développer des agro-écosystèmes plus performants et plus autonomes, capables de répondre à des situations locales très variées et en fournissant divers types de services (production de biomasse bien-sûr, mais aussi protection de la biodiversité et des ressources naturelles), il n’existe pas de solution universelle adaptable partout.

L’inventivité des agriculteurs est parfois surprenante, une idée très partagée est que l’on ne peut pas faire de semis sous couvert permanent sans herbicide ou en agriculture biologique,  Philippe Guichard le fait, il explique sa méthode.

Née du constat que la majorité du budget de la PAC est mal dépensée au profit de l’agriculture productiviste et de pratiques contraires au développement durable, la plateforme « Pour une autre PAC » propose 12 actions pour accompagner les « paysan(ne)s dans la transition agroécologique des modèles agricoles et alimentaires européens ».

Pour une alimentations durable, il ne suffira pas d’interdire les pesticides,  il faudra travailler avec les agriculteurs pour harmoniser production, transformation, distribution, consommation et changer nos habitudes alimentaires.

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Mardi 26 février 2019

https://www.fne-aura.org/actualites/region/pistes-de-reflexions-pour-une-sortie-des-pesticides/

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