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— Nos avis —

Zéro Artificialisation Nette (ZAN) : Avancées et reculs de la lutte contre l’artificialisation des sols

Après des années d’urbanisation intensive et de tergiversations, il est plus que temps de préserver les sols avec volontarisme, malgré les faiblesses et reculs récents de la législation.

Vendredi 20 octobre 2023 Villes et territoires

Protéger les sols est devenu vital

Le constat est là, nourri par les observations et des myriades d’études, difficile à contester honnêtement : dans les territoires où l’urbanisation se poursuit sans cesse, l’artificialisation des sols est une plaie insidieuse qui détruit des terres agricoles, érode la biodiversité, dégrade les écosystèmes et le cadre de vie des populations humaines, aggrave les effets du réchauffement climatique, en particulier lors des événements extrêmes. L’artificialisation modifie les régimes hydriques, l’écoulement des eaux pluviales, accentuant les risques d’inondation. En ville, l’artificialisation favorise les îlots de chaleur dont le caractère délétère pour la santé n’est plus à démontrer.

La situation en Auvergne-Rhône-Alpes

Le rythme de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers en Auvergne-Rhône-Alpes tendait entre 2011 et 2015 à décroître, tout en restant malgré tout à un niveau très élevé puisque c’est une surface équivalente au lac d’Annecy qui est artificialisée chaque année (la région Auvergne-Rhône-Alpes est la deuxième région la plus consommatrice de sols en France).

Des signes de reprise de l’artificialisation des sols (de plus avec de grandes variations annuelles et départementales) viennent hélas contredire cette ancienne tendance à la baisse. La région s’écarte ainsi de l’atteinte d’une trajectoire ZAN ciblant une consommation cible de 15 000 ha en 2031 (selon les calculs effectués par les services de l’État – Portail de l’artificialisation des sols). De nombreux efforts restent donc encore à faire pour appliquer la loi !

Continuer ainsi serait pure folie

Historiquement, construire des logements ou des infrastructures a été vu comme un acte de progrès. Nous étions des gaulois défrichant la forêt pour y marquer notre présence, ériger des murs, paver des routes. Puis, mécanisation et énergie fossile abondante aidant, nous avons changé d’échelle, arasé des milliers d’hectares dans les plaines fertiles, déplacé des millions de m3 de terre, supprimé les ceintures maraîchères autour des villes, coulé des montagnes de béton, construit logements, bureaux, usines, établissements publics porteurs de la qualité de vie moderne qui nous est chère. En quelques décennies, nous avons transformé les paysages, partout où l’on vit, ou presque. Ainsi est advenu le pays que nous connaissons.

Continuer ainsi serait pure folie : ignorer les connaissances et avertissements des scientifiques, nier les limites de nos ressources naturelles, foncer dans le mur du changement climatique et de ses conséquences.

Crédit : Google Earth.

La protection des sols, parent pauvre de la législation environnementale

Alors que l’eau et l’air bénéficient de cadres législatifs et réglementaires nourris, souvent impulsés par l’Union Européenne, avec des instances de surveillance et de régulation dédiées, la protection des sols est le parent pauvre de la législation environnementale. Heureusement, une prise de conscience émerge peu à peu sur les nuisances induites par l’artificialisation des sols, ce qui a donné naissance à l’objectif de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) inscrit dans la loi Climat et Résilience de 2021.

Aujourd’hui, le discours des pouvoirs publics est parsemé d’appels à la sobriété foncière, passage obligé de tout document de planification, d’urbanisme et d’aménagement du territoire, mais en réalité, rien ne change. Malgré les statistiques qui s’accumulent sur la déshérence des centres bourgs et les friches industrielles qui attendent une dépollution avant restructuration, malgré le gaspillage que constituent les résidences secondaires et les lits froids inoccupés la plus grande partie de l’année, malgré les canicules et la pollution de l’air qui menacent de rendre des villes invivables, malgré la saturation d’espaces naturels devenus des refuges pour des urbains en besoin de nature, malgré les alertes sur la trop faible souveraineté alimentaire, etc., les chantiers et projets consommateurs de foncier foisonnent. Ici une plateforme logistique dont les promoteurs vantent les emplois induits, là une voie routière nouvelle pour désenclaver un territoire, ailleurs un programme immobilier qui prétend s’attaquer à la crise du logement, etc. Par principe de densification, dogme hérité des lointaines découvertes sur les dérives de la péri-urbanisation, nous comblons les dents creuses, pourtant derniers îlots de fraîcheur dans certains quartiers.

Les exigences de sobriété foncière issues de la loi 2021 étaient modestes, peu contraignantes, bien que dotées d’une complexité administrative et de délais démesurément longs (2030 pour une première étape, 2050 pour l’objectif ZAN), mais c’était déjà un premier pas, malgré tout très vite remis en cause… Les décrets tout juste publiés, le gouvernement et le parlement, soumis à la pression d’élus locaux qui ne voient le salut que dans les chantiers traditionnels du BTP, ont enclenché la marche arrière.

La loi de juillet 2023 « visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols et à renforcer l’accompagnement des élus locaux » entérine des reculs significatifs.

Le dispositif récent, qui n’a pas encore vu un début de mise en œuvre concrète sur la réduction de la consommation foncière, est menacé de ruine :

  • mise en place d’un quota national permettant d’exonérer de toute contrainte foncière les grands chantiers d’infrastructure ou de zones d’activité, alors que ce sont des sources majeures d’artificialisation,
  • enveloppe minimale de droit à artificialiser un hectare pour toutes les communes, y compris les plus petites qui n’ont jamais imaginé construire autant, allongement des délais.

Cette nouvelle loi est appauvrie et médiocre au regard des enjeux environnementaux et sociétaux, mais c’est la loi.

Cependant, tout n’est pas mauvais dans ce nouveau cadre législatif et réglementaire qui a survécu au conservatisme majoritaire. D’abord et malgré tout, la loi incite les collectivités territoriales à la sobriété foncière.

Que faire ?

Nous misons sur la confiance et pensons que bon nombre de collectivités choisiront, en responsabilité, de tenir compte des alertes scientifiques et de préserver l’avenir.

A nous, acteurs de la protection de la nature et de l’environnement, de nous impliquer dans la révision des documents d’urbanisme en proposant des dispositions de multi-usages des bâtiments et infrastructures, d’optimisation foncière, de réhabilitation, de renaturation, de préservation des terres agricoles comme des trames vertes, bleues, noires, etc.

A des années-lumière de la caricature de la « mise sous cloche », il s’agit de transformer les territoires pour améliorer le cadre de vie, limiter leur empreinte environnementale, les adapter au changement climatique. Pour cela, des solutions existent et sont largement documentées, comme en témoignent les publications d’organismes publics tels que le Cerema, l’ADEME, les Agences de l’eau, les CESER, les comités de massif et, bien souvent, les services de l’État dans les préfectures comme au niveau national.

Ensuite, pour citer un point technique, la loi 2023 ouvre un droit de sursis à statuer, un droit de préemption et un motif de refus d’autorisation d’urbanisme spécifiques aux enjeux de lutte contre l’artificialisation des sols. C’est une clause qui pourrait être très utile, notamment en milieu urbain, pour éviter la sur-densification, protéger des îlots de fraîcheur, sauver des arbres remarquables, ouvrir au public des espaces naturels privés. Si la propriété privée fait bien souvent obstacle à la protection de l’environnement, les clauses qui renforcent les capacités d’intervention des collectivités locales sont bienvenues.

Enfin, si les politiques publiques paraissent défaillantes dans leur mise en œuvre, la loi ayant maintenu des objectifs de réduction de la consommation foncière, la justice administrative peut bien-sûr se montrer garante de l’atteinte de ces objectifs

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Vendredi 20 octobre 2023

https://www.fne-aura.org/nos-avis/region/zero-artificialisation-nette-zan-avancees-et-reculs-de-la-lutte-contre-lartificialisation-des-sols/

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