Bouquetins du Bargy : le Tribunal administratif de Grenoble donne raison aux associations environnementales
Dans un jugement au fond en date du 16 novembre 2023, le TA a annulé les dispositions de l’arrêté du 17 mars 2022 autorisant les abattages indiscriminés de bouquetins dans le massif du Bargy de 2022 à 2030.
Cet arrêté autorisait des abattages de bouquetins sans test sanitaire préalable pour la période 2022-2030. Aux côtés de la Ligue pour la Protection des Oiseaux, One Voice, France Nature Environnement AURA, Agir pour le Vivant et les Espèces Sauvages, Animal Cross, et l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages et du Patrimoine Naturel, France nature environnement Haute-Savoie a contesté auprès du juge administratif l’arrêté litigieux.
Dans le cadre de deux référés, nous avions déjà obtenu une suspension des articles 1er par ordonnance du 17 mai 2022 et 4 par ordonnance du 15 juin 2023. Ce jugement, très attendu, par lequel le tribunal annule l’ensemble des dispositions de l’arrêté autorisant des abattages « indiscriminés » prévus aux articles 1er, 2 et 4 de l’arrêté, vient confirmer nos demandes.
Les abattages indiscriminés ne sont pas la solution au problème de la brucellose
Si la lutte contre la brucellose s’avère un objectif légitime et partagé, notre association, en s’appuyant sur les avis du CNPN[1] et de l’ANSES[2], conteste les solutions retenues par le Préfet de Haute-Savoie, dont l’abattage indiscriminé des bouquetins, c’est-à-dire sans test préalable.
Rappelons que les bouquetins bénéficient d’un régime de protection stricte. Pour en déroger, trois conditions doivent être réunies, dont l’absence de solutions alternatives. Le jugement au fond confirme que les tirs massifs autorisés en 2022 étaient illégaux et que le préfet ne pourra pas se fonder sur cet arrêté pour pratiquer 20 tirs chaque année jusqu’en 2030.
[1] Avis du 27 janvier 2022, Conseil National pour la Protection de la Nature
[2] Avis du 30 novembre 2021, ANSES
En l’espèce, le Tribunal fonde sa décision sur les avis scientifiques rendus par l’ANSES, qui identifient des solutions plus pertinentes que les abattages indiscriminés, valorisant les captures, tests, et marquages des individus. Il relève aussi celui défavorable du CNPN « qui indique que l’arrêté préfectoral « prend en compte la vision sanitaire demandée par le milieu de l’élevage, avec une action choc immédiate d’assainissement, à l’instar de la prophylaxie domestique », ce qui est voué à l’échec s’agissant d’une espèce sauvage. »
Le Tribunal retient également l’insuffisance des mesures de biosécurité sur le massif, dont la mise en place ne nécessite pas de moyens complexes ou disproportionnés, et qui apparaissent essentielles pour limiter les risques de contagion et protéger ainsi les élevages.
Une victoire juridique de bon augure pour la suite
C’est une belle réussite sur le plan juridique, qui ouvre une perspective favorable à ce que l’abattage des 63 bouquetins en octobre 2022, autorisé par l’arrêté du 14 octobre 2022, lui-même contesté par les mêmes associations, soit jugé illégal.
Même si cette décision n’aboutit pas à confirmer l’illégalité par principe de toute abattage indiscriminé, il en découle nécessairement un changement de paradigme concernant la gestion de la brucellose, les abattages massifs perdant toute légitimité.
Enfin, ce jugement n’est pas le dernier puisque plusieurs recours contre les arrêtés publiés ultérieurement ne sont pas encore jugés au fond. Les décisions à venir permettront au juge d’affiner sa position sur la question des abattages indiscriminés de bouquetins, en fonction du nombre d’individus touchés, et, nous l’appelons de nos vœux, en respect des exigences européennes de protection stricte des espèces protégées.
Nous restons cependant vigilants, car le préfet de la Haute-Savoie a bien montré qu’il pouvait prendre un arrêté un vendredi soir et faire abattre des bouquetins le lundi sans laisser à un juge le temps de se prononcer.
Publié par FNE Haute-Savoie
Le Jeudi 23 novembre 2023
https://www.fne-aura.org/actualites/haute-savoie/bouquetins-du-bargy-le-tribunal-administratif-de-grenoble-donne-raisons-aux-associations-environnementales/
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