Le chacal doré
Présentation et description
Le chacal doré (Canis aureus) est un canidé sauvage à la morphologie intermédiaire entre renard roux et loup gris. D’un poids moyen entre 8 et 15 kg et d’une hauteur au garrot de 25/50 cm, le chacal doré se distingue du loup par une taille et un poids moindres (20 à 40 kg et 55/70 cm au garrot pour le loup), un museau pointu, un pelage doré avec deux bandes blanches sur le cou (visibles chez les individus mâtures). Par rapport au renard roux, le chacal doré présente une taille et un poids plus importants (6 à 10 kg et 35/40 cm au garrot pour le renard), des oreilles plus rondes, une queue courte (20 à 30 cm de long), touffue et à bout noir et des pattes aux extrémités non foncées. A noter une variation morphologique saisonnière, due à la mue du pelage, avec des individus semblant plus minces, plus hauts sur pattes, avec le cou plus long et la queue plus courte l’été (LAPINI, 2010, TOTH et al., 2009).
Le chacal doré est une espèce eurasiatique, proche sur le plan évolutif du Coyote (Canis latrans) et du complexe Canis lupus (loups et chiens). De récentes études moléculaires (KOEPFLI et al. 2015) semblent par ailleurs montrer que le chacal doré présent en Afrique appartient en fait à une autre espèce, le loup doré africain (Canis anthus).
Apparu récemment sur notre territoire sans intervention de l’homme, se maintenant depuis dans le milieu naturel et non classé dans la liste des espèces chassables, le chacal doré est donc considéré en France comme espèce gibier non chassable. Sans être une espèce protégée au sens juridique du terme, il ne peut être ni chassé, ni piégé.
Sur son aire de répartition européenne, le chacal doré utilise une large gamme d’habitats naturels: forêts, zones humides, paysages agricoles, espaces périurbains, marais salants,… même si les mosaïques constituées de terres agricoles et de secteurs arbustifs et boisés sont particulièrement recherchés par l’espèce (SALEK et al. 2014). Les milieux situés à proximité des zones humides et des grandes rivières, ni trop proches ni trop éloignées des zones urbaines, semblent aussi lui être favorables. Les espaces d’altitude (enneigement) et les grands massifs forestiers, par contre, semblent quelque peu délaissés au profit du loup gris avec qui le chacal doré pourrait être en concurrence territoriale. Au sein d’un domaine vital variant entre 2 et 15 km2 (d’après des études en Grèce et en Hongrie), l’unité sociale du chacal doré est composé d’un couple reproducteur, des jeunes de l’année, voire des jeunes de l’année précédente. Après 2 mois de gestation, trois à douze jeunes naissent en avril/mai dans un terrier abandonné de renard ou de blaireau ou sur une couche d’herbes et de branches dissimulées dans les buissons lorsque le substrat ne permet pas de proposer des terriers, le chacal ne creusant apparemment pas de terrier (MURIANU et MUTENAU in BANEA et al. 2012).
Carnivore généraliste, Canis aureus a un régime alimentaire opportuniste, proche de celui du renard roux : carcasses d’animaux sauvages (ongulés) ou d’élevage, végétaux divers, insectes, micromammifères (campagnols et mulots) et proies de petite taille (oiseaux, lézards, amphibiens,…), déchets.
Le chacal doré est actif principalement à l’aube et au crépuscule. C’est aussi la nuit que les chacals peuvent hurler, essentiellement dans les zones à forte densité, plus rarement dans les secteurs de présence d’individus vagabonds (GIANNATOS, 2004). Ces vocalisations très caractéristiques auraient une fonction de cohésion sociale et de défense du territoire (JAEGER et al., 1996). Les hurlements sont aussi plus fréquents en début de période de reproduction (stades des appariements et des accouplements).
Etat des connaissances et évolution
Le chacal doré est aujourd’hui présent sur une large aire de distribution englobant une partie de l’Asie et de l’Europe. L’espèce aurait progressivement étendu son aire de distribution vers l’Europe à partir de l’Inde, il y a environ 20 000 ans. Quelques fossiles anciens (- 7000 à – 6000 ans) attestent de la présence ancienne de Canis aureus en Turquie, en Grèce ou bien encore en Croatie (SOMMER et BENECKE, 2005., MALEZ, 1984, KRYSTUFEK et al., 1997). Le noyau historique de présence de l’espèce en Europe semble donc être la péninsule des Balkans (KRYSTUFEK,et al. , 1997) à partir de laquelle les chacals dorés auraient essaimé vers l’ouest et le nord du continent, notamment depuis la seconde moitié du 20ème siècle. Les raisons de cette progression, qui semble visiblement s’accélérer ces dernières décennies, pourraient être la combinaison de différents facteurs : modifications du paysage agricole et forestier, régression des populations de loups dans certains pays du sud-est (avec qui le chacal pourrait être en concurrence territoriale), réduction ou arrêt du piégeage, de l’empoisonnement et du tir du chacal doré dans les populations balkaniques et roumaines. Aujourd’hui, le chacal doré est abondant (plusieurs milliers ou dizaines de milliers d’individus) dans un certain nombre de pays du sud-est européen : Bulgarie, Serbie, Hongrie, Roumanie, Croatie, Grèce. Ailleurs, ce sont principalement des petites populations ou des individus solitaires, en dispersion, qui sont contactés : Pologne, Allemagne, Estonie,… Au total, 25 pays européens sont aujourd’hui peu ou prou fréquentés par Canis aureus.
Plus proche de nous, de récentes observations de l’espèce ont eu lieu dans différents cantons suisses (cantons de Berne, Vaud, Fribourg en 2011, Grisons en 2015, Saint-Gall en 2017, Schwytz en 2018,…). Au total, ce sont près de cinquante observations ou photographies de l’espèce qui ont été recensées ces 8 dernières années chez nos voisins helvètes, les observations les plus régulières et répétées de chacals dorés se situant dans le canton de Berne, au nord-est de Montreux à une soixantaine de kilomètres à vol d’oiseau de la frontière haut-savoyarde et à environ 150 kilomètres du secteur d’observation dans le Chablais. Par ailleurs, la population reproductrice connue (depuis les années 1980) la plus proche de notre région se situe au nord-est de l’Italie, en Vénétie julienne, à 400 kilomètres de la frontière française. Sans présager de l’origine géographique des individus observés récemment en Suisse et en France, précisons que la colonisation de nouveaux secteurs commence généralement par la dispersion de sub-adultes capables de parcourir plusieurs centaines de kilomètres depuis leur lieu de naissance et de traverser des milieux défavorables (ONCFS, 2018).
La première mention de présence de l’espèce en Rhône-Alpes et en France date de la fin 2017, suite à la capture photographique d’un individu dans le Chablais par la fédération départementale des chasseurs de Haute-Savoie. D’autres clichés, toujours en noir et blanc, ont par la suite été pris dans le même secteur début 2018. Les premiers clichés en couleurs (4 photos réalisées sur deux nuits), toujours dans le Chablais, ont été obtenus quelques semaines plus tard (mars 2018) grâce à un piège photographique disposé près d’une carcasse de sanglier (C.GILLES, 2017). En juillet 2018, une vidéo nocturne réalisée par un appareil automatique posé par un naturaliste amateur permet d’affirmer que le chacal doré (le même individu ?) était alors toujours présent en Haute-Savoie. Comme décrit dans la littérature, les habitats ou le chacal doré a été détecté en Haute-Savoie correspondent à des milieux mosaïqués de plaine (en moyenne, 420 m d’altitude), constitués de grands boisements, de petits cours d’eau, de zones humide et de parcelles agricoles (cultures et prairies), le tout proche de secteurs urbanisés (C. GILLES, 2018).
Menaces et protection
La mauvaise perception de l’espèce (« délit de sale gueule ») est un élément à ne pas négliger, les différentes espèces de chacals souffrant souvent d’une réputation peu valorisante dans leurs aires de distribution respectives. Le chacal doré peut aussi être parfois perçu par certains comme un prédateur de plus et/ou comme une nouvelle espèce introduite par l’homme. Le risque de braconnage n’est donc pas à négliger. Rappelons ici que le chacal est arrivé naturellement sur notre territoire et que son régime alimentaire proche de celui du renard en fait principalement un charognard et un consommateur de petites proies. Le risque de confusion avec des espèces chassables peut aussi nuire au chacal doré. Ainsi, en 2016, en Suisse, un chacal doré a été tué par un chasseur l’ayant confondu avec un renard roux. Les collisions routières, les risques d’hybridation avec les chiens (observée en Croatie) et les maladies représentent aussi des menaces et des facteurs de mortalité supplémentaires.
Une veille active et un volet pédagogique autour de l’espèce s’avère donc nécessaire et indispensable. Des actions de communication sur l’écologie de l’espèce, son arrivée naturelle sur notre territoire et sur son statut réglementaire (qui interdit sa chasse et son piégeage) devraient être menées dans les départements avec présence confirmée et dans ceux qui seront fréquentés par l’espèce à court et moyen terme. Du point de vue technique et scientifique, le suivi de la présence des individus et de leur très probable dispersion sur le territoire régional et national, notamment par le piégeage photographique et la collecte de matériel génétique (poils, crottes) pour identification fine, est aussi prépondérant dans un souci d’acquisition de connaissances, de compréhension de l’écologie de l’espèce et de suivi de l’évolution géographique et numérique du chacal sur notre territoire. L’étude des interactions entre le chacal doré et les autres espèces (proies, concurrents, notamment les deux autres espèces de canidé sauvage) ouvre aussi de larges et passionnants champs de recherches scientifiques. Enfin, une réflexion sur la possibilité d’une protection juridique de l’espèce dans notre pays doit être menée, le chacal doré étant d’ores et déjà protégé chez certains de nos voisins européens (Italie, Allemagne, Suisse).
De l’intérêt des pièges photographiques pour la détection des espèces !
La démocratisation de l’utilisation des pièges photographiques (couts davantage abordables, diversité des modèles selon l’objectif recherché) permet à présent de couvrir sur Rhône-Alpes (et ailleurs) d’importantes surfaces pour le recensement de la faune sauvage. Ces pièges photographique se déclenchant automatiquement au passage d’un animal permettent d’inventorier la faune d’un secteur donné, de suivre certains individus physiquement caractéristiques (via des critères comme les bois des cervidés, certains pelages de carnivores, des anomalies physiques,…), d’étudier des comportements parfois impossibles à observer autrement (interactions entre individus) ou bien encore d’identifier des corridors de déplacement,… Dans le cas du chacal doré, ce sont des images réalisées par différents modèles de pièges photographiques (permettant d’obtenir des photographies nocturnes en couleurs, des photographies nocturnes en noir et blanc, des vidéos nocturnes en noir et blanc) qui ont permis de confirmer la présence du canidé sur notre territoire. Au vu de la discrétion de l’espèce, de ses mœurs nocturnes et du très faible nombre d’individus, il est fort probable que sans cet outil désormais incontournable pour le mammalogiste, la présence du chacal doré en France ne serait encore à ce jour qu’une hypothèse ou une possibilité à court ou moyen terme.
Pour tout conseil et toute information technique sur les pièges photographiques, vous pouvez consulter et télécharger la fiche technique de la plateforme atlas.
Photo et article : Christophe GILLES (FNE Haute-Savoie)
Bibliographie
ANDRU J., RANC N., GUINOT-GHESTEM M. (2017). Faune sauvage N° 320 : pp 21-27
ANDRU J., RANC N., GUINOT-GHESTEM M. (2018). Le chacal doré fait son chemin vers la France. Faune sauvage N° 320 : pp 21-27
Arnold, J., Humer, A., Heltai, M., Murariu, D., Spassov, N. & Hackländer, K. 2012. Current status and distribution of golden jackals Canis aureus in Europe. Mammal Review 42(1): 1-11.
ARTHUR C., (2018). Quel avenir pour le chacal doré en France ? Mammifères sauvages – SFEPM n°74 : pp 16-17
Koepfli, K.P., Pollinger, J., Godinho, R., Robinson, J., Lea, A., Hendricks, S., Schweizer, R.M., Thalmann, O., Silva, P., Fan, Z., Yurchenko, A.A., Dobrynin, P., Makunin, A., Cahill, J.A., Shapiro, B., Álvares, F., Brito, J.-C., Geffen, E., Leonard, J.A., Helgen, K.M., Johnson, W.E., O’Brien, S.J., Van Valkenburgh, B. & Wayne, R.K. 2015. Genome-wide evidence reveals that African and Eurasian golden jackals are distinct species. Current Biology 25(16): 2158-2165.
KORA Monitoring center
RANC N., FERUS. (2016). Le chacal doré à la conquête de l’Europe ! La gazette des grands prédateurs n° 59 – mars 2016
Šálek, M., Červinka, J., Banea, O.C., Krofel, M., Ćirović, D., Selanec, I., Penezić, A., Grill, S. & Riegert, J. 2014. Population densities and habitat use of the golden jackal (Canis aureus) in farmlands across the Balkan Peninsula. European Journal of Wildlife Research 60(2): 193-200.
Publié par FNE Haute-Savoie
Le Mercredi 03 juillet 2019
https://www.fne-aura.org/actualites/haute-savoie/le-chacal-dore/
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