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Et si on remettait un peu de justice territoriale dans la production énergétique ?

Comme nous le redoutions, le pire des scénarios énergétiques se profile. Nous quittons le gaz et le pétrole pour céder aux sirènes de l’électricité sans politique énergétique.

Vendredi 26 avril 2024 Énergie

Comme nous le redoutions, le pire des scénarios énergétiques se profile. Nous quittons le gaz et le pétrole pour céder aux sirènes de l’électricité sans politique énergétique. Résultat : la double peine de la relance du nucléaire et du déploiement tous azimuts et sans pilotage des énergies renouvelables.

Côté nucléaire, nous aurons l’épée de Damoclès des EPR [1] du Bugey, mais n’en doutons pas, Cruas et Tricastin seront aussi « modernisés » car il n’y a guère qu’en bord de mer et le long du Rhône que le refroidissement par l’eau des centrales ne risque pas (trop) d’être entravé par le changement climatique. Excepté le Rhin, le débit des autres fleuves est beaucoup plus aléatoire. Nous resterons donc une région très « nucléarisée ».

Côté hydroélectricité, le projet de nouveau barrage sur le Rhône à Saint-Romain-de-Jalionas, appelé pompeusement Rhônergia, viendrait détruire le dernier tronçon du Rhône libre, et avec lui les dernières reliques de l’écosystème fluvial originel. Ce projet n’est autre que celui de Loyettes, abandonné à la fin des années 80 en raison de son impact prohibitif sur l’écosystème fluvial, notamment sur la confluence entre l’Ain et le Rhône, zone naturelle d’une valeur inestimable. Et ceci pour une production ridicule et bien moindre que celle que procurerait la modernisation des ouvrages existants. Cherchez l’erreur ! Quant aux microcentrales, leur intérêt énergétique est anecdotique, leur avenir très incertain au regard des baisses de débit prévisibles sur les petits cours d’eau et leur impact prohibitif.

Inquiétante aussi : la prolifération anarchique des projets de centrales photovoltaïques. Les espaces naturels, notamment les forêts et les zones humides, mais aussi certaines zones agricoles qui ont encore un potentiel de biodiversité significatif, comme le bocage Bourbonnais, sont pris d’assaut. Outre les déboisements et arrachages de haies, les kilomètres de clôtures et de lignes électriques vont renforcer la fragmentation des milieux. Ce sont des milliers d’hectares qui risquent d’être dévorés car il est moins coûteux d’aménager des terres agricoles ou des boisements communaux que des friches industrielles, toitures, parkings, ou des délaissées de voirie.

Côté éolien, ce n’est pas la panacée dans notre région peu ventée, à quelques exceptions près. Les « bons sites » sont pour la plupart déjà utilisés et le potentiel de croissance semble limité.

L’auto solo électrique serait la solution mobilité d’avenir. Nous en mesurons déjà les impacts avec le projet de mine de lithium à Echassières dans l’Allier : des millions de tonnes de minerais extraits et transportés chaque année, des millions de mètres cubes d’eau, des centaines de milliers de tonnes de produits chimiques pour le lithium des batteries. Tout ceci pour fabriquer des voitures et des SUV électriques jetables puisqu’on ne sait pas les recycler.

Dans notre région, les milieux naturels sont pour la plupart en mauvais état de conservation (notamment les forêts, zones humides et formations herbeuses). Moins de la moitié des cours d’eau sont en bon état écologique. Le nombre d’espèces sur liste rouge est alarmant (30% des espèces vivantes sont menacées, dont 40% des espèces d’oiseaux). Qu’importe, la pression insoutenable sur nos milieux naturels est maintenue et la transition énergétique en rajouterait encore…

Ne pouvons-nous pas faire valoir notre droit à l’équité entre les territoires ? Notre région fournit déjà énormément à la nation, avec trois centrales nucléaires et pas loin de 80% de l’électricité d’origine hydroélectrique.

Devrions-nous encore sacrifier davantage de nos espaces naturels, nos derniers cours d’eau vivants sur l’autel de la consommation effrénée d’électricité par les norias de camions remontant du Sud ou déferlant de l’Est ?

Devrions-nous encore enlaidir nos paysages, déjà lourdement altérés par l’urbanisation galopante, la prolifération des entrepôts logistiques et les lignes à haute-tension, avec des kilomètres de lignes électriques nouvelles, des milliers d’hectares de panneaux photovoltaïques et des forêts de mâts d’éoliennes ?

Oui, il nous faut déployer les énergies renouvelables mais avant de sacrifier nos derniers espaces naturels, saturons les espaces artificialisés, optimisons l’existant et engageons-nous résolument dans une politique de sobriété énergétique. La meilleure transition est celle qui ne consomme pas. Sans cela, le déploiement des énergies renouvelables ajoutera de nouveaux impacts sans apporter la moindre solution à nos maux actuels.

Eric Feraille, Pilote Réseaux Juridique & Montagne
Édito de la newletter mensuelle

[1] European Pressurized Reactor, en français « réacteur pressurisé européen ».

 

Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes

Le Vendredi 26 avril 2024

https://www.fne-aura.org/actualites/region/et-si-on-remettait-un-peu-de-justice-territoriale-dans-la-production-energetique/

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