HYDROGENE
Les promesses et les limites de l’hydrogène, source d’énergie
Les promesses et les limites de l’hydrogène, source d’énergie
L’énergie, sa production, son utilisation et son accessibilité constituent l’un des enjeux majeurs pour l’avenir de notre civilisation. Face aux désastres imputables à l’usage des énergies fossiles qui, par ailleurs, se tarissent, il est urgent de se pourvoir de nouvelles sources d’énergies renouvelables qui soient respectueuses de l’environnement, ne génèrent pas de gaz à effet de serre, soient accessibles à tous et en tout lieu de la planète. L’installation récente de champs éoliens et de capteurs de l’énergie solaire, associée aux sources hydrauliques, la géothermie et la biomasse, répond bien à ces exigences. Toutefois, elle ne permet pas de couvrir les besoins qui augmentent avec la croissance démographique et le niveau de vie des citoyens.
Devant ce défi redoutable, l’hydrogène apparait comme une clef du système énergétique décarboné de demain. En effet, sa combustion ne produit que de l’eau et de la chaleur.
Mieux connaître l’hydrogène. C’est l’élément chimique le plus simple, dont la molécule a la plus petite taille, d’où son extrême capacité à diffuser à travers de nombreux matériaux. S’il constitue plus de 90% du volume du soleil, il ne représente que 0,55 ppm[1] de l’atmosphère et 0,2 % de la croute terrestre. Sa source la plus abondante est l’eau qui est composée de deux atomes d’hydrogène et d’un atome d’oxygène. Associé au carbone, l’hydrogène est le principal constituant des composés organiques et de toute la matière vivante.
L’hydrogène est un gaz hautement réactif. Il présente une très large plage d’inflammation comprise entre les concentrations de 4 à 75 %. Comparée aux autres carburants, son énergie d’inflammation est environ 17 fois plus faible et son énergie de combustion, à masse égale, est 3 fois plus élevée. Ceci explique que H2 soit largement utilisé comme combustible pour le lancement des fusées dans l’espace. Sa faible densité constitue un handicap majeur pour son utilisation sur des véhicules légers. Ainsi, il faut 4,6 litres d’hydrogène comprimé à 700 bars (700 fois la pression atmosphérique) pour produire autant d’énergie qu’un litre d’essence[2].
Due à l’extrême mobilité de sa charge électronique, l’hydrogène peut corroder de nombreux métaux et les fragiliser. Ce point devra être pris en considération lors de son stockage, son transport et son utilisation.
Sa production. L’hydrogène est un puissant réducteur qui est très utilisé en chimie industrielle. L’eau, les hydrocarbures et la biomasse sont les principales ressources permettant de produire l’hydrogène par les méthodes suivantes :
- Le « vaporeformage » des hydrocarbures (méthane à titre d’exemple). CH4 + 2 H2O CO2 + 4 H2 (en présence de nickel comme catalyseur). Cette réaction a lieu à haute température (850°C) et forte pression (30 bars). C’est le mode de préparation le plus répandu dans l’industrie (96% de l’hydrogène produit).
- La gazéification du charbon (ou biomasse) à température élevée (1000° C) produit un mélange de CO et H2 appelé « Syngas » qu’il faut ensuite purifier ou bien utiliser directement en combustion.
- La corrosion métallique en présence d’eau. Cette méthode était surtout utilisée en Allemagne avant 1950, par traitement du fer, lequel a été remplacé ensuite par l’aluminium, plus léger et donc moins onéreux à transporter. Elle est très peu utilisée aujourd’hui
2 Al + 6 H2O + 2 NaOH ……………… 2 NaAl(OH)4 + 3 H2 2 NaAl(OH)4……………… 2NaOH + 2Al(OH)3, ce qui conduit à la réaction globale
2 Al + 6 H2O…………..2 Al(OH)3 + 3 H2
- L’électrolyse.de l’eau génère de l’oxygène à l’anode et de l’hydrogène à la cathode. Elle peut se faire à température ambiante ou à haute température pour améliorer le rendement. Cette méthode est actuellement peu utilisée puisqu’elle ne produit que 4 % de l’hydrogène gazeux.
- Les voies biologiques (2 méthodes présentées ici sont en cours d’étude dans les laboratoires)
- Des processus fermentaires dérivés de ceux mis en place pour produire le méthane du biogaz sont utilisés. L’H2 généré doit être prélevé au fur et à mesure de sa genèse puisque son accumulation dans le milieu inhibe le processus fermentaire. Un rapport du BRGM fait le point sur cette technique[3].
- Des algues cultivées en absence de soufre cessent de produire de l’oxygène par photosynthèse et orientent leur métabolisme vers la production d’hydrogène[4].
Remarques : – A l’exception de l’électrolyse, la plupart des méthodes coproduisent du CO ou du CO2 avec l’hydrogène. De plus, elles utilisent des quantités importantes d’énergie, ce qui réduit fortement leur intérêt.
– L’hydrogène est aussi présent à l’état naturel au fond des mers et dans la croute terrestre (interaction eau/roche ou effet de la radioactivité naturelle). Ce type d’hydrogène naturel est exploité au Mali après avoir été découvert fortuitement au cours de forages destinés à la recherche d’eau ! Cependant on ne connait ni les lieux d’exploitation possibles ni la quantité des ressources disponibles sur notre planète.
L’hydrogène vecteur d’énergie. L’hydrogène peut répondre à 2 enjeux de la transition énergétique.
– Pallier la production d’énergie intermittente des sources renouvelables. H2 est alors produit par électrolyse de l’eau lors des excédents de production électrique (éolien, solaire), puis il est utilisé pour générer de l’électricité lors des périodes de déficits de production.
– Fourniture d’énergie décarbonée Secteur des transports. Les véhicules électriques équipés d’une pile à combustible (PAC) transforment l’hydrogène en électricité et en vapeur d’eau. L’hydrogène présente des avantages par rapport aux batteries, en termes d’autonomie (500 à 700 km) et de temps de recharge (< 5 mn). Ainsi, un véhicule familial peut parcourir environ 100 km avec 1 seul kilogramme d’hydrogène[5] (soit 11.200 litres d’H2 à pression atmosphérique !). Les navires de grande taille ainsi que le transport ferroviaire sont bien adaptés à ce type d’énergie. Cependant, il convient peu à l’aviation compte tenu de ses nombreuses contraintes (volume du carburant, installations aéroportuaires lourdes, rupture technologique des appareils et renouvellement de la flotte, problèmes de sécurité…).
Remarque : L’hydrogène peut être utilisé directement dans des moteurs à combustion sous forme d’hythane (20% H2 + 80% gaz naturel). Ce mélange est déjà utilisé dans des bus et des bennes à ordures ménagères.
-Secteur immobilier. Utilisation de PAC stationnaires destinées à l’alimentation électrique de maisons, d’immeubles ou d’espaces commerciaux. Dans ce cas, la coproduction de chaleur et d’eau présente un intérêt certain. Plus de 500.000 unités de ce type existent au Japon.
-Alimentation énergétique de sites isolés (antennes relais, centres de télécommunications) ou de groupes de secours (serveurs informatiques, hôpitaux), ou de stations lourdes destinées à des unités industrielles.
Les limites de l’hydrogène source d’énergie.
– L’intérêt de l’hydrogène dans la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre impose qu’une chaîne non carbonée de production soit utilisée. La séquestration de CO2 doit être envisagée dans le cas où il est coproduit. L’électrolyse est, de ce point de vue, très intéressante puisqu’elle ne coproduit aucune molécule carbonée.
-Son utilisation comme source d’énergie pour les transports routiers et les voitures particulières nécessitent l’installation d’un réseau serré de stations-service qui n’existe pas actuellement.
-En raison de sa faible densité, l’hydrogène est difficile à stocker et à transporter. Le transport s’effectue généralement en bouteilles ou en pipelines sous forme comprimée (de quelques dizaines de bars à 700 bars). Il est également possible de le liquéfier à –253°C mais cette transformation est très énergivore. Enfin, notons la possibilité de le stocker et le transporter sous forme d’hydrure métallique[6].
-L’hydrogène est inodore, incolore, hautement explosif et diffuse facilement. Il souffre d’accidents historiques comme l’incendie du dirigeable Hindenburg en 1937 ou l’explosion de la navette Challenger le 28 janvier 1986. Dans les voitures fonctionnant à l’H2, on rajoute un colorant au gaz pour détecter les fuites éventuelles.
Les plans « hydrogène » de l’Europe et de la Françe. La Commission européenne a présenté le 8 juillet 2020 un plan stratégique pour l’hydrogène[7]. Son objectif est de multiplier la capacité de production d’H2 d’un facteur 40 en 10 ans, essentiellement par électrolyse de l’eau grâce à de l’électricité renouvelable. Le gouvernement allemand vient de décider d’investir 9 milliards d’€ pour le développement de l’hydrogène dans le pack énergétique du pays. En France, le plan « hydrogène » sera dévoilé à l’automne 2020 et devrait porter sur un budget de l’ordre de 100 millions d’€. (Juillet 2020)
[1]1 ppm = 1 partie par million
[2] https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/enjeux-et-prospective/decryptages/energies-renouvelables/tout-savoir-lhydrogene
[3] Dictor M.C., Touzé S., Joulian C., Ignatiadis I., Guyonnet D., avec la collaboration de Gallé P., Proust E. et Crouzet C. (2004) – Production biologique d’hydrogène à partir de déchets ménagers. Rapport BRGM/RP-53564-FR, 175 p., 118 ill.
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Production_biologique_d%27hydrog%C3%A8ne_par_des_algues
[5] https://lejournal.cnrs.fr/billets/energie-les-promesses-de-lhydrogene
[6] https://www.techniques-ingenieur.fr/actualite/articles/decollage-du-stockage-de-lhydrogene-sous-forme-solide-3996/
[7] https://www.industrie-techno.com/article/plan-hydrogene-l-europe-vise-une-production-de-masse-et-decarbonee-en-2030.61144
P Jouany, association GREFFE Adhérente de FNE 63
Publié par FNE Puy-de-Dôme
Le Samedi 15 août 2020
https://www.fne-aura.org/publications/puy-de-dome/hydrogene/
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