Quelles compensations pour la RN88 entre Le Pertuis et Saint-Hostien ?
Malgré les nombreux prestataires mobilisés par la Région, l’atteinte des objectifs de « zéro perte nette de biodiversité » est encore bien loin d’être acquise.
Les importants travaux de la déviation ont commencé. Parce que le maître d’ouvrage (la Région) détruisait des espèces protégées et des zones humides, il devait démontrer, dès octobre 2021, sa maîtrise foncière des terrains nécessaires à la compensation de ces impacts.
Ces informations n’ont été produites qu’en décembre 2023. Elles nous ont été transmises que grâce à un jugement favorable du Tribunal administratif et à l’accord du nouveau Préfet de la Haute-Loire.
A l’examen de celles-ci, et malgré les nombreux prestataires mobilisés par la Région, l’atteinte des objectifs de « zéro perte nette de biodiversité » est encore bien loin d’être acquise !
En négligeant dès 2019 la recherche d’une solution moins nocive pour l’environnement et en privilégiant la compensation hypothétique des impacts, les choix initiaux du maître d’ouvrage impliquent aujourd’hui un surcoût immodéré. Celui-ci sera supporté par les contribuables régionaux, mais aussi par les associations de protection de la nature mobilisées depuis bientôt 5 ans par la contestation de ces 10 kilomètres de déviation. Ces choix sont aussi susceptibles d’impliquer des retards dans la réalisation des travaux, exposant ainsi plus durablement les riverains de l’actuelle RN88 dans ce secteur.
Rappel
La réalisation de cette déviation de 10,7 km entre Le Pertuis et Saint-Hostien sera responsable de la destruction de terres agricoles, de plus de 100 espèces protégées (dont certaines font l’objet d’un plan de protection national !) et de plus de 20 hectares de zones humides. Le 28 octobre 2020, le préfet de la Haute-Loire avait néanmoins autorisé les travaux, sous réserve de mesures de réduction des impacts et surtout de compensation des atteintes à la biodiversité et aux zones humides. Faute de les avoir identifiées dans l’étude d’impact, le maître d’ouvrage devait dès octobre 2021 démontrer sa maîtrise des terrains nécessaires à la réalisation de ces mesures compensatoires.
Depuis 5 ans, FNE AURA, FNE Haute-Loire, SOS Loire Vivante, et l’Association des Usagers des Transports d’Auvergne contestent au tribunal les choix de tracé et de caractéristiques routières (un projet très coûteux : 2 x 2 voies, nombreux ouvrages d’art, etc.) faits par la Région Auvergne Rhône-Alpes.
La biodiversité exceptionnelle du site et les zones humides détruites seront-elles reconstituées ailleurs ?
Le maître d’ouvrage étant dans l’obligation de trouver des sites et des méthodes adaptées à la compensation attendue, il a finalement mandaté plusieurs prestataires pour réaliser un gros travail de prospection couvrant une zone particulièrement étendue.
A l’examen des informations demandées et désormais transmises à FNE AURA, nous déplorons que, malgré tous leurs efforts :
- les garanties de maîtrise foncière ne soient pas encore totalement acquises. Les obligations réelles environnementales et les conventions de gestion avec les propriétaires et agriculteurs exploitants restent apparemment en cours de négociation.
- les parcelles envisagées soient géographiquement extrêmement dispersées, souvent éloignées du site de la déviation en cours de réalisation (64 sites – voir points bleus sur la cartographie ci-dessous – dont certains à plus de 40 km de la déviation !), et de surfaces réduites, voire très réduites. Ce qui est contraire aux principes énoncés par le Ministère de l’écologie et l’Office Français de la Biodiversité.
- la démonstration de l’adéquation des sites avec le besoin de compensation identifié reste encore à faire (adéquation des substrats et des conditions climatiques).
- le choix de sites de référence pour mettre en évidence de manière scientifique et objective les évolutions attendues ne soit pas encore fait.
Enfin, cet exercice souffre actuellement d’un manque flagrant de définition d’objectifs et d’indicateurs fiables, sensibles et scientifiquement incontestables, accompagnés d’une définition de protocoles reproductibles (quels que soient les acteurs impliqués tout au long du suivi nécessaire – une trentaine d’années !).
Cartographie des mesures compensatoires
Mais ce n’est pas tout…
Les importants excédents de matériaux non réutilisables, ainsi que les ajustements de tracé, nécessitent encore 50 ha d’emprises supplémentaires. Or, l’expérience montre que si les dépôts sont négociés au cas par cas, dans le cadre des conventions d’occupations temporaires, ils risquent de combler de nouvelles zones humides et de détruire de nouvelles espèces protégées…
En conclusion
Au fil de ces années, et comme souvent dans les projets d’aménagement, les choix initiaux du maître d’ouvrage conduisant à négliger la solution d’évitement des impacts pour privilégier la solution de compensation environnementale, impliquent un surcoût immodéré pour les contribuables régionaux, une mobilisation constante des associations de protection de la nature, mais aussi des fonctionnaires et des acteurs locaux de la biodiversité et de la politique foncière (CEN, SAFER, etc.). Une énergie et des financements que FNE préférerait voir investis dans toutes autres actions en faveur de la biodiversité. Et notamment ici, dans le département de la Haute-Loire. De plus, en retardant les travaux, ces choix contestables continuent d’exposer les riverains aux nuisances de la RN88.
Pour aller plus loin
Nos experts
Martine Chatain, Copilote du Réseau (A)ménager le territoire, 06.85.75.16.34.
Publié par FNE Auvergne Rhône Alpes
Le Vendredi 05 avril 2024
https://www.fne-aura.org/actualites/region/quelles-compensations-pour-la-rn88-entre-le-pertuis-et-saint-hostien/
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