AUTORISATION DE TIR LÉTAL DU LOUP : SYMPTÔME DU REJET DE L’ESPÈCE DANS L’AIN ?
Deux victimes en un mois sur un troupeau de plusieurs centaines d'animaux seraient suffisantes, selon les services de l’État, pour autoriser le tir d'une espèce protégée.
Le 22 septembre 2023, Mme la Préfète de l’Ain a pris un arrêté* autorisant un tir de défense simple de loup.
Cela signifie qu’une dérogation est accordée à l’éleveur qui en a fait la demande et qui est donc autorisé à tuer un loup, dans les conditions définies par l’arrêté. En particulier, le tir est limité aux cas d’attaque du troupeau.
Cet éleveur a subi des attaques malgré la mise en place de tous les moyens de protection possibles pour son troupeau. Toutefois, nous considérons que cette décision des services de l’État est disproportionnée compte-tenu du faible nombre d’animaux tués (deux).
COMMENT CETTE AUTORISATION A-T-ELLE ÉTÉ ACCORDÉE ?
Cette autorisation de tir a été accordée suite à une attaque « pour laquelle la responsabilité du loup n’est pas exclue » le 23 août et une « probable attaque de grand prédateur » le 20 septembre. Rappelons que le loup est protégé au niveau européen. Cette protection prévoit la possibilité de dérogations mais en cas de dommages jugés importants.
Une telle décision revient à refuser toute présence permanente de loups dans l’Ain et ouvre la porte à leur destruction dès la moindre attaque, même si le nombre de victimes est très faible, au lieu de réserver les tirs aux foyers de prédation où les animaux tués sont réellement nombreux.
OU & QUAND LE TIR DE DÉFENSE EST-IL AUTORISÉ ?
Dans l’Ain, cela fait plusieurs années que des loups isolés sont régulièrement observés. Cette année, pour la première fois depuis plus d’un siècle, une reproduction a eu lieu dans l’Ain sur la Haute-Chaine du Jura : deux louveteaux qui portent à penser qu’une meute est installée durablement (voir le communiqué de presse des services de l’État en date du 7 septembre).
C’est justement sur le territoire de la Haute-Chaine du Jura mais hors Réserve Naturelle qu’ont eu lieu les possibles attaques de loup qui sont à l’origine de l’arrêté. Rappelons que tout tir est interdit au sein de la Réserve.
Nous ne pouvons que nous interroger en lisant dans l’arrêté que la demande de l’éleveur « d’effectuer des tirs de défense simple en vue de la défense de son troupeau » est datée du 2 août 2023 soit… 3 semaines avant la première attaque dudit troupeau ! L’éleveur est, suite à cet arrêté, autorisé à tirer un loup à proximité de son troupeau jusqu’au 31 octobre.
POURQUOI NOUS SOMMES POUR UNE COHABITATION ENTRE ÉLEVAGE ET FAUNE SAUVAGE
La déprédation d’ovins par les loups et les lynx concerne moins d’1 % des troupeaux de l’Ain, contre 5 % à 12 % de mortalité par d’autres causes (ex. maladies, accidents). Il faut donc relativiser l’impact des déprédations. Bien entendu, nous sommes conscient.es de l’épreuve que constitue chaque attaque, pour un éleveur ou une éleveuse, dans un contexte déjà difficile pour la profession. Cela ne saurait toutefois justifier des décisions de l’Etat inappropriées.
Comme tout grand prédateur, le loup a un rôle bénéfique sur les écosystèmes forestiers. En particulier, sa présence évite une surpopulation de grands herbivores et limite donc la pression de ces ongulés sur la végétation. Ceci est bénéfique à la fois pour le fonctionnement naturel des forêts et pour nos activités sylvicoles.
(voir l’article de Ferus : https://www.ferus.fr/actualite/l-importance-ecologique-des-grands-predateurs-sur-nos-ecosystemes)
De plus, un loup tué, ce n’est pas seulement un individu de moins sur l’effectif total car le loup est une espèce à la vie sociale complexe : les membres d’une meute dépendent les uns des autres. La mort d’un individu peut provoquer l’éclatement de sa meute. Se retrouvant seuls ou en petit groupe, les loups n’ont plus la possibilité de chasser leurs proies naturelles de grande taille (ex. cerfs), ce qui augmente le risque d’attaques sur les animaux domestiques. Les tirs peuvent donc se révéler contre-productifs.
Après plusieurs décennies sans loup en France et en raison des évolutions économiques globales, nos méthodes d’élevage ont changé. Il nous faut, collectivement, réapprendre à vivre avec le loup tout en étant solidaires des éleveurs et éleveuses. A FNE, nous sommes convaincu.es que cela est possible et nous continuerons à agir en ce sens !
*Lien vers l’arrêté (voir p33 et suivantes) : https://www.ain.gouv.fr/contenu/telechargement/24051/166791/file/recueil-01-2023-215-recueil-des-actes-administratifs-special%2025%20-09-%202023%20.pdf
Contact presse :
Marjorie Lathuillière
marjo.lathuilliere@yahoo.fr
06 48 71 38 84
QUI SOMMES-NOUS ?
France Nature Environnement – Ain est une association « loi 1901 » reconnue d’intérêt général. Grâce aux actions des bénévoles et de l’équipe salariée, nous œuvrons pour le respect de la nature et la cohabitation entre les humains et l’ensemble du vivant. Nous sommes donc favorables à la présence du loup en France tout autant qu’à l’accompagnement des éleveurs et éleveuses qui subissent des attaques.
Publié par FNE Ain
Le Mercredi 04 octobre 2023
https://www.fne-aura.org/communiques/ain/autorisation-de-tir-letal-du-loup-symptome-du-rejet-de-lespece-dans-lain/
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