Avec les JO, c’est toujours l’argent jamais l’or
FNE Haute-Savoie s’oppose à la tenue des JO d'hiver 2030 dans les Alpes et particulièrement en Haute-Savoie. Voici pourquoi.
La France sauveuse des JO (ou dindon de la farce)
La France est en train de devenir la sauveuse du mouvement olympique, par défaut. Avant même la tenue des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) 2024 de Paris, les Régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur ont officialisé leur candidature aux Jeux d’hiver 2030.
Si un comité national olympique se retrouve dans la situation de peaufiner son dossier de candidature aux Jeux olympiques d’hiver en même temps que les Jeux d’été – un cas rarissime –, c’est parce que le Comité international olympique (CIO) ne peut pas trouver d’hôte fiable ailleurs.
En juin 2022, l’Espagne a abandonné sa candidature. Vancouver (Canada), ville hôte en 2010, a montré son intérêt, mais le gouvernement de Colombie-Britannique a refusé de dépenser des milliards de dollars pour quelques semaines de sport. Après des abandons successifs devenus coutumiers désormais, le CIO comptait sur une ville japonaise, Sapporo, mais les critiques contre le mouvement olympique y sont très fortes, à cause notamment d’un scandale de corruption autour des Jeux de Tokyo. Il a été donc obligé de modifier le délai normal, à savoir l’attribution des Jeux sept ans avant, pour gagner du temps.
C’est dans ce contexte que Guy Drut, membre français du CIO, a proposé une candidature commune des deux régions alpines de la France. Les deux présidents de ces régions, Laurent Wauquiez et Renaud Muselier, se sont mis d’accord et ils ont rencontré le président du CIO, Thomas Bach, le 7 septembre 2023.
La pré-attribution des JO d’hiver 2030 par le CIO est intervenue en novembre 2023 au détriment de la Suède qui souhaitait examiner les conditions du CIO pour fournir les garanties d’État, et de la Suisse qui soumettait la candidature à une votation citoyenne. La France était le seul pays encore en lice prêt à signer un chèque en blanc et à ne pas consulter ses citoyens pour une telle décision. Des négociations sur le modèle financier des JO ou le risque d’un refus démocratique à la candidature auraient discrédité le CIO et ses méthodes. C’était exactement pour la même raison que Paris a eu ses Jeux d’été 2024, sans consultation de la population.
Crédit photo : Jeff Pachoud, AFP
Des financements publics records
Les Alpes françaises ont obtenu, le 24 juillet 2024, les JO d’hiver pour 2030 à la condition d’obtenir la garantie financière de l’État. Cet engagement doit émaner du Premier ministre puis être ratifié par le Parlement au plus tard le 1er mars 2025. La garantie prend généralement la forme d’un article de loi dans un projet de loi de Finances.
Un sens des priorités qui frise l’indécence
Alors que la France est sans gouvernement et dans une situation budgétaire inédite, le Président Macron a pris le temps de soutenir la candidature de la France en personne pour les JO d’hiver dans les Alpes le 24 juillet 2024.
Un dossier bâti sur le flou et le mensonge
Les jeux utiliseront des sites existants à hauteur de 93%, clament les promoteurs des JO 2030, notamment le stade de biathlon du Grand Bornand. Or, le stade existant doit être entièrement remodelé, avec la création de systèmes de production de neige artificielle, pour un coût de 50 millions d’euros. Dépassant le stade du greenwashing, ces affirmations tiennent du mensonge.
Une aberration environnementale
Les sites haut savoyards retenus
Les deux sites, Le Grand Bornand pour le biathlon, 950m d’altitude, et La Clusaz pour le ski de fond, 1450m d’altitude, concentrent dans le massif des Aravis toutes les problématiques induites par l’industrie du ski :
- Investissements de plus en plus lourds pour lutter contre le réchauffement climatique en produisant de la neige artificielle.
- Perturbation du cycle de l’eau.
- Augmentation de la consommation d’énergie.
- Mobilité carbonée et polluante.
- Sur-fréquentation touristique et perturbation voire destruction de l’environnement naturel.
- Spéculation foncière et immobilière et difficultés croissantes pour les populations locales pour se loger.
Les territoires alpins doivent au contraire amorcer leur transition écologique et faire évoluer leur modèle économique.
La neige naturelle se fait rare
Comment garantir en 2030 un enneigement correct sans des installations gourmandes en énergie et en eau ? En 2024, l’annulation de grandes compétitions de ski comme celles prévues sur la piste du Kandahar (de 1800 à 1000 mètres d’altitude) dans la vallée de Chamonix confirme l’impossibilité de garantir l’enneigement pour 2030 à de telles altitudes. Les Alpes n’ont pas été épargnées par la sécheresse depuis plusieurs années et des communes de Haute-Savoie ont dû faire appel à des camions-citernes pour leur alimentation en eau potable. Les agriculteurs sont désormais régulièrement confrontés à la sécheresse dans les alpages.
Malgré cette crise de l’eau et les alertes des hydrogéologues, les stations de ski continuent de perturber le cycle de l’eau pour la production de neige artificielle, à grand renfort de canons et retenues d’altitude qui les alimentent.
Les stations retenues n’échappent pas à la règle. La Clusaz s’est illustrée par sa volonté de construire la retenue d’altitude de Beauregard, heureusement suspendue grâce aux recours des associations environnementales et à la forte mobilisation citoyenne.
La commune du Grand Bornand s’est quant à elle illustrée pour sa pratique du snowfarming qui, en plus de perturber le cycle de l’eau, engendre un ballet d’engins et de camions pour transporter la neige du lieu de stockage au stade de biathlon. Dans le plan de 50 millions d’€ pour la restructuration de la station, la mairie du Grand Bornand a annoncé la création de deux nouvelles fosses de snowfarming à proximité du stade de biathlon (950m), dans le but d’éviter le transport de la neige et surtout d’éviter de continuer à ternir l’image de la station.
Stade de biathlon du Grand Bornand - Déc. 2022
Ces nouvelles infrastructures à créer font pourtant partie des 95% d’infrastructures annoncées comme déjà existantes par la Région. Le diable se cachant dans les détails, ces aménagements devaient être créés pour les championnats du monde de 2028 (annulés au Grand Bornand depuis). Voici comment, par des démonstrations fallacieuses, des élus prétendent organiser des JO d’hiver dits “verts“.
La production de neige artificielle nécessite du froid, de l’eau et de l’énergie. Quid de ces trois ressources en 2030 ? Quid du froid à 1000 m d’altitude alors que les Alpes du Nord se réchauffent entre deux et trois fois plus vite que la moyenne mondiale ?
Le scandale de l’utilisation illégale de l’eau
En juillet 2024, Blast révélait que pendant 23 ans (entre 2000 et 2023), La Clusaz pompait illégalement de l’eau d’une source pour fabriquer de la neige artificielle. Une enquête de l’Office français de la biodiversité (OFB) a démontré l’existence de l’installation d’un système souterrain illégal et coûteux pour capter l’eau de la source du Lachat, la diriger vers un local étiqueté “neige de culture”, puis la pomper vers la retenue du même nom, le tout sans autorisation bien sûr. « Une installation complexe caractérisant le fait qu’une réflexion poussée et des investissements importants ont été mis en œuvre par la commune « , d’après l’OFB.
Des captages irréguliers ont par ailleurs été découverts sur les trois autres retenues exploitées par La Clusaz pour alimenter ses pistes.
Dans le même temps, la municipalité de La Clusaz agitait auprès de sa population le spectre de la pénurie d’eau potable pour faire avaler son projet de retenue à Beauregard.
La commune du Grand Bornand est également épinglée par l’OFB : non-respect du calendrier de pompage et des quantités pompées, absence de déclaration et non-conformité des installations. Au total, une dizaine de rapports auraient été fournis au préfet de Haute-Savoie depuis 2020.
Blast a mis en lumière les stratagèmes utilisés par l’industrie du ski en Haute-Savoie pour détourner illégalement de l’eau pour les canons à neige, sous les yeux fermés du préfet. Il aura fallu attendre les révélations des médias pour qu’il commence à agir. Une semaine après les révélations de Blast, la préfecture a mis en demeure les gestionnaires des stations de Praz de Lys-Sommand et des Brasses. Des stations du Grand massif sont aussi concernées par des irrégularités.
La mobilité pas durable
L’impact majeur des Jeux olympiques est lié au transport des athlètes et de tous les spectateurs, en particulier leur arrivée en avion et en voiture majoritairement, sur les lieux des épreuves. L’étude de l’impact d’une journée de ski montre qu’en moyenne, 52% du bilan carbone d’un skieur provient de ses transports pour arriver dans la station.
L’offre ferroviaire pour accéder aux stations des Alpes en général et à celles de Haute-Savoie en particulier est très insuffisante. La modernisation des voies ferrées entourant le massif des Aravis (Aix – Annecy et Annemasse – La Roche – St Pierre) ne sont pas suffisamment soutenues politiquement et les délais d’études et de travaux de rénovation rendent l’objectif d’amélioration du ferroviaire inatteignable à l’horizon 2030.
D’ailleurs, les organisateurs ne misent pas sur le rail, mais sur une technologie comme l’hydrogène, loin d’avoir fait ses preuves et loin d’être vertueuse, puisque plus de 95% de l’hydrogène est fabriqué actuellement à partir d’énergies fossiles.
Les locaux repoussés, les problématiques de mobilité renforcées
En station, l’artificialisation des terres agricoles et naturelles est d’autant plus dramatique qu’elle sert à plus de 70% à des résidences secondaires inoccupées les trois quarts de l’année. Les habitants de ces stations et en particulier les jeunes ne trouvant plus de logements abordables, s’éloignent de l’activité des stations les obligeant à venir y travailler en voiture. La pression immobilière sera amplifiée par les JO 2030.
La démocratie bafouée
Au-delà des aspects environnementaux, ces JO 2030 sont également une aberration économique et démocratique, détaillée dans la tribune du mouvement NO JO réclamant un référendum sur le sujet.
Cette aberration économique a été confirmée par le dernier rapport de la Cour des Comptes du 6 février 2024 qui souligne à la fois que “Le modèle économique du ski français s’essouffle” mais aussi que “les politiques d’adaptation restent en-deçà des enjeux”. L’argent public envisagé pour les JO 2030 doit être investi dans la transition et pas dans la perfusion d’un modèle économique détruisant l’environnement et les ressources pour la résilience des territoires de montagne.
Demande de débat public
FNE et Mountain Wilderness ont demandé l’ouverture d’un débat public auprès de la Commission nationale du débat public le 14 juin 2024. Extraits :
“Toutes les conditions semblent donc réunies pour justifier l’organisation d’un débat public par les maîtres d’ouvrage. Pourtant il n’en est pour l’instant nullement question.”
“C’est pourquoi, au nom de nos fédérations respectives, nous demandons l’ouverture d’un débat public faisant toute la transparence sur ce projet pour que les investissements publics à venir ne confortent pas un modèle d’économie touristique très vulnérable et très préjudiciable au fragile équilibre écologique du massif alpin.”
Réponse de la Commission nationale du débat public du 05 juillet 2024 :
“Toutefois le code de l’environnement (cf. articles L. 121-8 et R. 121-3) exige au préalable que le maître d’ouvrage d’un tel projet le rende public par le biais de la publication d’un avis dans un quotidien national et un quotidien régional, ainsi que sur le site de la CNDP et se prononce sur son intention de saisir la CNDP ou pas. Il est nécessaire que vous puissiez prendre appui sur un tel avis pour que votre droit de saisine puisse s’exercer.”
En clair, le projet est tellement flou et opaque que les Régions concernées n’ont toujours pas déclaré officiellement le contenu du dossier des JO 2030 !
Références
Article du Monde du 29/09/2018 « Le CIO n’arrive plus à vendre ses JO d’hiver »
Sondage du Figaro du 30/11/2023 (61% des 94 000 répondant.es. opposés)
Sondage d’Alpine Mag du 23/07/2024
Collectif pour l’organisation d’un débat public sur les JO 2030 le 24/04/2024
Article du Monde sur la demande d’un référendum le 12/10/2023
Relance de demande de référendum par les NO JO le 15/08/2024
Publié par FNE Haute-Savoie
Le Mercredi 02 octobre 2024
https://www.fne-aura.org/nos-avis/haute-savoie/avec-les-jo-cest-toujours-largent-jamais-lor/
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