FNE AuRA et URCPIE AuRA engagées pour une sobriété lumineuse en Auvergne-Rhône-Alpes
Afin de soutenir des projets porteurs d’actions concrètes en faveur de la préservation et de la reconquête de la biodiversité, le ministère de la Transition écologique et l’Office Français de la biodiversité ont lancé l’appel à projet “MobBiodiv’2020”. “La nuit, je vis ! Préservons la biodiversité nocturne”, projet proposé par FNE AuRA en partenariat avec l’URCPIE AURA, est lauréat de cet appel à projet au côté de 47 autres propositions. Co-financé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, ce projet concerne la totalité du territoire de la région.
“La nuit, je vis” a ainsi pour objectif de protéger la biodiversité nocturne en favorisant par divers moyens la réduction de la pollution lumineuse. La pollution lumineuse impacte les conditions de vie animales, végétales et humaines. C’est la pollution dont la progression est la plus forte mais c’est aussi celle sur laquelle habitants, élus-décideurs, professionnels peuvent agir le plus facilement ! FNE AURA et l’URCPIE mobilisent donc leurs expertises (naturalistes, techniques…) et leurs compétences d’accompagnement et de pédagogie pour changer notre regard sur l’obscurité et aider les collectivités à adapter l’éclairage public. Ainsi, nous œuvrons à la préservation des zones de continuités écologiques tout en réduisant les sources lumineuses dans les zones aujourd’hui fortement éclairées. Les outils créés sont valorisés et mis à disposition de tous les acteurs (collectivités, associations, etc.).
Etat des lieux
L’un des objectifs du projet est de réaliser un état des lieux des pratiques en matière d’éclairage des communes de toute la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Le formulaire en ligne
Pour cela, nous avons réalisé un formulaire en ligne à destination des élus afin de récolter toutes les informations nécessaires à sa mise en œuvre. La diffusion de ce formulaire est faite à très large échelle sur le territoire.
La thématique est très large et demande la collecte de nombreuses données. Pour que nos informations soient complètes, nous devons par exemple connaitre tout ce qui a trait aux évolutions de l’éclairage sur les communes, mais aussi aux technologies de lampe utilisées, aux horaires d’éclairages et zones éclairées, aux objectifs de changement de pratiques de la commune, aux coûts et travaux mis en œuvre ou encore à l’implication de la population déjà perceptible sur cette problématique.
Ces données visent d’une part à dresser un bilan de l’éclairage actuel. D’autre part, elles visent à comprendre quelles évolutions sont mises en place par les élus et quels sont leurs retours d’expérience sur la question. En outre, elles permettent de savoir quel est l’état de connaissances des communes sur la problématique de la pollution lumineuse, notamment sur l’enjeu du spectre lumineux bleu qui est très nocif pour l’environnement et le vivant.
La cartographie
Toutes les informations recueillies sont traitées et reproduites sous la forme d’une cartographie interactive à la portée de tous, élus comme citoyens. Elle permet une approche à la fois globale et visuelle du territoire et donne accès à des données précises sur l’état de l’éclairage des différentes communes de la région.
Source des données : FNE AURA, CPIE Haute-Auvergne, Daniel Rousset.
Ces informations peuvent être précieuses pour les élus désireux de modifier leurs pratiques mais aussi pour des intercommunalités en réflexion sur la création de trames noires. Les citoyens, naturalistes et astronomes, à la recherche d’un coin de nuit ou d’un ciel de qualité, sont également à même de se servir de cet outil.
Cet état des lieux est également un moyen pour FNE AuRA et l’URCPIE de mieux connaître les besoins des communes qui sont à la recherche de conseils techniques ou d’actions pour améliorer leur éclairage. En effet, il permet aux communes de faire remonter leurs souhaits pour un accompagnement personnalisé de leur transition énergétique et lumineuse.
Accompagnement des collectivités
Les communes volontaires pour tendre vers une sobriété énergétique et lumineuse peuvent être accompagnées dans leur démarche. En effet, FNE peut agir aux côtés des services techniques et des élus à plusieurs niveaux :
- conseils dans les projets de rénovation de leur parc d’éclairage et les choix techniques à favoriser pour une prise en compte des consommations énergétique ET des impacts sur le vivant
- analyse des données « éclairage public » mises à disposition par la commune et élaboration de préconisations pour réduire la pollution lumineuse
- diagnostic de l’éclairage public avec cartographie des points lumineux, mesures de différents paramètres sous lampadaire et rédaction d’un plan d’action.
Cet accompagnement doit se faire en concertation avec les élus, les services techniques, le gestionnaire de l’entretien, et les habitants pour répondre aux spécificités locales et être en accord avec les besoins de chaque acteur.
Il est important qu’il puisse être poursuivi dans un deuxième temps, par un accompagnement de la commune à la sensibilisation des privés (commerces, industries, particuliers) car l’éclairage privé participe lui aussi à la pollution globale.
Sensibilisation
Le volet sensibilisation répond aux défis de changer la représentation de la nuit et de promouvoir le monde de la nuit. Pour cela, des réunions publiques, des promenades nocturnes, des sorties guidées dans les communes et des animations permettent de sensibiliser le public à la faune et à la préservation de l’environnement nocturne.
Différents supports et outils existants ont été développés pour accompagner les élus, citoyens, professionnels et groupes scolaires pour sensibiliser à la problématique de la pollution lumineuse. Parmi ceux-ci une mallette pédagogique, une plaquette technique sur l’éclairage public (« Eclairage public : des clés pour un éclairage juste, économe des ressources et respectueux de la vie sur terre ») et un panneau d’exposition territorial par département sont disponibles.
De plus, la force du monde associatif est de permettre à tout à chacun de s’outiller pour agir sur son cadre de vie. Des temps de formation de bénévoles sur cette thématique sont dégagés afin qu’ils puissent être porteurs d’information et de connaissance pour le plus grand nombre est prévu.
Implication des habitants et dialogue territorial
Pour réussir l’adaptation de l’éclairage public sur une commune, associer les habitants et l’ensemble des acteurs concernés est une des clés de réussite.
Pourquoi associer la population au projet de réduction de l’éclairage public ?
- Pour sensibiliser les habitants et autres acteurs de la commune aux enjeux de la pollution lumineuse et faire évoluer les représentations et comportements liés à la nuit.
- Pour élaborer un plan d’actions adapté aux besoins de chacun et répondre aux attentes et craintes potentielles vis-à-vis de la réduction de l’éclairage public.
- Pour trouver des solutions innovantes en s’appuyant sur différents points de vue et connaissances.
- Pour mettre en œuvre le projet en toute transparence et instaurer un climat de confiance.
Comment associer la population ?
D’une simple campagne d’information sur le projet à l’élaboration d’un état des lieux partagé de l’éclairage public, la population peut être associée à différents degrés et à différentes étapes de la démarche (diagnostic, recherche des solutions, mise en œuvre et évaluation des actions). Un large choix de méthodes participatives telles que les balades nocturnes, les questionnaires ou le porteur de parole peut être proposé pour recueillir les perceptions et avis des acteurs.
Au cours de ce projet, les CPIE et l’URCPIE explorent des nouvelles méthodes, avec l’appui d’une expertise en psychologie sociale, qui peuvent ensuite être appliquées par tous.
Retours d'expérience
Un certain nombre d’acteurs agissent déjà en faveur de la biodiversité nocturne.
La ville de Douai
Afin de lutter contre la pollution lumineuse, la Ville de Douai a mis en place une trame sombre sur son territoire. Elle a été construite en se fondant sur les continuités écologiques propres à un groupe d’espèces “parapluies” de la pollution lumineuse : les chiroptères.
La méthodologie a consisté à enregistrer les ultrasons des chiroptères sur l’ensemble de la commune afin de définir les trames sombres existantes. Cela a été possible grâce à la pose de 80 enregistreurs (SM4BAT) pendant plusieurs nuits entre le 4 et le 25 juin. Ceux-ci ont été répartis sur le territoire en fonction de la présence de végétation et de l’illuminance (somme des flux lumineux en un point donné), obtenue à partir d’une photographie aérienne nocturne. L’analyse des sons a été réalisée avec le logiciel Tadarida du Muséum National d’Histoire Naturelle.
Les enjeux chiroptérologiques du territoire se sont avérés forts, avec onze espèces identifiées.
L’étude a montré qu’il était difficile d’établir une trame sombre par espèce de chiroptère car l’identification statistique des variables environnementales influençant l’abondance ou non de certaines espèces n’est pas réalisable pour des communes comme Douai. Toutefois, une tendance est visible entre les différentes espèces non tolérantes à la lumière. Il est donc possible d’élaborer une trame sombre de manière empirique à partir de la répartition de l’activité des chiroptères (utilisation de l’outil ODENA©).
Une fois la trame sombre établie, il a alors été possible d’identifier les points de conflit avec l’éclairage existant et de proposer des prescriptions de gestion pour un éclairage durable, en accord avec les enjeux de biodiversité du territoire.
La métropole Nice Côte d’Azur
La Métropole Nice Côte d’Azur a choisi d’adapter son éclairage aux enjeux biodiversité dans les sites Natura 2000 de son territoire. Pour ce faire, les chiroptères ont servi d’indicateur. Les données connues de gîtes ont été croisées avec les données de l’éclairage afin d’identifier les continuités écologiques existantes et les conflits avec les points lumineux. Dans les zones avec un intérêt environnemental et dans lesquelles des conflits ont été relevés, l’éclairage a été adapté selon plusieurs conditions :
- l’orientation des lampadaires, afin d’éviter la dispersion de lumière ;
- le modèle de luminaire, pour les mêmes raisons ;
- la réduction de l’éclairage public ;
- la création ou la restauration des corridors végétaux.
La température de couleur a également fait l’objet d’une attention particulière, en limitant le spectre lumineux entre 1700 et 2000 degrés Kelvin, ceci correspondant aux longueurs d’onde les moins perturbantes pour les chiroptères. Les technologies de sodium basse pression et de LED ambrée ont été privilégiées et ont permis d’éviter les LED blanches avec des pics dans les émissions bleues et violettes qui étaient prévues avant cette étude dans le programme d’éclairage.
Dans certaines communes, des tests d’extinction et une communication auprès des habitants ont été réalisés.
Des enregistrements de chiroptères (70 nuits d’enregistrement à l’aide de capteurs innovants et autonomes en énergie car solaires et dont les données étaient retranscrites directement sur un serveur dédié et analysés par logiciel) ont été réalisés suite à l’adaptation de l’éclairage et ont démontré que les sites en extinction sont beaucoup plus fréquentés par les chiroptères, notamment du fait des ressources alimentaires (insectes) qui ne sont pas détruites.
Nantes Métropole
Nantes Métropole a adapté son éclairage dans le cadre d’un Schéma de Cohérence d’Aménagement Lumière, en vue d’atteindre la sobriété lumineuse. L’orthophotographie nocturne a été utilisée pour calculer le potentiel de nuisance lumineuse. Concrètement, une propagation potentielle de lumière est attribuée à chaque pixel de luminance zénithale selon 4 classes différentes. Le cumul de la contribution de tous les pixels permet de calculer une nuisance lumineuse sur une échelle de 0 à 10 et également d’en déduire une trame noire théorique. Cette trame est couplée avec l’urbanisation à venir et des enjeux biodiversité, notamment les cours d’eau, afin de mieux préserver ces zones et d’y adapter l’éclairage grâce à un accompagnement des projets d’aménagement.
Le canton de Genève (Suisse)
Le Canton de Genève a réalisé une orthophotographie de son territoire. Ensuite, une extraction des sources lumineuses a été faite à partir de l’orthophotographie, ce qui a permis de construire une modélisation en trois dimensions de la perception des sources lumineuses en chaque point du territoire. Ces données ont été croisées avec les corridors écologiques, notamment les trajectoires des chiroptères, afin de définir les lampadaires dérangeants.
La métropole de Lille
La Métropole de Lille a mis en place un projet avec une double approche : un volet écologique et un volet social. Le premier était orienté vers les chiroptères. Pour deux espèces de chiroptères, des cartes prédictives de leur distribution ont été réalisées. Le second était orienté vers les enjeux de l’acceptabilité sociale d’un projet de trame noire. Pour ce volet, des sondages ont été menés par téléphone et par courriel auprès des 85 communes concernées, afin de traduire les usages des communes. Par ailleurs, afin de mesurer le niveau d’acceptabilité des agents des services de l’éclairage public, des entretiens sur les modifications de l’éclairage public ont également été menés. Enfin, une enquête sur la perception de l’éclairage public et de la biodiversité nocturne a été menée auprès des habitants pour mesurer le niveau d’acceptabilité des riverains. L’objectif était que les changements de pratiques d’éclairage s’intègrent fonctionnellement dans la structure sociale existante. Les résultats ont montré que la trame noire était acceptée. Une forte majorité des habitants se prononce en faveur d’une modification afin de lutter contre les nuisances lumineuses et pour préserver la biodiversité nocturne. La raison invoquée le plus souvent est les économies d’énergie et la protection de l’environnement. Les résultats ont aussi montré que la cause du refus de l’extinction pour la plupart des habitants concerne le sentiment d’insécurité.